Procès Hissène Habré : « Une victoire d’étape pour des victimes marathoniennes »


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Le ministre de la Justice sénégalais a annoncé mercredi que l’ancien président tchadien serait jugé par une cour d’assises. Hissène Habré est poursuivi pour torture et crimes de guerre. Une bonne nouvelle pour les défenseurs des droits l’homme. L’avocat sénégalais, Maître Sidiki Kaba, commente pour Afrik.com cette décision.

Pas de juridiction spéciale pour Hissène Habré. Le Garde des sceaux, Cheikh Tidiane Sy, a révélé mercredi à Dakar que l’ex-président tchadien poursuivi pour torture et crimes de guerre[En 1992, un rapport publié par une commission d’enquête tchadienne accusait Hissène Habré et son gouvernement de 40 000 assassinats politiques, ainsi que d’actes systématiques de torture et de brutalité. Il aurait également détourné 7 millions d’euros des caisses du Trésor public. Hissène Habré a été au pouvoir de 1982 à 1990.]] serait jugé par une Cour d’assises. Mandaté depuis un an par l’Union africaine, le Sénégal a jusqu’alors différé ses obligations faute de moyens financiers. Une commission ad hoc nommée par le chef d’Etat sénégalais a chiffré au mois de mai le montant du procès à plus de 43 milliards de francs Cfa (plus de 65 millions d’euros). Une lenteur sévèrement critiquée par les organisations de défense des droits de l’homme dont certaines se réjouissent aujourd’hui de l’annonce de cette décision. A l’instar de Maître [Sidiki Kaba, l’avocat sénégalais, président d’honneur de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), qui vient d’être désigné par son organisation pour représenter les victimes de l’ancien dictateur lors du futur procès. Un dossier qu’il connaît bien puisque c’est lui qui a obtenu en 2000 la première inculpation d’Hissène Habré par la justice sénégalaise.

Que pensez-vous de la décision des autorités sénégalaises de faire juger Hissène Habré par une cour d’assises ?

Maître Sidiki Kaba :
C’est indéniablement une avancée. Tout ce qui va dans le sens d’un début d’exécution du mandat donné par l’Union africaine pour juger Hissène Habré est une bonne nouvelle. Les victimes tchadiennes attendent depuis 17 ans et il y a eu déjà beaucoup de retournements de situation suite aux procédures engagées successivement au Tchad, au Sénégal et en Belgique. Ce qui importe maintenant c’est que le tribunal soit fonctionnel d’un point de vue matériel afin que cette affaire trouve un début de résolution. Je dirais que c’est une victoire d’étape pour des victimes marathoniennes. Il faut continuer cette course pour qu’elle se termine par une victoire éclatante du droit.

Même si le procès se tient sans jury populaire…

Maître Sidiki Kaba :
La présence des jurés est essentiellement symbolique. Elle montre que la justice est rendue au nom du peuple. Pour l’affaire qui nous intéresse, la complexité de la procédure, la gravité des faits impliquent le recours à des magistrats professionnels.

Il n’y a donc plus d’obstacle juridique pour que le procès se tienne prochainement ?

Maître Sidiki Kaba :
Il faut encore attendre que la réforme de la Cour d’assises soit adoptée. Le projet de loi est en cours de préparation. Il s’agit de donner la possibilité à l’accusé de faire appel de la décision. Mais ça ne devrait pas être long. On sent une véritable volonté politique d’aller au bout de ce dossier.

Qu’est ce que signifie pour vous la tenue de ce procès au Sénégal ?

Maître Sidiki Kaba :
Cela signifie qu’une compétence universelle (juger des crimes commis hors du territoire national sur des ressortissants étrangers, ndlr) peut s’exercer dans un pays du Sud. Des actes de torture perpétrés en Afrique vont être jugés en Afrique, c’est très important. Ma position de principe est de dire que la justice doit être rendue in situ. Pouvoir juger un chef d’Etat, c’est rassurant. Cela démontre qu’il y a une égalité de traitement devant la loi. Il y a une vertu pédagogique dans la tenue de ce procès au Sénégal

Quel va être désormais le rôle de la FIDH dans cette affaire ?

Maître Sidiki Kaba :
La fédération des droits de l’homme va poursuivre son travail d’assistance juridique aux victimes d’Hissène Habrè. Il faut rappeler que c’est la FIDH, avec les organisations tchadiennes de défense des droits de l’homme, qui est à l’initiative de la procédure engagée contre l’ancien président tchadien par la justice sénégalaise en 2000. Ce sont nos pressions répétées qui ont conduit le Sénégal à saisir l’Union africaine pour obtenir un mandat. Maintenant, nous attendons du Garde des sceaux qu’il nous communique rapidement un chronogramme du procès et la feuille de route qui sera confiée à la cour d’assises.

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