RDC : et si la Garde républicaine lâchait Joseph Kabila?


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Joseph Kabila est cerné de toute part. Alors que le même jour, ce lundi 12 décembre, l’Union européenne a sanctionné de hauts dignitaire du régime RD congolais et que les Etats-Unis ont frappé Evariste Boshab et Kalev Mutond, en RDC, les partis politiques d’opposition et les organisations de la société civile se préparent à une mobilisation sans précédent après le 19 décembre, date marquant la fin du second et dernier mandat constitutionnel de Joseph Kabila. Des précautions destinées à ne pas être pris au dépourvu dans le cas où le dialogue direct et inclusif, mené sous l’égide de la CENCO, entre la MP et le Rassemblement de l’Opposition (incarné par Etienne Tshisekedi et Moïse Katumbi) n’aboutirait pas.

Tout aussi préoccupant pour le régime, les soutiens traditionnels du Président Kabila donnent des signes de lassitude. Plusieurs pays de la sous-région (l’Angola notamment) plaident en effet en faveur d’un départ négocié du Président Kabila, par crainte de violences pouvant déstabiliser la sous-région. Mais désormais, c’est également la Garde Républicaine, sur laquelle Joseph Kabila pensait pouvoir s’appuyer pour mâter toute revendication post-19 décembre, qui semble vaciller. Depuis quelques jours, des signes de désolidarisation du pouvoir émanent de ce corps d’élite, renforçant le risque d’isolement du Président Kabila et faisant régner une ambiance de fin de règne à Kinshasa.

Joseph Kabila pourra-t-il compter sur le soutien de la Garde Républicaine pour se maintenir au pouvoir en cas d’échec du dialogue, actuellement en cours sous l’égide de la Conférence épiscopale nationale du Congo ? Rien n’est moins sûr. N’ayant guère confiance en son armée, jugée peu fiable et imprévisible, le Président congolais comptait jusque-là sur la police, mais surtout sur cette garde prétorienne composée de 15.000 hommes, bien formés et armés, pour réprimer tout éventuel mouvement populaire de contestation, alors qu’il cherche à se maintenir au pouvoir en contradiction avec la Constitution.

Une loyauté entamée?

Or, depuis quelques temps, plusieurs signes révélateurs se font jour, qui viennent introduire le doute quant à un soutien sans faille de la Garde Républicaine envers Joseph Kabila. Les anecdotes laissant à penser le contraire ont en effet tendance à se multiplier.

Il y a quelques jours, un soldat de la Garde Républicaine s’est suicidé dans l’enceinte même du Palais de la Nation, situé dans la commune de la Gombe, au nord de Kinshasa. Stressé par la situation en RDC, ce membre de la garde personnelle de Joseph Kabila s’est défenestré et jeté dans le vide, après avoir proféré injures et menaces à l’encontre du Président de la République, qu’il a servi des années durant. A la suite de ce tragique événement, aucune enquête interne n’a été ouverte. Toutes les informations ont été soigneusement étouffées.

Quelques jours plus tard, le vendredi 9 décembre au soir, trois membres de la Garde Républicaine sont de sortie dans les bars de Matembele (un quartier de Manenga à Ngaliema, une commune de l’ouest de Kinshasa), d’où ils reviennent particulièrement éméchés. Sur le chemin du retour, les joyeux drilles, tout à leur humeur guillerette, se mettent à chanter à tue-tête et à clamer des slogans hostiles à… Joseph Kabila. Alertée, leur hiérarchie, parmi laquelle figure le colonel Mpanga, ordonne alors leur arrestation et leur passage à la chicotte. Confidence d’un membre de la Garde Républicaine : « ces soldats de base, aidés par l’alcool, ont dit tout haut ce que nombre de nos frères d’armes pensent tout bas. »

Inquiet à l’idée d’un soutien de plus en plus émollient de sa garde prétorienne, le Président Kabila, à l’issue d’une réunion qui s’est tenue le dimanche 11 décembre en présence de deux haut-gradés de l’armée dont le Général François Olenga, décide d’ouvrir les vannes financières. Il décrète ainsi l’octroi exceptionnel d’une « prime de motivation » de 10.000 $ par commandant de régiment, de 7.000 $ par commandant de bataillon, de 6.000 $ par commandant de compagnie et de 200 $ par soldat.

Climat social tendu

Cette décision s’inscrit dans un climat social tendu au sein des troupes restées fidèles au Président Kabila. Surtout, elle a vocation à motiver la soldatesque face à la colère populaire, qui ne manquera pas de s’exprimer d’ici quelques jours. Mais « compter sur l’argent pour motiver la troupe risque de ne pas être suffisant. Celle-ci n’est pas coupée du peuple. Elle compte en son sein de nombreux éléments qui aspirent, eux aussi, comme leurs parents, leurs frères, leurs concitoyens au changement », indique un spécialiste des questions militaires en RDC, en concluant que « l’argent est, en pareille circonstance, un ciment de bien piètre qualité ».

A l’heure où l’Union européenne vient de sanctionner sept dignitaires du régime congolais (dont les généraux Kanyama – alias « Esprit de mort » – et « Tango Four » ou encore John Numbi) et où les Etats-Unis ont élargi leurs propres sanctions à Evariste Boshab et Kalev Mutond (respectivement ministre de l’Intérieur et Administrateur de l’Agence nationale de Renseignements – ANR), l’étau se resserre sur le Président Kabila. Tant à l’extérieur qu’à l’intérieur du pays.

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