
Avec un investissement de 120 millions d’euros dans son complexe de détergents, Henkel transforme son site algérien en vitrine technologique mondiale, à l’heure où Berlin et Alger multiplient les partenariats stratégiques.
L’usine ne paie pas de mine depuis la route nationale. Pourtant, derrière les murs du complexe Henkel de Réghaïa, c’est une petite révolution industrielle qui s’est opérée. Le groupe allemand, présent en Algérie depuis un quart de siècle, vient d’achever la transformation de son site en un modèle d’usine connectée, bardée de capteurs, pilotée par l’intelligence artificielle et fonctionnant sans interruption.
Le chiffre donne le vertige : 120 millions d’euros injectés pour hisser cette unité de production de détergents liquides aux standards de l’industrie 5.0. Sur les 17 hectares du site, 214 salariés travaillent désormais en trois équipes continues. Des caméras intelligentes détectent les défauts invisibles à l’œil nu, les prélèvements qualité s’effectuent toutes les trente minutes, et l’ensemble des données énergétiques remonte en temps réel sur des tableaux de bord analytiques.
Le pari de l’ancrage local
Mais la prouesse ne se limite pas à la technologie. Henkel a fait le choix résolu de l’intégration au tissu économique algérien. Sept intrants sur dix proviennent de fournisseurs locaux. La totalité des emballages, recyclables, sort d’ateliers algériens, certains implantés directement dans l’enceinte du complexe. Cette stratégie porte un nom dans le jargon industriel : le « wall-to-wall », où sous-traitants et donneur d’ordres partagent les mêmes murs.
Arrivé en 2000 par une joint-venture avec l’Entreprise nationale des détergents, le groupe allemand a patiemment construit sa présence. Deux usines, Réghaïa pour les liquides, Chelghoum Laïd pour les poudres, un siège à Alger, des bureaux régionaux à Oran et Constantine. Les marques Isis, Bref, Le Chat ou Pril sont entrées dans le quotidien des ménages algériens. Cette année, pour marquer ses vingt-cinq ans, Henkel a lancé sa gamme capillaire Schwarzkopf, jusque-là absente du marché.
L’axe Alger-Berlin se consolide
Cet investissement massif accompagne un réchauffement spectaculaire des relations économiques germano-algériennes. Le 11 décembre, Alger accueillait la première édition du Sommet d’investissement germano-algérien. Une journée riche en signatures : KSB produira localement pompes et vannes industrielles, Siemens construira des centres de données avec le partenaire algérien Intelligent Network, Weiss Chemie + Technik fabriquera des adhésifs pour l’automobile et la construction navale.
Un mois plus tôt, l’Agence algérienne de promotion de l’investissement nouait un jumelage institutionnel avec le ministère fédéral allemand de l’Économie, financé par Bruxelles. Les deux pays regardent aussi vers l’avenir énergétique : le projet SouthH₂ ambitionne d’acheminer l’hydrogène vert algérien vers l’Europe, avec l’objectif de couvrir dix pour cent des besoins du continent d’ici 2040.
Pour l’Algérie, ces signaux confirment une tendance. La Banque mondiale note que les annonces d’investissements étrangers ont dépassé le milliard de dollars au premier semestre 2025, un seuil qui n’avait plus été franchi depuis la pandémie. Dans ce contexte, l’usine de Réghaïa,désormais la moins énergivore du réseau mondial Henkel, fait figure de symbole : celui d’une industrie algérienne capable d’attirer et de retenir les géants européens.




