Production musicale au Mali : l’agonie perdure


Lecture 5 min.
arton8260

Le Mali a soixante jours pour sauver sa production musicale. C’est, en effet, le temps imparti au ministère malien de la Culture et aux responsables de Mali K7 et de Seydoni pour trouver un compromis satisfaisant dans le cadre d’une lutte efficace contre la piraterie. Autrement, le Mali pourra certainement dire adieu à sa production musicale parce que ses principaux bailleurs de fond auront mis la clé sous le paillasson. En attendant, leur ministère de tutelle se veut rassurant quant à une solution de sortie de crise.

Mali K7 et Seydoni, les deux principaux acteurs de la production et de la distribution musicale au Mali, fermaient leurs portes, le 16 mars dernier, en réponse au préjudice économique causé par la piraterie à leur activité. Ils détiennent en effet 98% de la production musicale (production et pressage) pour seulement 5% de la distribution. Le reste des produits musicaux distribués au Mali, essentiellement des cassettes, étant contrefaits. Aussi les principales maisons de production maliennes ne réalisent que le dixième d’un chiffre d’affaires estimé à deux milliards de F CFA. Elles attendaient donc du gouvernement qu’il prenne des dispositions plus énergiques pour lutter contre ce fléau. Malheureusement, elles n’ont pas encore eu gain de cause et sont résolument engagées dans une processus qui, dans un peu plus de deux mois, verra la fermeture définitive de leurs structures.

Le ministère de la culture se dit « ouvert » au dialogue

La crise qui frappe aujourd’hui l’industrie musicale malienne semble dans une impasse alors que le ministère de la culture assure qu’il mettra tout en œuvre pour trouver une issue à cette situation inédite au Mali. « Les responsables culturels de notre pays assimilent notre geste à un désaveu, voire une critique de leur action. Le ministère de la Culture nous reproche notamment de ne pas l’avoir prévenu longtemps avant la fermeture de nos locaux. Nous ne sommes pas liés au ministère et nous avons pris la peine, le lundi 14 mars 2004, de les informer de notre décision. Ce n’est pas de la politique que nous faisons. Il y a près d’un mois que je n’ai pas travaillé. J’ai 40 employés qui n’auront pas de salaire ce mois-ci. Tous les contrats en cours avec les artistes ont été suspendus. Les studios sont fermés. C’est tout un secteur qui se trouve actuellement en très mauvaise posture », affirme Fousséni Traoré, le patron de Seydoni.

Un avis que l’on partage également au ministère malien de la Culture qui rappelle par la voie de Mamadou Cissé, conseiller juridique du ministre Cheick Omar Sissoko que tout est mis en œuvre pour que les deux chantres de la production musicale malienne ne ferment pas définitivement leurs portes. «Nous sommes à l’écoute. Le ministre leur (aux responsables de Seydoni et de Mali K7, ndlr) a dit que son téléphone était ouvert, les invitant à communiquer toute information qui pourrait s’avérer utile dans cette lutte contre les pirates, à échanger pour qu’ensemble nous voyons ce que nous pouvons faire concrètement », affirme Mamadou Cissé, interlocuteur de choix dans cette délicate affaire au ministère. Car les premiers responsables de la culture malienne connaissent l’importance de cette industrie pour le pays. Selon une étude de la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (Cnuced), mentionnée par Mamadou Cissé, la piraterie ferait perdre au Mali, 3,5 milliards de F CFA par an. « Ce n’est pas gai pour nous de voir Mali K7 et Seydoni dans cette situation, ajoute le conseiller du ministre. Ce sont des partenaires clé dans la promotion de la musique malienne ».

« Wait and see »

D’autant plus qu’il rappelle que nombre de dispositions ont été prises pour lutter contre la piraterie, l’origine des maux de ces structures. « Une brigade de lutte contre la piraterie a été mise en place ; une loi fondamentale sur la propriété artistique et intellectuelle a été adoptée ; le gouvernent a créé un fond de subvention aux artistes de 100 millions de F CFA pour les aider à faire face à ce fléau. Le Bureau malien des droits d’auteur a même enfreint la loi en faisant de Seydoni et de Mali K7 les seules structures habilitées à importer des supports musicaux. Le problème de la piraterie est une question complexe. Et le Mali, en dépit des moyens limités qui sont les siens, essaie de mettre en place une stratégie de lutte efficace. Il y a quelques mois, nous avons d’ailleurs organisé un séminaire rassemblant les forces de l’ordre et les services de douane. Par ailleurs, la piraterie est un problème transfrontalier et le Mali dispose de six frontières qui sont malheureusement poreuses », souligne M. Cissé.

En attendant, c’est le statu quo et Fousséni Traoré a son idée toute faite sur la question. « Ce n’est pas seulement au Mali, nos gouvernements africains sont des pompiers. C’est seulement quand la situation devient critique qu’ils réagissent. Salif Keita, Oumou Sangaré préparent leurs prochains albums à l’instar de quelques autres grandes pointures de la musique malienne. On verra ce qui va se passer quand ces artistes ne pourront rien percevoir, au Mali, sur le produit de leurs ventes parce que seules leurs cassettes piratées seront disponibles sur le marché ». Voilà un bien triste augure ! Espérons qu’au nom de la culture malienne, l’on n’en arrivera pas à de telles extrémités.

Lire aussi : Agonie de l’industrie musicale malienne

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News