S comme Sentir


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Miniature persane et Bal à Bougival
Miniature persane (coll. N. Khouri-Dagher) et Bal à Bougival (Auguste Renoir)

« L’Apprentissage » : S comme Sentir. Un livre délicieux sur Internet, sous forme d’abécédaire, pour dire en 100 mots comment la France adopte ses enfants de migrants. « Lettres persanes » d’aujourd’hui qui seraient écrites par une enfant de migrants, petit manifeste sur la double identité culturelle des Français d’origine étrangère, l’initiative de la journaliste/auteur Nadia Khouri-Dagher a séduit Afrik.com qui a décidé de vous offrir deux mots par semaine. A savourer, en attendant la parution du livre…

De A comme Accent à Z comme Zut, en passant par H comme Hammam ou N comme nostalgie, 100 mots pour un livre : l’apprentissage ou « comment la France adopte ses enfants de migrants ». Une oeuvre que la journaliste/auteur Nadia Khouri-Dagher a choisi de publier d’abord sur Internet. Un abécédaire savoureux qu’Afrik a décidé de distiller en ligne, pour un grand rendez-vous hebdomadaire. Une autre manière d’appréhender la littérature…

S

SENTIR

Pour Céline Sachs-Jeantet

Un pays, pour un émigrant, ce sont, avant même les paysages ou les lieux familiers quittés, des parfums et des senteurs. Retrouver l’Orient, à 20 ans, ce fut pour moi avant tout retrouver l’odeur du café turc que l’on grille jusqu’à le brûler et parfumé de cardamome, l’odeur des trottoirs que l’on arrose en été pour la fraîcheur, l’odeur de la lessive qui bout dans d’énormes bassines, par exemple. Senteurs et odeurs que je retrouvais avec un bonheur fou, presque étonnée de les retrouver inchangées, après tant d’années.

Dans un journal tunisien, un article racontait le retour au pays d’un ancien dissident après vingt ans d’exil. L’homme parlait du plaisir de retrouver le parfum du jasmin, que l’on vend en été en petits bouquets et qui signent le pays, il appelait cela, et le journal en avait fait sa Une : l’odeur du pays – riht el blad.

Pareillement, vivant au Caire ou à Tunis, lorsque je revenais en France, pour quelques jours ou un mois, je retrouvais avec bonheur des parfums qui m’étaient désormais devenus familiers : le parfum des feuilles d’automne sur la terre humide dans une forêt de chênes ; l’odeur unique des boulangeries françaises, de pain chaud et de brioche, que ne dégage aucune boulangerie «française» dans aucun autre pays ; l’odeur des cafés parisiens, mélange de café, de tabac, de gruyère fondu et de vin ; et même l’odeur du métro, pourtant guère plaisante.

Aujourd’hui, en cette journée d’automne, Paris sent l’hiver : odeur de froid, odeur-de-Paris-l’hiver. Je sais que je suis devenue française par mon attachement à ces parfums de France, même les parfums hivernaux, moi qui aime le Sud la Méditerranée et l’été : l’odeur du café du matin dans les cages d’escaliers des immeubles parisiens, l’odeur du bois qui brûle dans les cheminées dans les villages en hiver, l’odeur de l’herbe fraîche à la campagne. Parfums que je connais – et reconnais – par cœur. Parfums d’un pays, que je me suis appropriés.

Lire l’interview de Nadia Khouri-Dagher

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