
La dixième édition de VivaTech a été courronée de succès. Outre des chiffres de fréquentation record, elle a consacré l’émergence de l’Afrique comme force majeure de l’innovation technologique mondiale. Avec plus de 165 000 visiteurs, 3 200 investisseurs et 13 500 start-ups venues de 120 pays, le salon parisien a placé la scène AfricaTech au cœur des débats.
Le message était clair dès l’ouverture : l’Afrique de l’Ouest ne vient plus à VivaTech en observatrice, mais en actrice de premier plan. Le Nigeria, la Côte d’Ivoire et le Sénégal ont chacun mobilisé une vingtaine de start-ups, comme les pays du Maghreb depuis plusieurs éditions, témoignage tangible de la structuration accélérée de leurs hubs technologiques respectifs. Ces jeunes pousses étaient là pour démontrer leur capacité à développer des solutions adaptées aux défis locaux tout en visant les marchés internationaux.
Cette présence massive traduit une réalité économique en pleine mutation. Les écosystèmes tech africains, naguère fragmentés et sous-financés, affichent désormais une maturité et une ambition qui intéressent les investisseurs européens et américains.
L’innovation frugale comme avantage concurrentiel
Sur la scène AfricaTech, le panel « Durabilité & Innovation : l’Afrique invente ses propres modèles » a cristallisé l’essence de cette révolution technologique. Animé par le Professeur Étienne Krieger d’HEC Paris, aux côtés de Sophie Tall de La Ruche Health et Christ Anderson Ahoua Boua d‘EDF Pulse Africa, l’échange a mis en lumière une philosophie nouvelle : l’Afrique ne se contente plus d’adapter les innovations venues d’ailleurs, elle en crée de nouvelles, souvent avec une frugalité qui devient un atout stratégique.
Cette approche se matérialise par des innovations particulièrement prometteuses. Limawa révolutionne la chaîne du froid avec sa réfrigération solaire mobile, trois fois moins coûteuse que les solutions traditionnelles. NeoFarm transforme les déchets organiques en protéines et engrais, répondant simultanément aux enjeux alimentaires et environnementaux. Quitus, Beezee et Maket explorent respectivement l’EdTech, la FinTech et l’économie circulaire avec des modèles pensés pour l’inclusion et la durabilité.
HEC Paris, pont entre l’Afrique et l’écosystème mondial
L’école de commerce française joue un rôle de catalyseur déterminant dans cette montée en puissance. Son programme Challenge+, lancé il y a 35 ans en France puis déployé à Abidjan en 2021 et Dakar en 2023, accompagne une nouvelle génération d’entrepreneurs « made in Africa ». L’institution a profité de VivaTech pour accueillir les fondateurs africains à Station F et leur présenter son Centre DeepTech.
L’Institut Innovation & Entrepreneuriat d’HEC a soutenu 600 start-ups en 2024, dont 150 à impact social et environnemental, générant 16 licornes en cinq ans. Cette performance souligne l’importance de l’accompagnement spécialisé, particulièrement crucial pour des entrepreneurs qui font face aux défis structurels du financement et de l’accès aux réseaux internationaux.
L’évolution la plus marquante de cette édition 2025 réside dans le changement de statut de l’Afrique au sein de VivaTech. Pour la première fois, le continent n’occupait plus la position de « pavillon invité » mais s’imposait comme acteur central des discussions entre investisseurs et start-ups. Des fonds d’impact aux corporate ventures européens, nombreux sont ceux qui considèrent désormais l’Afrique comme un terrain d’expérimentation privilégié pour des modèles durables avant leur déploiement global.
Là où l’on voyait hier des contraintes (infrastructures limitées, marchés fragmentés, populations à faible pouvoir d’achat), les investisseurs découvrent aujourd’hui des laboratoires d’innovation capable de produire des solutions plus efficaces et moins coûteuses.
Les clés d’une transformation réussie
Plusieurs facteurs expliquent cette percée africaine à VivaTech. La visibilité accrue de la scène AfricaTech en fait désormais un passage obligé pour les décideurs économiques internationaux. L’innovation contextualisée, née des contraintes locales, se révèle être un puissant catalyseur d’ingéniosité. Les programmes de soutien structurants comme Challenge+ ou EDF Pulse Africa comblent progressivement le fossé entre les besoins de financement et l’accès au mentorat spécialisé.
Les perspectives s’annoncent prometteuses. Selon plusieurs capital-risqueurs présents au salon, les start-ups primées lors de cette édition devraient lever des fonds significatifs dans les prochains mois, confirmant l’intérêt croissant des investisseurs internationaux pour les innovations africaines.