Qui est Dieudonné Nzapalainga, ce cardinal très respecté en Centrafrique ?


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Dieudonne Nzapalainga

Ses déplacements à l’intérieur du pays donnent lieu à de véritables scènes de liesse populaire. Partout où il passe, le cardinal Dieudonné Nzapalainga, archevêque de Bangui, est reçu en libérateur.

Mais qui est ce prélat dont l’aura est si vive au sein de ses compatriotes centrafricains ? Découvrez Dieudonné Nzapalainga.

Un prêtre spiritain

C’est à Bangassou, dans le sud-est de la République centrafricaine que naquit Dieudonné Nzapalainga, le 14 mars 1967, dans une famille modeste. Cinquième d’une fratrie de quatorze enfants, il suit d’abord sa mère au culte protestant, avant de se tourner finalement vers le catholicisme pratiqué par son père et qu’il ne quittera plus. L’histoire d’amour entre le jeune Dieudonné et l’Eglise catholique prit une autre tournure quand il fit la rencontre d’un prêtre spiritain blanc. « Il venait manger et jouer avec nous. Il n’était pas au loin, il était proche. Je me suis dit que j’allais faire comme lui », a confié le prélat. Une vocation naissait ainsi et se concrétisa par l’entrée au séminaire du jeune Dieudonné Nzapalainga. En 1997, le séminariste prononçait ses vœux perpétuels, avant d’être ordonné, un an plus tard, prêtre dans la Congrégation du Saint-Esprit, conformément à son ambition de départ.

L’archevêque de Bangui

Après un séjour de quelques années en France, Dieudonné Nzapalainga regagne la Centrafrique en 2005. Son retour coïncide avec une période de crise profonde sur fond de scandale sexuel et financier impliquant directement l’archevêque de Bangui, Mgr Paulin Pomodimo, et l’évêque de Bossangoa, Mgr François-Xavier Yombadje. Contraints à la démission par le Vatican, les deux prélats ont été remplacés par le pape Benoît XVI en mai 2009. C’est ainsi que Dieudonné Nzalapainga fut nommé administrateur apostolique à Bangui. Si au départ la tâche ne fut pas facile pour le nouvel administrateur qui connut une “grève” des prêtres non contents de la démission de Mgr Paul Pomodimo, Dieudonné Nzalapainga réussit finalement à mériter la confiance, non seulement de ses compatriotes, mais aussi et surtout du pape Benoît XVI qui le confirme à la tête de l’archidiocèse de Bangui dont il devient l’archevêque en 2012.

Des actions en faveur de la paix en Centrafrique

De sa position d’archevêque de Bangui, Mgr Dieudonné Nzapalainga devient un personnage central dans le dialogue politique dans cette Centrafrique en proie à une crise politique sévère marquée par la rébellion de la Séléka déclenchée au cours de cette année 2012. Son œuvre pour la paix, réalisée courageusement avec l’imam Oumar Kobine Layama, président du conseil islamique centrafricain et le pasteur Guerekoyame-Gbangou, président de l’Alliance évangélique, dans le cadre de la Plateforme de paix inter-religieuse de Centrafrique, a été unanimement saluée aussi bien dans le pays que dans le monde, et sanctionnée, en 2015, par le prix des droits de l’Homme des Nations Unies dit prix Sergio Vieira de Mello.

Ce prix a été décerné en reconnaissance des efforts déployés par la plateforme depuis sa création, en 2013, pour la réconciliation des groupes religieux dans ce pays dévasté par une guerre entre factions. En effet, les trois fondateurs ont pris leur bâton de pèlerin, parcourant tout le pays, même ses coins les plus reculés, pour sensibiliser les communautés et promouvoir la paix, le respect et la confiance mutuels. Les actions de la plateforme se sont également étendues sur la scène internationale et ont, entre autres, contribué à la décision du Conseil de sécurité des Nations Unies de dépêcher sur place une force de maintien de la paix, la MINUSCA.

Par ces actions, Mgr Dieudonné Nzalapainga gagne en considération, non seulement dans son pays, mais également dans les plus hautes sphères de l’Eglise catholique au Vatican. Ainsi, le 9 septembre 2014, le pape François le nomme père synodal pour la troisième assemblée générale extraordinaire du synode des évêques sur la famille qui devait se dérouler du 5 au 19 octobre 2014, en qualité de président de la conférence épiscopale des évêques de Centrafrique. Avant la tenue de cet événement, le chef de l’Eglise catholique nomme, le 13 septembre 2014, l’archevêque, membre de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples. En novembre 2015, Dieudonné Nzapalainga eut le bonheur d’accueillir le pape François dans son pays, à l’occasion de la tournée africaine du souverain pontife qui ouvrit, à l’occasion, la première des Portes saintes de la cathédrale de Bangui. La marche vers le cardinalat était enclenchée.

Le premier cardinal centrafricain

Un an après la visite du pape François en Centrafrique, Mgr Dieudonné Nzapalainga a été nommé cardinal, en novembre 2016. A 49 ans, le prélat devient le premier cardinal de son pays et en même temps le “benjamin” du Sacré collège. Cette promotion conforte le prélat dans ses œuvres en faveur du dialogue inter-religieux pour la paix, multipliant plus que jamais les tournées à l’intérieur du pays. Mû par une forte volonté d’aller au contact du peuple, le cardinal n’a pas peur de braver tous les obstacles : très mauvais état des routes, insécurité ambiante, etc.

Dans ce mois de décembre 2019, l’archevêque de Bangui a encore visité de nombreuses contrées de la Centrafrique. Il était par exemple dans le diocèse de Bossangoa, dans le nord-est du pays. A Markounda, la responsable des femmes de la localité s’adressait au cardinal en ces termes : « Nous comptons sur toi pour aller parler au gouvernement de nos problèmes : nous n’avons ni centre de santé ni eau potable et les groupes armés nous imposent des redevances lorsque nous voulons nous déplacer ». Pour des milliers de Centrafricains, Dieudonné Nzapalainga est une source d’espoir comme le fait remarquer au journal La Croix un élu local de Markounda qui a requis l’anonymat : « En fait, les politiques ont démissionné dans ce pays. Ils n’osent pas se déplacer de peur de se faire prendre en otage par les groupes armés. Tout le monde se tourne donc vers cette autorité qui tient un discours de vérité parfois au mépris de sa propre vie ».

Ailleurs, à Kouki, on entend un pasteur de l’Eglise Lumière dire, en tant que porte-parole des responsables religieux : « Nous sommes contents que le cardinal vienne ici pour nous rencontrer car, c’est un père et il est venu essuyer nos larmes ».

Même des rebelles placent leur espoir en Dieudonné Nzapalainga : « La crise a causé beaucoup de dégâts, notamment sur les structures sociales et éducatives, nous désirons ardemment le désarmement et nous pensons que le cardinal peut nous aider à cela », confie Stanislas Badjima, 28 ans, commandant de zone chez les anti-balaka.

Conscient de la lourde responsabilité qui est la sienne dans cette Centrafrique minée par la crise, le prélat prend son rôle bien au sérieux rapporte La Vie Catholique. « Nous prions le Notre Père et nous demandons « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». Mais nous qui avons perdu dans cette crise un parent, une maison, sommes-nous prêts à pardonner ? Désarmez vos cœurs, et vous aurez la paix ! », lâche Dieudonné Nzapalainga, lors de la messe qu’il a célébrée, il y a quelques jours, à Nana-Bakassa.

Les talents de négociateurs de celui qui a réussi, au cours de sa tournée dans le nord-est, à réunir autour d’une même table, à Kouki, un fief de la séléka, un responsable de ce groupe et un chef des anti-balaka, deux organisations que tout oppose et qui ne se sont pas rencontrées depuis deux ans, seront encore utiles pour le pays ; surtout parce que 2020 sera une année électorale aux enjeux multiples. Avec son lot d’incertitudes, surtout lorsqu’on sait que certains fins politiciens centrafricains comme le général François Bozizé ont commencé à rejoindre le bercail.

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Historien, Journaliste, spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne
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