Reckya Madougou : le talon d’Achille du Président béninois ?


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Reckya Madougou
Reckya Madougou

L’élection présidentielle d’avril 2021 s’est déroulée dans un contexte de forte répression politique. Le Président sortant, Patrice Talon, candidat à sa propre succession, a remporté le scrutin, face à une opposition décimée. L’arrestation de la principale opposante au régime présidentiel, Reckya Madougou, interpelle sur le recul de la démocratie au Bénin.

Le Bénin s’est engagé, depuis les années 1990, dans un processus de démocratisation. Parmi les premiers pays d’Afrique subsaharienne à étreindre la démocratie, le pays se trouve bien loin aujourd’hui de cet idéal. Le cas de Reckya Madougou montre non seulement une justice à deux visages, mais témoigne d’une répression politique sans précédent.

Candidate investie par l’opposition pour la Présidentielle de 2021, elle est arrêtée par les forces de police béninoises, à la sortie d’un meeting politique, en mars dernier. Inculpée pour financement du terrorisme et d’atteinte à la sûreté de l’État, elle est directement placée en détention, dans l’attente d’un procès.

Cette ancienne Gardes des sceaux, nommée ministre à plusieurs reprises et décorée par de nombreux ordres de mérite nationaux, est aujourd’hui emprisonnée pour des crimes qu’elle n’a pas commis. Les accusations infondées du régime Talon et la détention arbitraire font la lumière sur la dérive autoritaire du chef de l’État. Ce dernier use de tous les moyens, politiques et judiciaires, pour s’imposer au pouvoir et éliminer tout opposant sur son chemin.

La situation de Reckya Madougou, présumée coupable avant même de bénéficier d’un procès équitable, interpelle sur la situation des droits de l’Homme dans le pays. Autrefois réputé pour sa démocratie, le Bénin de Patrice Talon prospère de nos jours, grâce à la répression des opposants et le muselage des exilés et détenus politiques.

Déclin de la démocratie

Élu en 2016, le Président Talon succède à Boni Yayi, à la tête de l’État béninois. Du milieu des affaires à la politique, il se fraie un chemin et fini par intégrer la plus prestigieuse fonction : la présidence. Très rapidement, cet homme d’affaires, réputé nationalement et internationalement sur le marché du coton, prend goût au pouvoir. Il procède à la modification de la Constitution, dont la promulgation intervient en 2019.

Cette révision constitutionnelle introduit une crise politique profonde, plongeant le Bénin dans un chaos sans précédent. En effet, la stabilité du pays reposait sur la Constitution, adoptée en 1990. La paix était donc assurée, avant que Patrice Talon ne décide de mettre à l’œuvre ces modifications. De plus, le caractère monocolore de l’Assemblée nationale, installée par la seule volonté du chef de l’État, pose la question de la crédibilité des acteurs. La démocratie béninoise a longtemps reposé sur le multipartisme et la pluralité des voix, qui de nos jours, ont été volontairement supprimés, au détriment de l’opposition.

Les figures de l’opposition ont, petit à petit, été reléguées au second plan. Réprimées et muselées, elles ont, une à une, été écartées du pouvoir à travers des magouilles politiques. Toutes ces caractéristiques pointent vers un malheureux constat : la dégradation des acquis démocratiques. Le Bénin est même sorti de la liste des pays sûrs de la France et des États-Unis. Plusieurs organisations non gouvernementales internationales, telles que Amnesty international, ont dénoncé les dérives autoritaires du régime Talon et les exactions des droits humains dans le pays.

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La France va d’ailleurs traiter du cas béninois, à l’Assemblée nationale, à travers une question écrite du député Hubert Laferrière. Le traitement de ces questions par l’institution républicaine fait la lumière sur une question primordiale : que fera le pays des Lumières, allié stratégique du Bénin pour faire valoir l’État de droit ?

Le pouvoir des convictions

Forte, résiliente et déterminée, Reckya Madougou poursuit son combat pour la démocratie au Bénin. Malgré une absence de procès, des vices de procédures et un acharnement politique, elle refuse de voir son pays plongé dans la tyrannie et la dictature. Depuis sa prison, elle continue à mener ses actions philanthropiques, de développement des populations locales et d’engagement social.

Son combat pour une justice impartiale et pour la réconciliation nationale ne peut qu’être saluée au Bénin et même en Afrique. Les fausses accusations contre elles ne l’empêchent pas de pardonner et de s’élever spirituellement. Cette femme a non seulement marqué l’histoire politique de son pays, mais a surtout touché les cœurs des Béninois et des Africains.

Cet engagement pour la liberté, les droits, la stabilité et la paix est universel. Son parcours résonne en Afrique, où de nombreux dirigeants africains ont choisi une longue vie au pouvoir, au détriment de la démocratie. Tant que l’injustice règnera au Bénin, la flamme de Reckya Madougou ne pourra être éteinte.

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