RDC, États-Unis, Europe : ces parlementaires qui font pression sur Kabila


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En République Démocratique du Congo, l’étau des pressions diplomatiques se ressent peu à peu sur le régime du Président Kabila, soupçonné de vouloir se maintenir au pouvoir. Après l’adoption de sanctions individuelles en juin par les États-Unis, c’était au tour cette semaine du Parlement belge d’appeler à la tenue de l’élection présidentielle dans le délai constitutionnel à travers l’adoption d’une résolution sans précédent. Ailleurs, en Europe, le « dossier congolais » progresse. Dans cette offensive diplomatique de grande ampleur, certains parlementaires se trouvent en première ligne. Qui sont-ils?

« Il faut saluer le travail des députés qui déploient leur énergie pour sortir le peuple congolais des mains de ceux qui l’ont pris en otage dans le but de l’asservir et de piller ses richesses ! Tous méritent notre reconnaissance », a déclaré à Afrik.com Olivier Kamitatu, le vice-président du G7. L’offensive diplomatique menée ces dernières semaines par l’opposition congolaise réunie au sein du Rassemblement présidé par Étienne Tshisekedi, et mise sur pied suite au Conclave de Genval, porte manifestement ses fruits. Dans cette entreprise, les opposants congolais ont pu s’appuyer sur quelques élus, particulièrement sensibles à la cause congolaise. De Washington à Bruxelles, portrait succinct de quatre d’entre eux.

Cécile Kyenge, la passionaria de l’Union Européenne

Elle a le Congo-RDC au cœur. Originaire de Kambove, l’ex-ministre italienne de l’Intégration, aujourd’hui députée européenne, n’a, en dépit de son brillant parcours politique sous les cieux européens, jamais oublié ses racines. Très impliquée dans le travail parlementaire bruxellois, elle demeure toujours très prompte à dénoncer les massacres à Beni, les arrestations arbitraires d’opposants à Lubumbashi ou les tentatives de violation de la Constitution à Kinshasa.

Marie Arena, la lanceuse d’alerte

Autre députée européenne à s’être illustrée par son implication déterminante dans le dossier congolais, Marie Arena. Cette ancienne ministre, membre du Parti socialiste, a beaucoup œuvré, en coulisse et à la tribune, pour l’adoption d’une posture plus ferme du Parlement européen qui a fini par appeler, le 23 juin dernier par voie de communiqué, le Président Kabila à démissionner le 20 décembre prochain, conformément aux termes de la Constitution congolaise. Selon cette eurodéputée, réputée pour sa rigueur et pour son sens de la méthode, l’Europe ne peut raisonnablement laisser s’installer une situation de flou politique en RDC au risque de voir ce pays-continent sombrer dans le chaos. Ce qui risquerait bien d’advenir, selon elle, en cas de report de l’élection présidentielle.

Ed Markey, le quarterback américain

« Ses textes ont la précision chirurgicale des passes d’un quarterback de la NFL« , la célèbre ligue de football américain, dit de lui un de ses collègues démocrates au Sénat. Les sanctions individuelles décrétées par les États-Unis à l’encontre de certains dignitaires du régime Kabila, et qui ont vocation à être progressivement élargies, auront-elles la même efficacité ? De plus en plus nombreux sont les congressmen américains à l’espérer et… à le penser. Quoi qu’il en soit, ils pourront compter sur l’abnégation de l’énergique Sénateur du Massachusetts, réputé pour sa détermination à traiter en profondeur les dossiers.

Peter Luykx, le fer de lance belge

La Belgique est un pays clé dans le dispositif diplomatique congolais. Et Didier Reynders, le ministre belge des Affaires étrangères, un interlocuteur recherché tant par la Majorité Présidentielle que l’Opposition congolaises. Mais cette dernière a reçu cette semaine un soutien aussi inattendu qu’important de la part d’une autre institution du Royaume. Le Parlement belge a en effet adopté une résolution, qu’il entend soumettre à l’Exécutif, appelant au respect de la Constitution en RDC et, en particulier, à la tenue de l’élection présidentielle dans le délai constitutionnel. Selon lui, il faut organiser des élections dans les délais prévus par la Constitution et faire également en sorte que le scrutin soit transparent. Les députés belges, qui demandent une attitude ferme face à Kinshasa, brandissent la menace de sanctions économiques.

Voir la vidéo « Le Parlement belge hausse le ton contre Joseph Kabila »

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« Il reste tout à fait possible de revoir le fichier électoral dans un délai rapproché afin d’organiser des élections législatives et présidentielle, tout en assurant une représentativité satisfaisante du corps électoral sur base d’une volonté effective des autorités congolaises, de l’opposition et de la société civile et dans le cadre d’un soutien international », ont indiqué les députés belges. Une posture inédite qui doit beaucoup aux efforts résolus et à la détermination constante de Peter Luykx. Ce député fédéral N-VA (Nieuw-Vlaamse Alliantie ou Alliance néo-flamande en français) a su rallier une large coalition composée de membres de la Majorité et de l’Opposition pour aboutir à l’adoption au sein de la Chambre des Représentants belges de cette résolution à la tonalité très offensive. Un événement « inédit » pour certains, « historique » pour d’autres.

« Le texte voté par la chambre belge ne modifiera pas la donne à lui tout seul mais il vient s’ajouter à une longue liste de recommandations similaires envoyées à Kinshasa par les capitales qui comptent dans la région », analyse La Libre Belgique en citant un investisseur belge, toujours présent dans la capitale congolaise selon lequel « ce texte fait mal à Kinshasa. » Les ténors de l’opposition congolaise ne s’y sont d’ailleurs pas trompés. Sur Twitter, Moïse Katumbi – dont la capacité à agir en bonne intelligence avec Etienne Tshisekedi, qu’il n’hésite pas à mettre en avant à certaines occasions, est très appréciée par les chancelleries occidentales, comme le fait observer un diplomate du Quai d’Orsay – a dit « merci à la Belgique pour son soutien indéfectible au peuple congolais et à notre juste cause qui triomphera ». « L’alternance politique en 2016 est inévitable », a ajouté son principal conseiller Salomon Kalonda tout en lançant, en guise d’avertissement, que « les forces démocratiques congolaises et internationales y veilleront ! »
En Belgique, cette ligne diplomatique, loin de se limiter au Législatif ou à quelques députés zélés, est entièrement endossée par l’Exécutif. Pour preuve, à l’occasion de la fête nationale belge, ce jeudi 21 juillet, l’Ambassadeur de Belgique à Kinshasa, Michel Lastschenko, a appelé dans son discours les autorités congolaises à respecter la Constitution. Le même jour, Stéphane Doppagne, le Consul général de Belgique à Lubumbashi, a enfoncé le clou en déclarant que les dirigeants doivent savoir partir et qu’il faut respecter son mandat sans s’autoriser le moindre glissement. Des allusions qui laissent peu de place au doute…

En attendant, au Congo-Kinshasa

Le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Zeid Ra’ad Zeid Al-Hussein, était cette semaine en RDC. A l’occasion d’une conférence de presse hier à Kinshasa, il a appelé à la libération des prisonniers politiques, à l’ouverture de l’espace politique et dénoncé le double standard majorité-opposition, ainsi que l’instrumentalisation de la Justice en cours dans le pays. Zeid Al-Hussein s’est également déclaré favorable au dialogue national, mais en ajoutant aussitôt que celui-ci était « tout simplement impossible dans une atmosphère qui étouffe la discussion et où les médias indépendants et le respect des libertés fondamentales sont menacés ». Le haut-commissaire a, par ailleurs, estimé que ceux qui s’expriment ne doivent pas être forcés « de se taire, ni punis pour avoir exprimé une opinion dissidente ». « Le peuple congolais a les mêmes droits que tous les autres peuples de se faire entendre et de participer aux décisions », a-t-il conclu.

Voir la vidéo « Le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme met en garde Kinshasa et n’exclut pas d’éventuelles sanctions »

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L’opposition congolaise, quant à elle, a annoncé un grand rassemblement le 31 juillet prochain avec, à cette occasion, le grand retour au pays d’Étienne Tshisekedi et de Moïse Katumbi. En réaction, la Majorité parlementaire a décrété une contre-manifestation…deux jours plus tôt, soit le 29 juillet. « Joseph Kabila s’apprête à libérer quelques prisonniers politiques pour desserrer l’étreinte de la Communauté Internationale et donner des signaux pour la tenue du dialogue national où il voudra obtenir un accord politique pour une transition au cours de laquelle il pense diviser l’opposition, fatiguer l’opinion et organiser le changement de Constitution », décrypte un analyste politique.

Une autre source, proche du ministère congolais des Affaires étrangères mais en porte-à-faux par rapport à la ligne diplomatique suivie actuellement par son pays, précise de son côté que « le Président Kabila a envoyé à Washington son principal conseiller diplomatique, Bernabé Kikaya Bin Karubi, pour assurer aux Américains qu’il ne modifiera pas la Constitution. » Mais « c’est du bluff », indique-t-il, « une stratégie dilatoire destinée à flouer les Etats-Unis et les Occidentaux pour qu’ils mettent un terme aux sanctions dont la deuxième salve toucherait entre autres Jaynet, la sœur jumelle du Président, et Kalev Mutond, le patron de l’ANR. » « En attendant » poursuit cette source, « tous les travaux sont à l’arrêt. Joseph Kabila continue de mettre de côté beaucoup d’argent qu’il reversera à certains opposants à l’occasion du dialogue afin qu’ils donnent leur feu vert pour changer la Constitution. » Et notre source de conclure : « c’est la stratégie du fait accompli. Il dira que le changement de Constitution est le fruit d’un accord politique entre Congolais issu du dialogue, en s’abritant derrière la sacro-sainte souveraineté nationale. Et la communauté internationale, espère-t-il, n’y pourra rien. »

Au Congo-Kinshasa, le bras de fer entre la Majorité parlementaire, déterminée à mettre en œuvre le glissement, et l’Opposition, de plus en plus unie et écoutée par la Communauté internationale, se poursuit.

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