RDC: recrudescence des violences sectaires dans le sud-ouest


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Les violences qui ont déjà fait plusieurs morts dans le sud-ouest de la République démocratique du Congo (RDC), à la suite d’affrontements entre un mouvement religieux et la police nationale, pourraient gagner du terrain, selon les activistes et les représentants des autorités locales.

« Nous sommes très inquiets car les violences semblent devenir de plus en plus sanglantes et se propager de l’est vers l’ouest, une région jusqu’ici plus ou moins calme », a déclaré Dolly Ibefo, activiste de la lutte pour les droits humains à Voice of the Voiceless, une organisation non-gouvernementale (ONG) de Kinshasa, la capitale.

Selon les estimations actuelles, 24 civils auraient été tués le 4 mars, a indiqué Simon Mbatshi Mbatsha, gouverneur du Bas-Congo ; la plupart ont été abattus au cours des affrontements qui ont opposé les partisans du mouvement politico-religieux Bundu Dia Kongo aux forces de police, déployées depuis Kinshasa.

Le bilan, a-t-il ajouté, pourrait être plus lourd si l’on tenait compte des meurtres qui ont eu lieu quelques jours plus tôt dans certaines régions de la province, notamment à Seke Mbanza et à Luozi, une bourgade de 50 000 habitants, située à quelque 200 kilomètres au sud-ouest de Kinshasa.

Trois autres membres présumés du mouvement, accusés d’avoir mutilé un agent de police, auraient également été battus à mort par la population locale, a indiqué le gouverneur.

« Nous sommes très inquiets car les affrontements opposent des civils sans armes à un groupe armé qui se trouve être la police », a noté Dolly Ibefo. « Les violences ont pris une autre dimension car presque toutes les personnes qui ont été tuées ont été abattues et que leurs maisons ont été incendiées par les individus armés ».

Pour Dolly Ibefo, ces violences sont le fait du gouvernement. « Le gouvernement est en train de cultiver la violence là où il n’y en avait pas auparavant », a-t-il ajouté.

Trouver une solution politique à la crise

Le Bundu Dia Kongo, qui signifie « le royaume du Congo » dans le dialecte de la région, s’est fixé comme objectif, entre autres, d’assurer l’émancipation de la culture africaine ou congolaise traditionnelle, et exige le rétablissement de l’ancien royaume du Congo.

Ses membres ont constitué des tribunaux destinés à juger les citoyens qui, selon eux, ont enfreint la loi, et à les condamner et les battre s’ils sont déclarés coupables. Ils ont également créé une sorte de force de police du nom de « Makesa », dont les membres sont armés de fouets et estiment faire partie de la police nationale. De temps à autre, ils abaissent le drapeau national pour hisser le leur.

« Le gouvernement devrait résoudre ce problème par la politique. Après tout, si l’on ne trouve pas de solution, des exigences seront émises par d’autres biais que le Bundu Dia Kongo », a estimé Dinzolele Nzabu, évêque catholique du diocèse de Luozi. « Théoriquement, le gouvernement devrait rétablir l’autorité de l’Etat, mais la façon dont il s’y est pris est disproportionnée ».

Des exigences légitimes ?

La semaine dernière, les évêques catholiques et protestants ont signé une déclaration avec le chef spirituel du mouvement, Ne Mwanda Nsemi, pour s’engager à mettre fin aux violences.

 »Le gouvernement devrait résoudre ce problème par la politique. Après tout, si l’on ne trouve pas de solution, des exigences seront émises par d’autres biais que le Bundu Dia Kongo. Théoriquement, le gouvernement devrait rétablir l’autorité de l’Etat, mais la façon dont il s’y est pris est disproportionnée »
Selon M. Nzabu, certaines des exigences du mouvement sont légitimes ; le Bundu Dia Kongo demande notamment que le pétrole extrait à Moanda, une bourgade située dans l’extrême ouest du pays, serve à traiter la question du sous-développement dans la région.

La province du Bas-Congo, a-t-il ajouté, génère plus d’un tiers du budget national, toutefois le gouvernement central n’a toujours pas réussi à rendre 40 pour cent du revenu généré par les provinces au Bas-Congo.

« Ce n’est pas juste, ni pour le Bas-Congo, ni pour les autres provinces », a estimé M. Nzabu. « Le gouvernement devrait trouver une solution politique [à la crise] au lieu de laisser les récriminations se poursuivre. Tôt ou tard, elles se feront de nouveau entendre avec davantage de force ».

En déplacement dans la région, la semaine dernière, Alan Doss, Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies, a également appelé les différentes parties à ouvrir le dialogue pour résoudre le problème.

Le général Denis Kalume, ministre congolais de l’Intérieur, a néanmoins déclaré qu’il avait déployé des renforts de police dans le Bas-Congo pour ramener l’ordre, protéger la population locale des violences perpétrées par le mouvement et rétablir l’autorité de l’Etat.

Des troubles volontaires ?

M. Nsemi, membre de l’Assemblée nationale, a en revanche accusé le gouvernement d’avoir fomenté un complot visant à faire jouer au Bundu Dia Kongo le rôle du bouc émissaire.

« Ils voulaient éviter que la conférence du Bas-Congo – demandée après la conférence de Goma [qui a eu lieu en janvier] – ait lieu. [En provoquant] ces troubles et en les imputant au Bundu Dia Kongo, ils pouvaient dire que les conditions de sécurité n’étaient pas propices à la tenue de cette conférence », a-t-il affirmé.

« Le gouvernement a bombardé les centres de prière du Bundu Dia Kongo à l’aide de lance-roquettes », a-t-il soutenu, bien que le gouvernement conteste ses propos.

« Nous ne pourrions pas bombarder la population. Au contraire, nous sommes là pour travailler avec le peuple, pour le peuple », a déclaré le ministre.

Dolly Ibefo, de Voice of the Voiceless, a souligné que les mesures prises par le gouvernement suivaient trois années de répression à l’encontre du mouvement. « Depuis 2006, leurs actions sont réprimées […] vous vous souvenez sans doute qu’au moins 250 personnes, des civils pour la plupart, ont été tuées en février 2007 », a-t-il rappelé.

Le bilan des morts avait été révélé dans un rapport publié par la Mission des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC), et qui dénonçait le recours excessif à la force armée contre le Bundu Dia Kongo.

Photo: Richard Pituwa/IRIN

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