Rwanda : une meilleure santé à la portée d’un simple « clic »


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Mayange, un petit village aux ruelles poussiéreuses situé à 20 kilomètres de Kigali, la capitale du Rwanda, est doté d’un dispensaire qui dispose de moins de 40 lits pour s’occuper d’une population locale estimée à 35 000 habitants. Ce dispensaire est probablement ainsi à l’image de milliers d’autres à travers le continent qui s’efforcent de traiter leurs patients malgré l’insuffisance de leurs ressources et de leur personnel.

Aujourd’hui, grâce à un partenariat novateur entre le gouvernement, des organisations non gouvernementales et des entreprises privées, le dispensaire de Mayange a la possibilité d’utiliser la téléphonie mobile pour fournir un meilleur traitement à ses patients. A l’aide de logiciels mis au point par Ericsson et de portables, don de la filiale rwandaise de Mobile Telephone Networks (MTN), une société sud-africaine, le personnel de santé peut consulter le dossier médical d’une femme enceinte qui a été enregistré dans une base de données disponible en ligne; ensuite en cas d’urgence, toujours par téléphone portable, guider les gens qui s’occupent de cette femme. La mémoire de chacun de ces téléphones fournis par MTN inclut un manuel de formation aux soins maternels et infantiles qui comprend des images et des conseils oraux enregistrés qui peuvent être envoyés aux nouvelles mères et à leur famille.

Ce projet, bien qu’ayant démarré il y a seulement quelques mois, “aura des effets très importants,” a déclaré le Dr. Joseph Ryarasa à Afrique Renouveau. “Pour réduire la mortalité maternelle et infantile, il faut éduquer les mères et le personnel de santé. Maintenant, nous pouvons leur envoyer des messages éducatifs grâce à leur téléphone ou les informer sur les vaccinations.”

Un financement du gouvernement du Rwanda et le soutien du Earth Institute de l’Université de Columbia de New York a permis d’équiper le dispensaire de Mayange d’un chargeur solaire fourni par Ericsson et qui permet d’alimenter 30 téléphones. Il dispose aussi d’une base de données informatique accessible par téléphone portable qui contient les dossiers médicaux des familles du village, ce qui permet au personnel de suivre l’évolution de leur état de santé.

Une adaptation facile

Carl-Henric Svanberg, Directeur général d’Ericsson, explique que lancer des projets similaires ailleurs en Afrique serait facile et peu coûteux. “Différentes localités voudront appliquer le logiciel à des choses différentes — la santé, l’agriculture, s’informer des prix sur le marché au poisson. Pas besoin d’être un super génie pour adapter le logiciel. Les informaticiens africains peuvent le faire facilement,” explique-t-il à Afrique Renouveau. Pour commencer, l’institut et Ericsson ont l’intention de lancer le projet dans 10 autres villages africains.

Selon Joanna Rubenstein, une directrice du Earth Institute, ces technologies de la communication et de l’information (TCI) sont un important instrument pour permettre à l’Afrique de faire face à ses problèmes sociaux, “nous pensions initialement que nous devions attendre de faire parvenir l’électricité dans ces endroits pour pouvoir introduire de telles technologies. Mais grâce aux panneaux solaires, c’est possible immédiatement,” affirme-t-elle à Afrique Renouveau. Cette avancée technologique a ouvert la voie à “des applications pour lesquelles nous n’utilisons pas normalement nos téléphone mobiles dans les pays développés.”

Suivre le traitement du sida

Le dispensaire de Mayange n’est pas le seul à utiliser les réseaux de téléphonie mobile pour améliorer les soins de santé. Aujourd’hui au Rwanda, 143 dispensaires publics et cliniques privées qui offrent des médicaments antirétroviraux aux personnes touchées par le VIH/sida font usage de Tracnet, un système qui emploie des portables pour recueillir des informations sur l’état des patients infectés. Il aide aussi le centre national de fourniture des produits pharmaceutiques à suivre les stocks de médicaments qui sont disponibles dans chacun de ces établissements et à les renouveler en temps voulu, réduisant ainsi la fréquence des pénuries d’antirétroviraux.

“C’est une technologie simple qui a changé la manière dont nous faisons face au VIH au Rwanda, explique le Dr. Tom Mushi, de la “Polyclinique de l’Espoir” de Kigali. Auparavant, il arrivait fréquemment que les petits centres de santé manquent de médicaments essentiels et de fournitures. Les délais nécessaires pour renouveler leurs stocks pouvaient interrompre leur capacité de remplir les ordonnances. “Désormais, si les médicaments ne peuvent pas être obtenus assez rapidement à partir des stocks nationaux, ils peuvent s’adresser à un centre de santé voisin qui a des stocks suffisants pour satisfaire leurs besoins,” déclare-t-il à Afrique Renouveau.

Tracnet est un projet conjoint d’une société privée, Voxiva, et du Ministère de la santé du Rwanda; il est financé en partie par la Banque mondiale. Des partenariats similaires entre sociétés privées, gouvernements et agences de l’ONU existent en Ouganda et au Mozambique. Au Burkina Faso et au Burundi, des communautés rurales reçoivent une formation aux soins pour les patients du VIH/sida dispensée par le moyen des technologies mobiles.

Albert Butare, Ministre d’Etat, Ministre de l’énergie et des communications du Rwanda, appelle les bailleurs de fonds à soutenir les solutions technologiques susceptibles de résoudre certains problèmes sociaux. “Quand nous avons entrepris d’adopter les TCI, nous avons en fait eu des problèmes avec nos partenaires de l’aide au développement, explique-t-il. Ils nous ont dit, ‘vous êtes trop ambitieux. Est-ce que vous avez vraiment besoin d’ordinateurs et de l’Internet ou plutôt d’assez d’eau potable, de bons abris et de nourriture?’ Nous avons répondu que ces ressources ne s’excluaient pas les unes les autres, qu’elles nous étaient toutes nécessaires.”

Par Mary Kimani, de Kigali pour Afrique Renouveau, un magazine de l’Organisation des Nations Unies

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