Reporters sans Frontières contre les « ennemis d’Internet »


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Reporters sans Frontières a tenu mercredi sa deuxième manifestation sur Internet dénonçant les pays qu’elle estime être des ennemis du Web. Parmi les neuf Etats que les internautes pouvaient rappeler à l’ordre sur le site de l’organisation figuraient trois pays africains : l’Egypte, l’Erythrée et la Tunisie.

Quel est le moyen le plus efficace de contrer la censure d’Internet ? La cybermanifestation. Reporters sans Frontières (RSF) a organisé mercredi sa deuxième Journée pour la liberté sur Internet. L’organisation française explique sur son site que 21 843 internautes ont cybermanifesté dans neuf pays « ennemis d’Internet » : la Birmanie, la Chine, la Corée du Nord, Cuba, l’Egypte, l’Erythrée, la Tunisie, le Turkménistan et le Viêt-nam. Les visiteurs avaient 24h – à cheval sur mercredi et jeudi – pour « créer un avatar, choisir le message de leur banderole et prendre part à l’un de ces rassemblements virtuels ». Forte de son succès, RSF entend consacrer chaque 12 mars à la lutte contre les diverses répressions de la liberté d’expression sur le Web, comme les arrestations de cyberdissidents – 62 sont actuellement derrière les barreaux dans le monde – et les fermetures de sites ou de blogs. Précisions de Jean-François Julliard, responsable de la recherche à RSF.

Afrik.com : D’où vient l’idée d’une Journée pour la liberté sur Internet ?

Jean-François Julliard :
Nous voulions créer pour Internet l’équivalent de la Journée pour la liberté de la presse. Une journée où il y aurait une cybermanifestation mais aussi d’autres actions, comme la publication d’un rapport concernant la censure sur Internet. Nous avons ressenti ce besoin parce qu’il y a de plus en plus de menaces contre les sites, les blogs, les cyberdissidents… Des personnes sont arrêtées dans les mêmes proportions que les journalistes des médias traditionnels. Parmi les cyberdissidents emprisonnés, il y a des journalistes mais aussi des bloggeurs et des gens qui se sont exprimés sur des forums Internet. Une journée spécifique était nécessaire pour protéger ceux qui veulent s’exprimer librement via Internet.

Afrik.com : Votre liste des « ennemis d’Internet » comporte quinze pays mais il était possible de cybermanifester contre neuf d’entre eux. Pourquoi ce choix ?

Jean-François Julliard :
Nous avons sélectionné les pays qui nous semblaient les pires, les plus emblématiques. D’où la Chine, la Birmanie et la Corée du Nord. Mais nous voulions aussi mettre symboliquement des pays où il est difficile, voire impossible, de manifester, comme c’est le cas en Erythrée.

Afrik.com : Vous avez ajouté à votre liste de pays « ennemis d’Internet » l’Ethiopie et le Zimbabwe. Pour quelles raisons ?

Jean-François Julliard :
En Afrique subsaharienne, Internet n’est pas considéré comme une menace très importante par les gouvernements parce que le continent reste sous-connecté. Mais nous avons constaté que le Zimbabwe puis l’Ethiopie avaient augmenté leur contrôle d’Internet. Si quelqu’un crée un site, le Zimbabwe a tout prévu sur le plan légal pour contrôler cette personne qui l’a créé ou l’arrêter si besoin.

Afrik.com : Vous avez également une liste de pays « sous surveillance », sur laquelle figure, concernant l’Afrique, l’Erythrée, la Gambie et la Libye…

Jean-François Julliard :
Ces Etats sont « sous surveillance » parce qu’ils mettent en place un arsenal juridique à titre préventif qui leur permettra de contrôler Internet s’il venait notamment à se développer sur leur territoire.

Afrik.com : L’Unesco (Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture) a retiré son soutien à votre cybermanifestation la veille de son déroulement. Vous évoquez des pressions…

Jean-François Julliard :
Des pays ont fait pression sur l’Unesco pour qu’elle ne soit pas associée à la cybermanifestation. L’Unesco l’a reconnu et a expliqué s’être retirée parce qu’elle est soumise aux desiderata de ses pays membres et du système des Nations Unies. Mais on ne sait pas quels pays ont fait pression, ni dans quelle mesure ils sont intervenus.

Afrik.com : Vous venez de réaliser une nouvelle version du « guide du blogueur et du cyberdissident». Quel est l’objectif de ce guide ?

Jean-François Julliard :
L’idée est d’expliquer ce qu’est un blog, de souligner la différence avec un site et de donner des conseils très basiques pour créer un blog. On explique aussi comment blogger tout en restant anonyme : on indique qu’il faut blogger dans un cyber café ou utiliser un proxy. Un proxy est un serveur relais qui permet de masquer la localisation de l’ordinateur et donc d’empêcher de remonter jusqu’au bloggeur.

Visiter le site de Reporters sans Frontières

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