Raz de marée ANC


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Le Congrès national africain a remporté près de 70% des voix lors des élections générales mercredi. Le score du parti au pouvoir depuis la fin de l’Apartheid marque encore une hausse par rapport aux précédents scrutins, de même que celui de l’Alliance démocratique, le principal parti d’opposition. La performance de ce dernier pourrait faire perdre la province instable du KwaZoulou Natal.

L’ANC grand vainqueur des élections. Les résultats presque définitifs des troisièmes élections générales d’Afrique du Sud, organisées mercredi dernier, créditent le Congrès national africain de près de 69,6% des voix. L’Alliance démocratique (DA), parti d’opposition, a pour sa part glané 13% des votes. Le score de l’ANC lui garantit d’obtenir suffisamment de sièges à l’Assemblée nationale pour assurer la réélection du Président Thabo Mbeki. Toutefois, toutes les provinces ne seront peut-être pas aux couleurs du mouvement historique de libération de l’Apartheid. La DA pourrait bien casser la tendance nationale dans le KwaZoulou Natal.

Le taux de participation du scrutin est d’environ 75%. Un peu moins que pendant les échéances électorales de 1994 et 1999. Le scrutin s’est déroulé sans incident majeur. Les autorités y ont d’ailleurs veillé. L’agence Xinhuanet rapporte que « vingt mille éléments de la force de sécurité ont été déployés en vue des prochaines élections dans la province du KwaZoulou-Natal (Centre-est, ndlr) ». Cet important dispositif de sécurité était destiné à éviter les violences politiques, beaucoup moins fréquentes aujourd’hui, mais qui ont ensanglanté la province entre 1985 et 1995.

Mbeki a joué la « carte sida »

Les estimations actuelles ne devraient pas beaucoup changer. L’ANC, au pouvoir depuis 1994, est en constante progression, à en juger par les deux précédents scrutins. Le parti, notamment fondé par l’ancien Président Nelson Mandela, avait recueilli 66,4% des voix en 1999 et 62,6% en 1994, date des premières élections démocratiques depuis la fin du régime ségrégationniste. Il arrive pour l’instant en tête dans sept des neuf provinces que compte le pays. Selon Jovial Rantao, rédacteur en chef adjoint du quotidien The Star, les quelque 70% de l’ANC sont le fruit de la popularité de Thabo Mbeki. « Les Sud-Africains l’aiment beaucoup. Les Noirs comme les Blancs. Ce succès est dû à ses grandes qualités de leader, mais aussi à son bilan. Même si l’Apartheid a causé beaucoup de dommages, il a notamment pu offrir à un grand nombre de Sud-Africains un logement, l’eau courante et de meilleures opportunités au niveau de la scolarisation et du travail ».

Le journaliste reconnaît toutefois que l’application de mesures populaires juste avant l’élection ont aussi joué un rôle. Et notamment l’autorisation donnée à quelques hôpitaux de distribuer des médicaments anti-rétroviraux aux personnes infectées par le virus du VIH-sida. « Il faut croire que dans ce cas, la fin justifie les moyens. Parce que la coïncidence est vraiment trop flagrante pour être fortuite. S’il a retardé jusqu’au dernier moment l’annonce de cette mesure, c’est pour marquer le coup ». Cette victoire, qui confère une large marge de manœuvre à l’ANC, inquiète. L’ancien Président Frederick de Clerk a par exemple déclaré que « le Congrès national africain détient encore plus de pouvoir qu’il n’est sain pour la démocratie ».

La sanction de l’électorat blanc

Du côté de l’opposition, tous les partis ont reculé. Le Parti de la liberté Inkatha a récolté 5,8% des voix contre 8,5 en 1999. Le Mouvement démocratique uni est crédité de 2,9%, soit un recul d’un demi point par rapport aux précédentes élections. La défaite la plus cinglante est sans doute celle du Nouveau parti national (NNP), issu du parti au pouvoir sous l’Apartheid, sanctionné au profit de l’Alliance démocratique. Le NNP et le Parti démocratique s’étaient alliés, à la fin de l’Apartheid, pour former l’Alliance démocratique. L’objectif était de rassembler leur électorat, principalement blanc, sous une même bannière. « Mais il y a quelques années, des dissensions sont apparues entre les deux courants, explique Hopewell Radebe, journaliste politique chez Business Day. Le NNP a décidé de se représenter seul, une sécession jugée par les électeurs comme une trahison affaiblissante pour la DA ».

Du coup le NNP, qui affichait en 1994 un score de près de 20%, a dégringolé cette fois-ci à environ 1,9%. Le même score que les Démocrates indépendants, nouveaux venus sur la scène politique. La chute du NNP laisse la part belle à l’Alliance démocratique, qui atteint 13%, contre 9,5% cinq ans plus tôt.

Cette poussée pourrait peser dans la gouvernance de la province turbulente du KwaZoulou Natal qui, avec le Cap Occidental (sud-ouest), est une région où l’ANC n’est pas majoritaire. Ce dernier y récolterait pour l’instant 46% des voix, le Parti de la liberté Inkatha (IFP, à dominante zouloue) 38% (6,4% au plan national) et la DA 8%. D’habitude, l’ANC et l’IFP s’allient pour gouverner cette région et assurer sa stabilité politique. Mais cette fois-ci, le cœur de l’IFP pourrait pencher du côté de la DA, en dépit de leurs profondes divergences. La coalition obtiendrait alors la majorité au détriment du Congrès national africain.

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