RCA : à quand la fin de l’instabilité politique ?


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Depuis l’accession du pays à l’indépendance, l’histoire politique de la République Centrafricaine reste caractérisée par une spirale de violence dont l’une des conséquences est l’inexorable accentuation du processus de déliquescence de l’Etat centrafricain. L’on observe ainsi depuis le coup d’Etat du 31 décembre 1964 de « l’ex empereur » Jean Bedel Bokassa un délitement des liens institutionnels, sociaux et juridiques qu’entretiennent les incessants coups de force pour la conquête du pouvoir. Ce n’est pas la dernière insurrection menée par la rébellion hétéroclite de la Seleka qui démentira l’analyse sur ce point. Peut-on cependant dans un élan idéaliste espérer que ce soit le dernier coup de force en RCA ?

A l’évidence, plusieurs hypothèques pèsent sur la stabilité politique en République centrafricaine.

D’abord, il y a eu lieu de constater que le dernier coup de force en RCA opéré par la Seleka s’est déroulé dans un contexte où l’Etat centrafricain, en plein processus de refondation, arrivait difficilement à assurer les biens politiques dont il est censé être le garant. De fait, la protection des libertés fondamentales, la sécurité ou encore le droit de propriété n’étaient que très peu garantis. L’Etat centrafricain fortement centralisé comme le notent les Nations Unies (1) s’imposait non pas par le droit mais par la règle du plus fort – moyen ayant permis l’accession au pouvoir à François Bozizé en 2003.

Arrivé au pouvoir par les armes, le Général Bozizé s’appuiera sur un simulacre de démocratie couronné d’une gestion patrimoniale de l’État avec en toile de fond une instrumentalisation des ethnies pour asseoir son autorité. L’on ne peut donc pas s’étonner de constater que durant son passage, la RCA a allégrement gravi les échelons du classement du Failed State Index, qui, à partir de 12 indicateurs tente de décrire le niveau de déliquescence des États dans le monde. Du 13ème rang en 2006 et classé dans la catégorie « Warning », la RCA de 2007 à 2011 occupera la 8ème place et sera classée cette fois-ci dans la catégorie « Alert »(2).

Cette situation critique dans laquelle se trouvait déjà la Centrafrique est venue s’accentuer davantage avec le coup de force de la rébellion de la Seleka, en ce sens que la structure de l’autorité, le droit et l’ordre politique se son retrouvés davantage émiettés et dans un besoin urgent de refondation (3). Pour preuve les nouvelles autorités de Bangui réclamaient encore tout récemment l’aide de la France pour sécuriser le pays (4). En outre, sur le plan structurel on ne peut que constater le dépérissement et la destruction des infrastructures de production des biens politiques, économiques et sociaux qu’aura occasionnés ce coup de force de la Seleka. C’est ainsi un sérieux coup porté au climat des affaires qui avec Bozizé n’était pas très reluisant. Le Doing Business classait déjà en 2011 la RCA à la 182ème place sur 183 pays. Au moment du déclenchement de l’offensive de la Seleka, le groupement interprofessionnel centrafricain quant à lui estimait à 27 milliards les dégâts occasionnés par celle-ci.

On le voit donc, le contexte dans lequel s’est déroulé le coup de force de la Seleka ne milite pas en faveur d’une stabilité politique sur le court terme. Surtout que le « nouveau maitre » de Bangui, n’est pas si homogène qu’on voudrait le présenter.

En effet, la deuxième hypothèque qui pèse sur la stabilité politique de la RCA est le risque de la décomposition voire de fragmentation de la Rébellion Seleka, qui est rappelons le, une coalition de plusieurs mouvements rebelles. Cette coalition hétéroclite est composée principalement de trois groupes armés dont le point de convergence était le reproche fait au président Bozizé de ne pas avoir respecté les termes des différents accords (2007-2008-2011-2013) qui prévoyaient en substance des mécanismes de partage de pouvoir, de démobilisation et de réintégration des rebelles, et la libération des prisonniers politiques. Maintenant que le but commun des différents groupes a été atteint, renverser Bozizé, la question qui reste ouverte est celle de savoir sur quels points reposeront désormais la solidité et la convergence des finalités de la coalition Seleka, dont les chefs et les membres hétéroclites ressortissants de plusieurs pays attendent sans aucun doute la rétribution de leurs engagements au renversement du régime Bozizé. Si certains ont commencé à se servir par le moyen des rackets comme le soulignent certains entrepreneurs (5), il y a fort à parier que la question du « partage du gâteau », de la cohésion structurelle et de la cohérence des finalités de la rébellion Seleka ne soit un sérieux problème. Surtout dans un contexte d’État en déliquescence avancée où les incitations à l’utilisation de la violence illégitime à des fins de cupidité reste assez élevée.

Enfin, la dernière hypothèque qui pèse sur la stabilité de la Centrafrique reste de loin le rôle, difficile à situer à biens des égards, des acteurs de l’ombre de ces instabilités politiques. L’on se souvient encore qu’au lendemain de la chute de son régime François Bozizé n’a pas manqué d’accuser le Tchad d’avoir soutenu les rebelles de la Seleka. Comment comprendre une telle accusation, quant on sait qu’il est notoire que Bozizé a eu à bénéficier de l’aide du Tchad pour renverser Patassé, consolider son pouvoir dès les premiers soubresauts des mouvements rebelles en RCA, et assurer sa propre sécurité ?

Il y a forcément lieu de penser ici que le Tchad jouerait, pour des finalités que lui seul connait, un rôle dans l’entretien de l’instabilité en RCA. En outre, il n’est pas aussi farfelu de penser que ce dernier coup a des odeurs de « pétrole », comme l’a avancé le président Bozizé pour qui la Seleka a été financée par « ceux qui convoitent » les ressources de la RCA, faisant allusion à une « potentielle » déclaration du patron de la société Grynberg Petroleum, à une réunion du centre international pour le règlement des différents au sujet du contentieux opposant la RCA à ce dernier (6).

Le site LibreAfrique

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