Rwanda, le pays hanté


Lecture 3 min.
arton9339

Le reporter-photographe Christophe Calais est allé à la rencontre du Rwanda post-génocide. Le livre Rwanda, le pays hanté fait la somme de plus de vingt voyages dans la région, entre juin 1994 et juillet 2005. Touché par l’intensité des photos, le jeune chanteur Corneille, rescapé du génocide, a prêté le texte d’une de ses chansons pour introduire l’ouvrage.

Entre juin 1994 et juillet 2005, le reporter-photographe Christophe Calais a effectué plus d’une vingtaine de voyages dans la région des Grands Lacs, plus particulièrement au Rwanda. En juin 1994, celui-ci sortait tout juste du génocide qui a fait, en trois mois, plus de 800 000 morts parmi les Tutsis et hutus modérés. Armé de son appareil photo, Christophe Calais est allé interroger le pays et ses habitants. Comment vit-on après l’horreur ? La réponse se trouve dans son livre, Rwanda, le pays hanté, qui vient d’être publié. Un livre au contenu aussi dense que son format, petit et légèrement à l’italienne. Hanté par le génocide, le Rwanda l’est sans conteste. Les morts et la mort rôdent encore autour des collines.

Le livre s’ouvre et se referme sur une série de photos en couleur fantomatiques. Certaines sont floues. Les paysages y sont noyés dans la brume ou la pénombre et lavés par la pluie, les silhouettes y sont inquiétantes et imprécises. Dans le reste du livre, les photographies de reportage en couleur côtoient des portraits intenses en noir et blanc. Les visages des bourreaux et celui des victimes se rejoignent. Les photographies de cadavres et de crânes parlent plus que les légendes…

« Sur la tombe de mes gens »

Christophe Calais remonte le temps. Il explique la création du mémorial de Murambi où, le 14 avril 1994, 50 000 personnes ont été massacrées. Il fixe à jamais les regards de cette « famille d’enfants », qui survit à Kigali après la mort de leurs parents : Jean-Pierre, 14 ans, le chef de famille, Jean-Paul, 12 ans, Jean-Bosco, 10 ans, Apollinaire, 8 ans et leur cousine Nadine qui leur prépare à manger. Il suit la fuite des Hutus en République démocratique du Congo, en juillet 1994, par crainte des représailles du nouveau pouvoir rwandais dominé par les Tutsis. Puis leur retour au Rwanda, en 1996, chassés par la guerre civile congolaise. Il photographie le début du procès des militaires génocidaires à Arusha, en Tanzanie, en 2004.

Il est dans les prisons du pays, où plus de 130 000 personnes sont détenues, accusées d’avoir participé au génocide. Il voit la mise en place des premières juridictions gacaca, tribunaux populaires inspirées des assemblées villageoises et assiste aux cérémonies commémorant le dixième anniversaire du génocide, le 7 avril 2004. Pour terminer sur une photo de l’Hôtel Palm Beach de Gisenyi et de l’Akagera Lodge, dans le parc naturel de l’Akagera. Une façon de dire que tout est prêt pour un retour à la normale. Malgré tout, d’autres images restent gravées, comme celle de cette femme en larmes, « devenue folle d’avoir tué » dit la légende. Ou celle de Claudine, 23 ans, torturée, laissée pour morte et qui a perdu toute sa famille. Longtemps, elle s’est crue folle : sur la photo, elle est entourée de deux personnes. Claudine est floue sur le cliché. Aussi floue que sa vie.

La force de ces photographies et l’émotion qu’elles dégagent ont touché Corneille, le jeune chanteur de R’n’B rwandais, rescapé du génocide. Il a prêté le texte d’une de ses chansons, « Sur la tombe de mes gens », en guise d’introduction. Il explique : « Au moment où je commence à envisager un retour au pays, une appréhension me retient. La peur de l’inconnu, je suppose. « Sur la tombe de mes gens » est née de ces moments de doute. Les photographies de Christophe Calais racontent ce que je dis dans cette chanson mieux que mes propres mots. Cette rencontre a permis la réconciliation de ma mémoire avec mon pays ».

 Rwanda, le pays hanté, photographies de Christophe Calais, texte de Corneille, éditions du Chêne.

Commander le livre.

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News