Ramadan, un casse-tête lunaire


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Croissant de lune
Croissant lunaire

C’est toujours la même polémique à chaque début du mois de ramadan où toute la communauté musulmane est appelée à jeûner. Quand démarre-t-il effectivement ? Au Nigeria comme en France ou en Belgique, il débute ce jeudi. Quant aux musulmans sénégalais, leur premier jour de jeûne est fixé à vendredi. Ce jour de décalage est dû à l’observation ou non du croissant de lune qui marque le début de chacun des douze mois qui composent le calendrier lunaire sur lequel s’appuie l’islam. Décryptage.

Le mois de ramadan, dérivé du mot arabe « ramdae » (forte chaleur), période de privation où les fidèles musulmans sont invités à jeûner trente jours durant, a commencé ce jeudi pour des millions d’entre eux. Les autres attendent vendredi pour se conformer à une pratique qui constitue le troisième pilier de l’Islam. Seule responsable de ce décalage : la lune. Du moins, la coquetterie de celle qui se cache parfois aux yeux des hommes qui scrutent le ciel à sa recherche. Les mois du calendrier musulman durent entre 29 et 30 jours selon que le croissant de lune, qui marque le démarrage de chaque mois, soit aperçu ou non. Le neuvième mois du calendrier lunaire qu’est ramadan succède au mois de chabane et il n’échappe pas à cette règle.

« Dans les pays musulmans qui disposent d’un ministère du culte, il revient à son comité de théologiens et de savants de déterminer, après consultations, le début du jeûne. Le comité pour délibérer peut s’appuyer sur des calculs astronomiques et/ou sur les témoignages de personnes ayant observé au 29e jour de chabane le croissant de lune (nuit du doute, ndlr)», explique Haddach Rachid, imam et théologien au Centre culturel et islamique de Belgique. Les témoignages qui sont alors retenus sont ceux de personnes dignes de confiance et reconnues comme telles dans leur communauté.

Tout dépend des caprices de dame Lune

Si la lune n’est pas observée, les musulmans doivent boucler les 30 jours du mois en cours. Si les Sénégalais, pour leur part, démarrent le ramadan un jour après les musulmans de France, de Belgique ou encore du Nigeria, c’est tout simplement parce que leur mois de chabane a commencé également un jour plus tôt. A chaque passage d’un mois à l’autre, la communauté musulmane se voit par conséquent confrontée à la même problématique. Seulement, parce que le Ramadan est une période importante dans la vie de l’islam, sa détermination suscite plus d’intérêt et de polémique, vu de l’extérieur ou parmi les musulmans eux-mêmes. « Ceux qui y font attention, les autres mois, sont ceux qui doivent s’acquitter de la Zakât que l’on doit verser à la fin de chaque année », note Haddach Rachid.

Toutes ces considérations lunaires font des musulmans vivant dans les pays où l’islam est la religion d’Etat des enfants choyés. Là où ce n’est pas le cas, les communautés musulmanes au sein d’un même pays peuvent choisir des dates différentes. Il y a quelques années, afin de respecter la recommandation qui veut que le musulman ne commence pas son jeûne en décalage avec la masse, « le directeur du Centre culturel et islamique de Belgique a choisi de se plier à un calendrier autre que celui du centre », raconte l’imam. La structure, qui est unique dans le royaume, détient pourtant une expertise reconnue en la matière. « Le manque d’éducation et d’informations est souvent à l’origine de ses divergences ». Des discordances inimaginables dans les nations musulmanes. Les média s’y chargent de communiquer à tous les bonnes dates résultant de méthodes qui varient d’un pays à un autre.

Source de division

Ainsi, l’Egypte se base sur les calculs astronomiques et l’observation de la lune, mais les calculs prévalent. « Si certains voient la lune et que cette information n’est pas corroborée par le calcul, le ramadan ne peut débuter», souligne le théologien. L’Arabie Saoudite qui n’impose rien aux autres pratiquants, comme le Maroc, s’appuie sur l’observation de la lune sur son territoire. Raison évoquée : les hommes seraient plus fiables car les calculs nécessitent des instruments qui pourraient faire défaut. Aussi, depuis des siècles, l’islam a adopté un système de mesure du temps qui existait avant même sa naissance.

L’autre question temporelle que soulève le Ramadan est la durée du jeûne. Elle s’étend « de l’aube jusqu’au coucher du soleil ». Comment détermine-t-on l’aube ? Pas de panique. En Europe, par exemple, où la question se pose plus que jamais, « un calendrier précis avec les différents horaires est mis à la disposition des fidèles », affirme, rassurant, Haddach Rachid. Cependant, pour ce qui est de la nuit du destin, cette nuit bénie pendant laquelle toutes les prières sont exaucées parce que « les anges descendent jusqu’au premier des sept cieux dont on croit à l’existence dans l’islam », pas question de s’appesantir sur ses lauriers. « La nuit qui précède chacun des dix derniers jours impairs du mois de ramadan est potentiellement une nuit du destin, ajoute l’imam. C’est pourquoi nous recommandons à tous nos fidèles de redoubler de ferveur et de ne pas se contenter d’une nuit en particulier pour en faire preuve. Pour beaucoup, celle qui va du 26e au 27e jour du mois. » Un conseil qui vaut son pesant d’or en ce mois de purification.

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