Révoltes au Soudan : vers la chute d’Omar el-Béchir?


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Une vague de manifestations secoue, ces derniers jours, le Soudan où de nombreuses personnes ont réclamé la chute du régime d’Omar el-Béchir, actuel Président. Alors que le pays est l’un des plus grands producteurs de pétrole au monde, la population vit dans une misère sans précédent. Excédée, elle sort de ses gonds et exige un changement immédiat. Joint par Afrik.com, Philippe Hugon, spécialiste de l’Afrique de l’Ouest et du Soudan, apporte des éclairages.

Après le printemps arabe, l’été soudanais ? Le régime de Khartoum serait-il en train de connaitre le même sort que celui de son voisin égyptien ? On n’en est pas encore là. Mais les récents soulèvements populaires qui se déroulent dans la capitale laissent à le croire.

De fortes manifestations contre la corruption et la hausse du prix des denrées de première nécessité drainent une immense foule en colère dans les rues de quelques villes du pays. Une occasion rêvée par les détracteurs du régime qui radicalisent leur position, n’hésitant pas à user de la force pour obtenir la chute d’Omar el-Bechir.

«73% des revenus d’exportation proviennent du pétrole»

Pourtant, le Soudan est un grand pays producteur de pétrole. Le pays compte plus de 30 millions d’habitants et s’appuie principalement sur la production de l’or noir pour subvenir aux besoins d’une bonne partie de la population. 73% des revenus d’exportation proviennent du pétrole. Mais le quotidien du Soudanais moyen reste inchangé depuis des décennies. En 2012, le Soudan figure sur la liste des 20 pays les plus pauvres au monde.

Une situation préoccupante qui avait poussé des centaines de manifestants à descendre dans les rues de Khartoum le 30 juin dernier, lors de la célébration du 24ème anniversaire du coup d’Etat d’ Omar el-Bechir en 1989. Mais leur manifestation a été réprimée dans le sang par la police.

Comment peut-on expliquer la cherté du coût de la vie au Soudan, alors que le pays compte parmi l’un des plus grands exportateurs de pétrole ? La cherté de la vie au Soudan est-elle un fait nouveau ou est-ce occasionnée par la conjoncture économique mondiale? Vu l’ampleur des manifestations, le régime de Khartoum ne risque-t-il pas de céder à la pression de la rue, comme ce fut le cas en Egypte ? Pourquoi les manifestations au Soudan sont moins médiatisées que celles de ses voisins égyptiens ?, Philippe Hugon tente d’expliquer la situation.

Interrogé sur la cherté du coût de la vie au Soudan, le spécialiste répond : « Le Soudan a énormément souffert de l’indépendance du Soudan du Sud. Trois quart des ressources pétrolières se trouvent aujourd’hui au Soudan du Sud. Il faut rappeler aussi que le Soudan est un pays en guerre, qui a dépensé énormément d’argent sur le plan militaire. Et là, le régime commence à perdre sa crédibilité. Sa dépendance envers l’Egypte qui connaît une situation politique et sociale très instable participe aussi à affaiblir l’économie du Soudan. Tous ces facteurs-là font qu’il est difficile de bien gérer la situation économique du pays ».

« Seuls les Britanniques et les Américains s’intéressent au Soudan »

Le spécialiste ne veut surtout pas se prononcer sur la question de savoir si, oui ou non, cette cherté du coût de la vie au Soudan est un fait nouveau, mais il exclut l’hypothèse de voir le régime d’Omar el-Béchir évincé par les voix de la rue. « Je ne pense à la chute du régime à cause de ces manifestations. Mais il est possible de voir s’installer dans ce pays une crise politique et sociale. Il faut remarquer que le Soudan est traversé par des mouvements salafistes, ces dernières années ».

Sur la faiblesse de la couverture des manifestations par les médias occidentaux, le chercheur précise : « le Soudan n’intéresse que le monde anglophone en réalité. Cela s’explique par le fait que c’est une ancienne colonie britannique et aussi un pays arabe. On ne voit que très peu d’articles de la presse francophone sur le Soudan. Il n’y a que les Britanniques et les Américains qui s’intéressent à ce pays ».

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