Représailles après la mutinerie de Kisangani


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Drapeau de la République Démocratique du Congo
Drapeau de la République Démocratique du Congo

Le calme est tout à fait précaire à Kisangani, capitale de la province orientale après trois jours d’effervescence dus à une mutinerie qui a éclaté mardi 14 mai 2002 au sein des troupes du RCD/Goma qui occupent la ville. Bilan : 20 morts.

De notre correspondant à Kinshasa

Les sources de la société civile font état de vingt morts dont sept militaires et une centaine de blessés. Les rebelles, pour leur part, arrêtent le bilan à sept morts. Selon « Radio Okapi », la radio de la Monuc (Mission d’Observation des Nations Unies au Congo), la seule radio à relayer les émissions des stations provinciales dont justement celle de Kisangani, le coup vient des militaires dissidents du RCD/Goma qui se réclament d’un RCD/Originel, groupe inconnu jusqu’ici. Les mutins ont pris d’assaut la station de la radio officielle, la RTNC (Radio Télévision Nationale Congolaise), pour faire passer leur message et appeler la population à manifester contre les autorités locales.

Etrangers dehors !

« Rwandais et Tutsi dehors. Nous ne voulons plus de l’occupation rwandaise ici à Kisangani, auraient-ils notamment déclaré à la radio. Les Congolais sont capables d’arranger seuls leurs problèmes ». La Monuc a officiellement confirmé ces informations et se déclare très préoccupée par la situation qui ne cesse de se dégrader à Kisangani. Selon Hamadoun Touré, le porte-parole de la Monuc, une grande opération de ratissage est en cours ce jeudi, 16 mai à travers la ville de Kisangani. « La situation est extrêmement horrible, a-t-il déclaré. Vingt personnes ont été tuées et plusieurs membres de la société civile font l’objet d’arrestations massives ».

Hamadoun Touré a ajouté que le Conseil de Sécurité suit attentivement les événements et le secrétaire général est informé constamment de toute évolution sur le terrain. « Nous appelons les parties à faire preuve de retenue et à respecter les droits de l’homme. Nous restons en contact avec le RCD/Goma pour que le calme revienne dans la ville », a encore dit le porte-parole de la Monuc. Les malheureux événements qui secouent la ville de Kisangani sont suivis avec beaucoup de minutie à Kinshasa, pour des raisons tout à fait évidentes. Les circonstances politiques sont telles que Kinshasa reste constamment à l’écoute des provinces encore sous le contrôle des rebelles.

Le RCD fait de la résistance

La ville de Kisangani retient particulièrement l’attention dans la mesure où elle constitue le point de mire de la communauté internationale. En dépit des résolutions des Nations Unies recommandant la démilitarisation de la ville, le RCD/Goma fait de la résistance. Bien plus, la population de Kisangani attendait avec beaucoup d’espoir comme toute la république que les négociations politiques de Sun City sonnent la fin de la guerre et ramènent la paix. Pour son malheur, tous les autres rebelles ont signé un accord de fin des hostilités qui leur permet de se retrouver aujourd’hui à Kinshasa, sauf les rebelles du RCD/Goma qui se sont catégoriquement refusé à signer l’accord. En conséquence, la ville est restée comme une plaie béante au milieu du reste de la province, actuellement réconcilié avec Kinshasa.

Toutes ces frustrations longtemps contenues, aggravées par le fait que le RCD/Goma ne se cache plus de rouler officiellement pour le Rwanda, un pays étranger, ont dû susciter un sentiment de rage et de colère. Le passage, le 1er mai 2002 à Kisangani, de la mission du Conseil de Sécurité, conduite par l’ambassadeur de France à l’Onu, M. Jean David Lévitte, a dû raviver l’espoir de la population qui croyait enfin pouvoir se débarrasser de ce joug rwandais. La mission onusienne avait longuement reçu les membres de la société civile de la place. Ce qui visiblement n’avait pas plu aux autorités du RCD qui, dès le départ de la mission ont dû, par leur comportement, signifier à la population que le Conseil de Sécurité n’avait rien changé.

Plus grave, le gouverneur de la province -qui ne contrôle en fait que la ville de Kisangani et ses environs immédiats- a interdit toute activité et toute réunion pour la société civile de la province jusqu’à nouvel ordre. D’où sûrement l’exaspération de la population. Et la colère généralisée.

Villes vidées de leur population

Nos contacts sur place nous font savoir qu’actuellement deux communes périphériques, notamment celles de Mangobo et de Kabondo, réputées particulièrement anti-Tutsi et donc contre l’occupation rebelle, ont été totalement vidées de leur population. Une bonne partie s’est enfui dans la brousse et une autre a préféré se réfugier dans le centre de la ville.

« Nous nous trouvons actuellement dans l’enceinte du campus universitaire de Kisangani, nous a confié Michel Bundro, un journaliste de la presse écrite. Nous ne savons pas dans quel état nous retrouverons nos habitations. Les soldats rwandais ne respectent rien. Ils ont pillé la paroisse Christ-Roi et violenté les curés notamment le père jésuite Xavier Zabalo d’origine espagnole ». Un autre prêtre, le père Verhaegen, de nationalité belge, a été passé à tabac pour avoir transporté à l’hôpital, un jeune garçon grièvement blessé au cours des affrontements. Lui-même s’est retrouvé à l’hôpital.

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