Quand l’Afrique prostitue ses enfants


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Certaines familles africaines vivant dans les pays « riches » prostituent à leur domicile des enfants qu’ils ont fait venir d’Afrique. Des enfants de leurs proches, bernés par des proxénètes qui promettaient monts et merveilles pour leur progéniture. Les trafiquants sont de facto protégés par le silence des enfants, qui n’osent pas parler.

C’est leur propre famille qui a fait d’elles des esclaves sexuelles. Des tantes africaines, installées dans les pays riches, ont abusé de la crédulité de parents restés au pays pour livrer leurs fillettes à la prostitution. Rien à voir avec la perspective d’une vie meilleure que leurs proxénètes font miroiter. Pour garder le silence des petites victimes, pas besoin de l’acheter. La promesse d’un mauvais sort mystique en cas de dénonciation est largement suffisante. Du coup, même lorsque certaines filles en grandissant se rebellent et s’enfuient, elles ne dénoncent jamais personne, de peur des conséquences.

Qui pourrait se douter qu’une personne de son propre sang pourrait ainsi trahir les siens et même les détruire ? C’est souvent fort de cette conviction que des tantes, qui disent avoir réussi dans les pays du Nord, se transforment en marchandes de rêves. « Envoies-moi ta fille, je l’enverrai à l’école et elle aura une bonne éducation » ou encore « Je lui trouverai un bon travail », disent-elles aux parents démunis. Des phrases classiques, mais efficaces. Surtout sur des géniteurs anxieux d’offrir un avenir meilleur à leur progéniture. Rien à voir avec quelques couples, qui savent pertinemment à quoi seront exposés leur chair.

Adopter les futures victimes

Les enfants seront attendus avec de faux papiers à l’aéroport, dans la plupart des cas, « par une tante ou un oncle qui se disent tuteurs légaux, mais qui souvent résident eux-mêmes illégalement sur le territoire français », commente Carole Bartolli, coordinatrice des programmes dans l’antenne française de l’Ecpat, une association combattant la prostitution et la pornographie enfantine ainsi que le trafic d’enfants à des fins sexuelles.

Autre tactique de « recrutement » découverte il y a seulement quelques années : les femmes qui viennent se servir directement sur le continent africain. Ainsi, de France, « certaines se rendent en Afrique et adoptent plusieurs enfants de la famille d’abord, puis des voisins et ainsi de suite. Le tout avec la complicité de certaines personnes en poste dans les administrations qui établissent même, contre de l’argent, de faux actes de naissance. Ensuite, elles retournent où elles vivent et font venir leurs ‘enfants’ en France sous le coup du regroupement familial. Une stratégie rendue plus difficile aujourd’hui par le resserrement de la législation », explique Amely-James Koh Bela, présidente de la Commission de l’information et de la formation à la Fédération des Agences Internationales pour le Développement (Aide Fédération).

Clients listés, enfants loués

Les enfants sont très jeunes, certains sont à peine âgés de six ans. Filles et garçons restent cloîtrés dans le domicile du proxénète. L’école est l’apanage de ceux qui ont des papiers en règle. Dans ce cas, ils vont en cours la journée et sont prostitués le soir. Pour ceux qui sont clandestins, les sorties leur sont quasiment interdites, par peur d’un contrôle de police. A l’intérieur des murs, l’enfant n’existe plus et devient un pur objet sexuel.

Pendant la journée, les filles font office de bonne à tout faire et sont prostituées le soir. Le week-end, c’est souvent toute la journée que les clients y défilent. « Sur rendez-vous, par abonnement ou encore après avoir répondu à une petite annonce. Dans la moitié des cas, tout est organisé par des mères de familles monoparentales qui s’acquittent de leur tâche comme de véritables chefs d’entreprise. Elles établissent une fichiers et épluchent les annonces dans les journaux pour avoir des clients. Pour les attirer, certaines organisent même des soirées privées où elles passent les vidéos des enfants abusés », précise Amely-James Koh Bela. Selon elle, dans les autres cas de prostitution enfantine dans la famille, plusieurs membres d’une même famille organisent le trafic et se partagent les gains.

Une vierge confère « prospérité et longévité »

Les amis et les amis d’amis des trafiquants ou encore d’illustres inconnus paient le plus souvent pour sodomiser ou avoir un rapport sexuel avec des enfants ou pour se faire faire une fellation. « Le plus souvent, une pièce est spécialement aménagée pour ces pratiques. La demi-heure coûte aux alentours de 60 euros. Pour les soirées un peu plus longues la fourchette peut varier entre 100 et 500 euros », explique une travailleuse sociale. Ces pédophiles sont en général africains, mais aussi blancs et chinois. Ces derniers « paient très très cher pour pouvoir coucher avec une vierge. Dans la culture asiatique, cet acte confèrerait prospérité et longévité. Il y a de plus en plus de demandeurs. Une Ivoirienne, il y a déjà plusieurs années, a d’ailleurs vendu la virginité de sa fille pour environ 6 100 euros à un Chinois », confie la présidente de la Commission de l’information et de la formation de Aide Fédération. « Les garçons, souvent arrivés en France après avoir été ramassés dans les rues d’Afrique, sont la plupart du temps loués. Les pédophiles les emmènent hors du lieux familial pour s’adonner à leurs pratiques. D’autres sont vendus dès leur arrivée à des proxénètes », poursuit-elle.

Les pratiques des uns et des autres varient, mais souvent le préservatif est banni. Avec le risque d’infecter les enfants avec le virus du VIH/sida. Les cassettes vidéos ou l’usage d’animaux dans les relations pédophiles n’est pas automatique. Chaque famille s’organise comme elle l’entend. Ce qui fait dire à certains que, schématiquement, il existe autant de filières de prostitution enfantine que de familles qui la pratiquent.

Prison mentale

Il est quasiment impossible d’échapper à cette spirale infernale. « Les proxénètes agitent la menace de la sorcellerie pour tenir leurs victimes et les empêcher de parler. Ils prennent un cheveu ou un ongle de l’enfant et organisent une cérémonie, souvent fausse, pour le terroriser. Ils lui disent des choses horribles, comme le fait que s’il parle, lui ou un membre de sa famille mourra », souligne la travailleuse sociale, qui précise qu’en général les voisins sont au courant du trafic mais ne disent rien.

La pression mentale exercée sur les victimes est très forte et elles savent que si elles sont renvoyées au pays, elles décevront leur famille. Une perspective à laquelle elles se refusent. Une autre forme de pression consiste à les faire culpabiliser, les trafiquants leur rappelant les sacrifices financiers qu’ils ont fait pour les faire venir. Et qu’il faut les rembourser, ce qui peut mettre plusieurs années. Ou encore de leur dire que les hommes qui passent sont des maris potentiels et qu’il faut être gentille avec eux et que l’argent collecté sera stocké sur un compte spécialement ouvert pour elles.

Garder le silence à tout prix

Mais avec l’âge, les jeunes filles réalisent la vérité et se rebellent. Elles réclament leur argent et, ne voyant rien venir et ne supportant plus cette vie, s’enfuient. S’extraire de cet environnement malsain demande beaucoup de courage. Car une fois dans la rue, les problèmes sont loin d’être finis. Deux cas de figures majeurs sont possibles. Dans le pire des cas, ne sachant ou ne trouvant nulle part où aller, elles peuvent tomber de nouveau dans un réseau de prostitution. Les plus chanceuses trouveront de l’aide auprès des associations. Une aide limitée à cause de la réglementation très stricte qui entoure la protection des mineurs, mais qui pourra leur permettre de trouver un foyer où vivre.

Mais pas question de se tourner vers la police, de porter plainte. La spectre de la sorcellerie trône dans les esprits des victimes et scellent leurs lèvres. Ce qui rend quasiment inefficace la présentation de rapports médicaux et de témoignages comme preuve d’exploitation sexuelle. Aussi criants soient-ils. Autant de facteurs qui rendent très difficile l’obtention d’informations claires et des statistiques sur ce trafic que beaucoup d’associations de protection de l’enfance qualifient d’« opaque ». Ainsi, ce sont les quelques rares témoignages de victimes qui permettent de recueillir des filets d’éléments sur ces filières.

Prostitués pour « arrondir les fins de mois »

Tellement opaque que même certains services de police disent n’avoir jamais entendu parler du problème. A la Brigade des mineurs de Paris, un membre qui travaille depuis plusieurs années dans la structure affirme que la « prostitution des Africains ne concerne que les majeurs et pas les enfants ». Pas étonnant pour Carole Bartolli, qui explique qu’il est « très difficile de faire reconnaître ce genre de pratique aux forces de police, qui tendent à nier les faits. Il n’y a d’ailleurs que depuis quelques années que le pays reconnaît l’existence de la prostitution des mineurs, mais c’est encore très tabou ».

Au cœur de ce sombre trafic sexuel, l’argent bien sûr. Mais parfois, il s’agit juste d’avoir un peu plus de confort. C’est notamment le cas des familles africaines qui prostituent leurs propres enfants, parfois sous pression de l’entourage, pour « arrondir les fins de mois et assurer les besoins vitaux quand la famille n’a que peu de ressources. Mais dans certains cas, des familles vendent le corps de leur enfant juste dans le but d’acquérir des biens matériels », commente coordinatrice des programmes dans l’antenne française de l’Ecpat. Aucune famille n’aurait pour l’instant été arrêtée pour avoir prostitué son enfant ou celui de proches. Mais d’aucuns assurent que certaines cellules familiales sont dans le collimateur des services sociaux.

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