RDC : une opposition de plus en plus unie


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En République Démocratique du Congo, tous les chemins mènent à Genval… du nom des conclusions tirées du Conclave de Bruxelles ayant réuni, du 9 au 11 juin 2016, une large partie de l’opposition. Après quelques jours de léger flottement, c’est désormais l’unanimité qui prévaut dans les rangs des opposants.

L’opération « unité des opposants » a réussi… Quelques points en particulier font consensus : le strict respect de la Constitution ; le départ de Joseph Kabila en décembre prochain ; le rejet du « dialogue » tel qu’envisagé par le chef de l’Etat congolais ; ainsi que la libération des opposants et des militants pro-démocratie et la fin de l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques. Quant à une éventuelle candidature commune au sein de l’opposition RD congolaise, elle fait peu à peu son chemin.

Pour l’opposition, la condamnation la même semaine de Jean-Pierre Bemba (par la CPI dans le dossier de la Centrafrique) et de Moïse Katumbi (dans une affaire immobilière, qualifiée d’« abracadabrantesque ») aura eu un effet inattendu : celui de resserrer considérablement les rangs dans l’opposition RD congolaise. Aujourd’hui, tout le monde (ou presque) en son sein s’accorde à dire que s’il y a dialogue, alors ce devra être sous l’égide de la résolution 2277 et non du « facilitateur » de l’Union Africaine, Edem Kodjo. Même le MLC est rentré dans les rangs. Après Eve Bazaïba mardi, le parti a confirmé, ce jeudi 23 juin, à travers son porte-parole, William Canon, qu’il n’ira pas au dialogue tel qu’envisagé par le Président Kabila, le camp au pouvoir n’ayant pas exécuté les résolutions des concertations nationales, spécialement celle qui demandait au gouvernement de négocier la libération de Jean-Pierre Bemba. L’autre point, en revanche, ne souffre aucune contestation : le départ de Joseph Kabila au terme de son second et dernier mandat, le 19 décembre prochain.

Alors que le chef de l’Etat RD congolais est de plus en plus soupçonné de vouloir organiser un réferendum pour se maintenir au pouvoir, l’opposition s’évertue à accorder de plus en plus ses violons. Un indice ne trompe pas. Dans sa communication, notamment sur les réseaux sociaux, les prises de position de ses figures de proue sont de plus en plus cohérentes.

Large consensus autour des conclusions de Genval

S’agissant des conclusions de Genval, l’opposition y adhère dans son écrasante majorité. Ces dernières heures, les prises de position à ce sujet ont été particulièrement claires sur le réseau social Twitter. Martin Fayulu, Président de l’ECiDé et figure éminente de la Dynamique de l’opposition a ainsi salué sur son compte « la restitution de la conférence de Genval aux évêques », ajoutant que « le pays (avait) besoin d’une opposition unie et cohérente ». Une démarche soutenue par Nzanga Mobutu, dont le parti – l’UDEMO – est également membre de la Dynamique de l’opposition. « Notre combat (consiste en) l’organisation effective des élections dans les délais (constitutionnels) et (en) un candidat commun de l’opposition ». Au passage, cette idée d’un candidat commun de l’opposition, que certains jugés encore peu crédible il y a quelques mois, fait ainsi peu à peu son chemin… Dans ce concert de voix unanimes, la sortie du secrétaire générale de l’UNC, le parti de Vital Kamerhe a été tout particulièrement relevée. A l’occasion d’une réunion de la Dynamique de l’opposition qui s’est tenue ce jeudi 23 juin à Kinshasa, Jean-Bertrand Ewanga a en effet déclaré au sujet des conclusions de Geneval : « c’est la voie à suivre pour l’opposition ».

Condamnation ferme de la parodie de justice visant Moïse Katumbi

En ce qui concerne la condamnation de Moïse Katumbi dans ce qui s’apparente à une « mascarade » ou à une « parodie de justice », selon les ONG de défense des droits de l’Homme, l’opposition est encore plus unanime. Il est vrai que cette affaire qui surgit en période pré-électorale, à quelques mois seulement d’une élection présidentielle, ne laisse de surprendre. Sur la forme tout d’abord, la justice congolaise a fait preuve d’une exceptionnelle célérité – quand bien même les faits allégués remontent aux années 1970 – pour condamner l’opposant politique par contumace, alors même qu’elle l’a autorisé quelques jours plus tôt à se faire soigner à l’étranger. Un épisode inédit dans les annales judiciaires RD congolaises, d’autant plus que l’un des magistrats requis pour l’occasion a été contraint sous la menace (portant sur sa carrière, mais aussi sur son intégrité physique) de signer l’acte de condamnation… Quant au fond de l’affaire, Moïse Katumbi a été condamné dans la précipitation pour spoliation d’une maison qui ne lui appartient pas puisque c’est son frère ainé, Raphaël Katebe Katoto qui en est propriétaire. Quand celui-ci l’a acquis en 1976, Moïse Katumbi n’avait que… 12 ans. Rocambolesque !

« La comédie judiciaire se poursuit sans honte, humiliant la nation congolaise », a déclaré Christian Mwando, membre du G7. Olivier Kamitatu, le Président de l’ARC, s’est montré lui, plus offensif, dénonçant « des méthodes qui ressemblent aux pratiques de la pègre ». Même tonalité du côté de Delly Sesanga, le président de l’Alternance pour la République : « nous réprouvons l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques », a-t-il indiqué. Même son de cloche du côté de Joseph Olenghankoy, le Président des Fonus, un parti membre de la Dynamique de l’opposition, voit, quant à lui, dans le « procès Katumbi, une parodie de justice politisée pour écarter les probables concurrents à la présidentielle », se demandant « qui sera le prochain ? » Parmi les déclarations les plus remarquées, celle de Félix Tshisekedi (« l’UDPS est solidaire de Moïse Katumbi dans cette cabale destinée à le museler. Cette parodie de procès n’entamera pas notre détermination ») et de Vital Kamerhe (« l’affaire judiciaire de spoliation de Moïse Katumbi, autorisé aux soins, à une forte odeur de politisation. La justice doit rester indépendante ») ont été particulièrement remarquées.

« Ceux qui, au sein de la Majorité présidentielle tente de diviser l’opposition pour l’affaiblir en sont pour leurs frais, décrypte un analyste politique, spécialiste de l’Afrique centrale. « Joseph Kabila ne pouvant plus jouer la carte de l’opposition, il tente le passage en force via un referendum dont on ne sait dans quelles conditions il pourrait être organisé », ajoute-t-il.

« Rendez-vous le 20 décembre ! »

Face à l’enlisement de la situation politique en RDC et le peu d’enclin du régime de Joseph Kabila à organiser l’élection présidentielle dans le délai constitutionnel, les Etats-Unis ont décidé de sévir ce jeudi 23 juin. Le chef de la police de Kinshasa, le Général Célestin Kanyama a vu ses avoirs gelés. D’autres devraient suivre prochainement. Surtout, l’Union européenne pourrait emboiter le pas aux Etats-Unis et ne plus tarder à sanctionner à son tour les dignitaires du régime de Kinshasa. Ce jeudi 23 juin, le Parlement européen a très officiellement demandé au Président Joseph Kabila de démissionner le 20 décembre 2016.

Peu à peu, l’étau se resserre autour de Joseph Kabila. Sur son compte Twitter, Salomon Kalonda, le plus proche conseiller de Moïse Katumbi, l’a prévenu : en cas de non organisation de la présidentielle, « rendez-vous le 20 décembre ! »

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