Queen Etémé présente « Lafi »


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Queen Etémé signe avec Lafi son grand retour dans les bacs. Cinq ans après Soki, elle présente, ce jeudi à Paris, à l’occasion d’un show case événement, son nouvel opus épicé et haut en couleurs. Elle dévoile à Afrik une partie de son univers, de son travail, de sa sensibilité, de ses rêves. (Re)découvrez une grande Dame de la musique, une des plus grandes voix africaines, dans tout son engament artistique et humain. Et découvrez en exclusivité sur Afrik le clip vidéo du premier single « Réveille-toi ».

« C’est une véritable One woman show », confie respectueusement son manager (Denise Uro). Et il est vrai que quiconque a déjà vu Queen Etémé sur scène se souvient irrémédiablement de cette boule d’énergie et d’émotion aux saveurs gospel, afro et jazz. Queen, c’est d’abord une voix, puissante, chaude, inspirée. La contre alto camerounaise, qui a longtemps évolué aux côtés de Manu Dibango, présente ce jeudi à Paris son deuxième album : LAFI. Du lourd… Enregistré en partie en Afrique. Artiste émérite, Queen Etémé reste aussi une vraie Reine de cœur qui met tout son talent au service d’un important travail social autour des enfants, notamment en Afrique et ailleurs. Des rencontres où l’humain nourrit l’artistique, pour une Diva qui se s’épanouit que dans l’échange.

Afrik.com : Pourquoi avoir attendu cinq ans avant de sortir votre deuxième album ?

Queen Etémé : C’est le temps qu’il m’a fallu pour me nourrir d’expériences et de rencontres. Il me fallait du temps pour synthétiser tout cela, pour digérer tout ce que j’ai accumulé comme émotion pour pouvoir le partager dans un nouvel opus. Parallèlement à cela, j’ai fait beaucoup d’autres choses, en France et en Afrique, que travailler sur mon nouvel album. J’ai monté de nombreux master classe de chant (ateliers de formation) et je me suis beaucoup investie dans des causes qui me tiennent à cœur, comme l’autisme (son fils est autiste, ndlr), la drépanocytose ou les enfants malades.

Afrik.com : Que signifie Lafi ?

Queen Etémé : Lafi signifie « Tout va bien » en moré (langue du Burkina Faso, ndlr). Pour moi, c’est le symbole d’un état d’esprit. Les artistes, qui sont un peu des leaders d’opinion, constituent un espoir. Avec LAFI je veux dire tout le monde de croire en ses rêves. J’ai choisi « Réveille-toi », comme single pour la préparer la sortie de l’album pour cette raison. Comme un prolongement de la symbolique du titre de l’album.

Afrik.com : Et vous, quelles sont vos rêves ?

Queen Etémé : Très prosaïquement, j’espère que cet album sera une victoire. Pour tout ceux qui se sont impliqué dans cette autoproduction. Mes rêves sont artistiques. Je rêve de continuer à construire et donner la chance à des artistes de faire de la scène. Mes rêves sont personnels. Des rêves de femmes, des rêves de mère. Je rêve de voir les mères ayant des enfants autistes se réveiller, comme moi, avec le sourire chaque matin. Mon fils, qui eu la chance de bénéficier très tôt d’un bon suivi, et évolue bien dans sa maladie. Ce qui est une grande victoire pour moi.

Afrik.com : Quelle est la place de votre musique dans votre travail social ?

Queen Etémé : La musique va droit au cœur. En ce sens, elle a des vertus thérapeutiques. Elle restaure les gens de l’intérieur. C’est un excellent canal pour apaiser la douleur ou la peine. C’est également un outil de partage. Quand vous chantez ou travailler avec des enfants des rues ou des enfants malades, qui sont tous quel qu’ils soient un peu exclus, ça les valorise, ils reprennent confiance en eux et en la vie. Ils prennent un peu conscience qu’ils ont des choses à dire et à partager. Et ça révèle parfois des talents que personne ne leur permet d’exprimer.

Afrik.com : Quel est le plus beau souvenir que vous ayez en la matière ?

Queen Etémé : Il y en a beaucoup. Tout récemment, le 25 octobre dernier, je faisais un concert gospel dans une église. Il m’arrive souvent d’aller chanter un plein milieu du public. Il y avait là une jeune femme en fauteuil roulant. Je suis tombé nez-à-nez avec elle. Et j’ai vu son regard. Il y avait une telle énergie, une telle intensité que j’ai bien cru qu’elle allait se lever. Ça m’a secoué. Sinon, j’ai un ami qui est disons très mal dans sa peau. Il ne rate aucun de mes concerts. Il en ressort toujours ému et heureux. Il me dit que je le « guéris ». Il me dit : « ta musique me soigne ». Sur scène, il m’arrive de toucher certaines cordes sensibles chez les gens, et de les émouvoir jusqu’aux larmes… ce qui me fait pleurer également. Ils pleurent de peine, mais aussi parfois de joie.

Afrik.com : Pour la présentation de votre nouvel album, Lafi, vous avez décidé d’organiser, ce jeudi dans les beaux quartiers de Paris (16e arrondissement), une soirée spéciale avec un dîner et une exposition pour accompagner votre show case. Pourquoi un tel choix ?

Queen Etémé : Je veux faire quelque chose de plus humain, de plus original qu’un simple show case. J’ai envie que les gens se posent le temps d’une soirée pour se détendre et partager quelque chose ensemble dans un cadre de qualité. Avec cet événement, je veux également remercier tout ceux qui se sont mobilisés pour cet album et tout ceux qui m’ont accompagnée et soutenu jusque-là. C’est un peu une récompense.

Afrik.com : Pour LAFI, avez-vous abordé le travail de la même façon que pour SOKI ?

Queen Etémé : J’ai travaillé différemment pour Lafi. Il y a eu un changement d’équipe managériale et de stratégie. Je me suis plus impliquée dans les arrangements, la réalisation, le choix de musiciens, les aménagements vocaux, les sonorités, les instruments. Même si Soki reste un disque tout autant personnel. Par ailleurs, au carrefour d’une volonté et d’opportunités, j’ai enregistré une partie de l’album en Afrique.

Afrik.com : On vous connait comme chanteuse, mais pas pour vos arrangements. C’est une nouvelle corde à votre arc ?

Queen Etémé : Pas du tout, j’ai toujours fait des arrangements. Je suis musicienne (percussionniste, ndlr), même si je ne le montre pas trop sur scène.

Afrik.com : C’était important pour vous d’aller enregistrer une partie de votre album en Afrique ?

Queen Etémé : L’Afrique est la base de mon inspiration, car c’est la base de ma culture. J’avais envie de rencontrer des gens. Je cherchais cette étincelle qui me nourrit et me grandit. Il y a une véritable authenticité là-bas. Les artistes jouent avec le cœur et toute l’énergie de leur musicalité. C’est une autre méthode de travail qui n’a rien à voir avec ce qui se passe en France par exemple. En Afrique, il n’y a pas ce côté « syndicale » qu’on retrouve ici. Là-bas, si on estime que ce n’est pas bon, on recommence jusqu’à avoir la bonne tonalité. Il n’y a pas la contrainte du temps et tout se fait en partage. J’aime cette générosité artistique. Et puis il y a des artistes extraordinaires. Je suis toujours impressionnée par les talents que je croise en Afrique. Là-bas je vous assure que vous prenez des claques. En plus de leur amour pour la musique, ils ont tous une soif d’apprendre.

Afrik.com : Vous avez fait de belles rencontres ?

Queen Etémé : Oui, j’ai découvert, par exemple, un fantastique auteur compositeur au Cameroun (Jaye, ndlr) avec qui j’ai travaillé. Un petit génie de 21 ans qui créait jusque-là dans son coin et les moyens du bord. Il travaille avec son téléphone portable pour enregistrer ses mélodies… (sourires mêlés d’admiration). En Afrique j’ai appris à m’élever dans l’humilité par rapport à la musique et à la vie. Je me suis aussi ouverte à d’autres styles, notamment avec ma rencontre avec Krotal (fleuron de la scène hip-hop camerounaise, ndlr). On a même fait ensemble, un morceau avec le baryton Jacques Greg Belobo où l’on mélange donc les univers hip-hop, lyrique et gospel…

Afrik.com : Entre le gospel, le jazz, la soul, les musiques africaines, vous avez une palette de styles très variée. Comment définiriez-vous votre style ?

Queen Etémé : Je suis un produit de l’Afrique, de l’Europe, des Amériques. Mon style est un mélange de toutes ces influences. Je suis, par ailleurs de l’école de Manu (Dibango, ndlr), qui reste un modèle en matière de variété de registre. C’est quelqu’un qui a connu John Coltrane (artiste jazz de légende, ndlr) et qui peut jouer avec Mc Solaar, ou avec des DJ ou des slameurs. Je trouve qu’il faut prendre des risques artistiques, aller au-delà de ce qu’on a déjà fait et montrer des choses fraîches et nouvelles.

Afrik.com : Vous êtes à la fois une artiste de studio et une artiste de scène. Avez-vous une préférence ?

Queen Etémé : Non, je suis indissociablement les deux. En studio, je suis à la maison, c’est par là que j’ai commencé. Sur scène c’est une autre émotion, une autre énergie. C’est un partage avec le public. La preuve en est : je n’ai pas de répertoire rigide sur scène. Je peux le modifier selon la température. Il arrive même que des gens me réclament une chanson particulière. Je reste au service de la musique.

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