RDC : à Masisi, Tshisekedi s’enlise face à l’AFC


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Félix Tshisekedi, Président de la RDC
Le Président de la RDC, Félix Tshisekedi

Félix Tshisekedi a concentré son ultime arsenal de guerre tout autour des villes stratégiques de Goma et de Sake comme derniers remparts pour la reconquête annoncée tambour-battant des territoires sous contrôle du M23, membre de l’Alliance du Fleuve Congo (AFC). Depuis une semaine, les combats se sont amplifiés, mais le gouvernement n’a pas progressé sur le terrain. Tournant décisif également pour les rebelles qui semblent déterminés à étendre leur zone d’influence vers les grandes villes de l’Est de la RDC. Masisi pourrait être le théâtre décisif de cette guerre qui ne dit pas son nom.

La cité très disputée de Mweso, à environ 100 kilomètres de Goma, a connu une semaine sanglante et agitée. Toujours aux mains du M23 qui s’identifie désormais comme branche active de l’Alliance Fleuve Congo (AFC) de Corneille Nangaa, Mweso compte plusieurs morts suite aux bombardements incessants de l’armée gouvernementale soutenue par plusieurs autres forces nationales et internationales de sa coalition. Samedi et dimanche, les combats se sont amplifiés dans la zone, causant plusieurs morts civils.

Le jeudi 25 janvier, Bertrand Bisimwa, chef politique du M23, faisait état d’images horribles lui étant parvenues de Mweso où des drones de la coalition des forces du régime de Kinshasa venaient de bombarder des quartiers résidentiels causant « un véritable carnage parmi la population civile innocente ». Il y décrivait des corps des bébés, des femmes, des hommes gisant au sol, des habitations complètement dévastées, des églises et écoles détruites. « Kinshasa utilise ses drones pour tuer des innocents loin des lignes de combat. », avait-il dénoncé affirmant que ces tueries gratuites du reste, inacceptables des populations civiles innocentes relèvent des crimes de guerre et que Kinshasa (Tshisekedi) doit répondre de ses actes. Même expression de colère de la part, Chalwe Munkutu Adam, un autre proche de Corneille Nangaa qui martèle qu’il s’agit là de crimes de guerre à ciel ouvert qu’ils ne laisseront pas impunis.

Déterminante offensive qui cible conflictuellement Kigali

Le gouvernement Tshisekedi a effectivement mis le paquet pour neutraliser militairement le M23 et affecter systématiquement la sécurité du Rwanda. Des armes de grand calibre, des armes lourdes, des calibres d’obus pour les avions de combat (Soukhoi Su-25) et pour des drones ainsi que des armes individuelles ont été fournies aux forces armées, aux troupes alliées, aux milices locales et aux forces négatives en appui à la bataille. Des sources proches de l’armée rapportent que des quantités importantes de munitions ont été acquises, surtout des bombes incendiaires, des bombes à fragmentation, des bombes anti-pistes et des bombes à sous-munitions.

Felix Tshisekedi l’avait prédit, deux jours avant la tenue des scrutins du 20 décembre 2023. « La solution pour la paix en RDC, c’est de faire la guerre à Paul Kagame. Et je l’ai dit, à la moindre escarmouche, des rigolos que vous avez vu s’exprimer à Nairobi, je vais réunir les deux chambres du Parlement en congrès comme le recommande la Constitution, et je vais leur demander l’autorisation de déclarer la guerre au Rwanda », avait-il déclaré. Le président congolais a l’ambition d’agresser militairement le Rwanda qu’il considère toujours comme responsable de la déstabilisation de la région. Décidément, Kinshasa est sur le pied de guerre. Une posture militariste qui ne tient plus du tout compte de la diplomatie régionale.

Face à lui, le président Paul Kagame imperturbable qui promet à son tour de défendre sa population. A l’ouverture, à Kigali, du dialogue national rwandais, Paul Kagame a rejeté toute implication de son pays dans la déstabilisation de la partie orientale de la République Démocratique du Congo (RDC) affirmant que cette crise est une affaire congolo-congolaise. Kigali prend cependant très au sérieux les menaces à la fois de Gitega (Burundi) que de Kinshasa (RDC). Le président Kagame a prévenu, le même mardi 23 janvier 2024, qu’il ne demanderait à personne la permission de défendre le Rwanda et de donner une « leçon inoubliable » à ceux (Burundi, RDC) qui essaient de le déstabiliser. « Là où nous étions il y a 30 ans, rien de pire ne peut nous arriver. De plus, cela signifie que si jamais vous nous mettez dans une situation où nous devons penser comme si cela remontait à cette époque, alors nous n’avons rien à perdre. Nous nous battrons comme des gens qui n’ont rien à perdre et quelqu’un d’autre que nous-mêmes en paiera le prix », avait-t-il menacé.

La guerre fait rage à Masisi, depuis une semaine

Les positions militaires sur le terrain n’ont pas beaucoup changé entre les deux belligérants mais la guerre, elle, a réellement pris une tournure offensivement plus déterminante. Des bombes pleuvent et des milliers des civils sont en débandade pour ceux qui n’ont pas été tués sur les collines de Karuba et autour de Mushake. Les combats opposent les troupes de l’Alliance Fleuve Congo (M23) à la coalition pro-gouvernement de Kinshasa composée des Fardc (armée loyaliste congolaise), des troupes de la SADC (Tanzaniens et Sud-Africains notamment), des troupes des Forces de défense nationale du Burundi (FDNB), des miliciens d’autodéfense dénommés Wazalendo, des mercenaires européens (blancs) et des combattants rwandais FDLR, descendants des troupes génocidaires qui combattent Kigali. Sur le terrain de la guerre, les affrontements penchent en faveur des rebelles tandis que sur le plan des offensives aériennes, les forces de la coalition maintiennent leurs positions de pilonnage des collines soupçonnées d’abriter les rebelles.

Faiblesses de la coalition gouvernementale

La non maîtrise du terrain par les troupes gouvernementales congolaises dont la majorité sont originaires du centre (Kasaï) et de l’ouest (Équateur, Bandundu et Kongo-Central) ne favorise pas une bonne coordination des opérations militaires sur le terrain. A ceux-ci s’ajoutent des troupes de la Sadc, du Burundi et mercenaires occidentaux qui se battent, pour la toute première fois, dans la région face à des soldats rebelles majoritairement originaires de la province du Nord-Kivu. Autre faiblesse de la coalition gouvernementale, c’est l’amplification des bavures meurtrières sur les populations civiles qu’elle confond intentionnellement aux combattants rebelles. Ainsi, tout citoyen congolais de morphologie rwandophone est facilement confondu à l’AFC (M23). Les crimes à répétition commis sur ces populations dans les territoires de Rutshuru, de Nyiragongo et de Masisi ont fini par interpeller les habitants quant à la position à prendre face aux deux forces en conflit. De plus, l’implication des militaires burundais, accusés de piller les populations locales, aggrave le désarroi des citoyens.

Face à ce chaos, l’Alliance du Fleuve Congo s’érige en défenseur des civils et se dit déterminée à protéger les innocents de toutes les communautés contre « les forces destructrices ». L’organisation souligne l’ironie de la situation où l’on voit l’Afrique du Sud, qui a récemment poursuivi Israël devant la Cour Internationale de Justice pour actes de génocide, s’employer à soutenir les opérations militaires en faveur de Félix Tshisekedi sous l’égide de la SADC, entraînant la mort de nombreux civils innocents, notamment des enfants.

Du M23 à l’AFC

La mutation s’effectue en grande vitesse au sein de la rébellion congolaise. En 45 jours, Corneille Nangaa, l’ancien président de la Commission électorale congolaise, a réussi à fédérer les grandes forces rebelles et de résistance de la partie orientale de la République Démocratique du Congo avec à leur tête le Mouvement du 23 mars dirigé par Bertrand Bisimwa. Nangaa ne s’est pas arrêtée en si bon chemin, puisqu’il a contracté des rapports avancés avec la plupart des groupes armés et mouvements politico-militaires effectifs dans la région du Kivu et de l’ancienne province orientale. Ce qui extirpe le prétexte de Kinshasa de considérer que le M23 est un groupe composé de soldats rwandais. Un expert politique congolais basé à Londres estime clairement que Nangaa est désormais un personnage dont le point de vue compte dans les milieux diplomatiques occidentaux et que son initiative est prise au sérieux. Il ajoute que les chancelleries européennes et américaines évaluent encore la capacité de Corneille Nangaa à rassembler les Congolais autour du projet.

Les dernières images de l’expert électoral entouré des hauts officiers du M23 ont démontré que Nangaa est bel et bien à l’œuvre, en pleine lutte armée pour une nouvelle donne politique en RDC. L’analyse du professeur Bob Kabamba de l’université de Liège, dans les colonnes de La Libre Belgique, le 23 janvier, a rigoureusement attesté que si Tshisekedi ne parvient pas à calmer le jeu à l’Est, il va permettre à Nangaa de s’installer et celui-ci va continuer à fédérer les populations congolaises frustrées par la mauvaise qualité des élections. Et de pousser plus loin, que le parallèle l’AFDL de Laurent-Désiré Kabila est assez remarquable étant donné que Kabila a pu compter sur la grogne née du rejet de Mobutu et que « les mécontents de Tshisekedi sont aussi nombreux, au sein des frontières congolaises mais aussi au-dehors et le mouvement de Nangaa est plus congolais que l’AFDL de Kabila ».

Il y a quelques jours, le M23, qui a officialisé son appartenance à l’Alliance Fleuve Congo (AFC), a déclaré, le 2 janvier 2024, avoir consenti au choix de Corneille Nangaa comme coordonnateur de l’alliance. Bisimwa avait motivé son message par le degré d’engagement et de dévouement de Nangaa pour la cause de la libération du pays qui, dit-il, « ne donne lieu à aucun doute ». « Un compatriote révolutionnaire qui a choisi de tout abandonner pour se mettre totalement au service de la cause nationale ». A part le M23, l’AFC compte également le groupe Twiraneho composé essentiellement des Banyamulenge du Sud-Kivu ainsi que plusieurs autres mouvements d’autodéfense évoluant au Kivu, au Maniema, au Katanga, en Ituri et dans certaines provinces de l’ouest.

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