Présidentielles burkinabès : le candidat Blaise Compaoré


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Les Burkinabès se rendront aux urnes le 13 novembre prochain pour élire leur nouveau Président. Selon un sondage national du Centre pour la gouvernance démocratique, le grand favori du scrutin est le chef de l’Etat sortant Blaise Compaoré, du Congrès pour la démocratie et le progrès. Kadi Korsaga, membre du bureau exécutif du parti venue à Paris présenter le bilan du Président et son nouveau programme, est passée au crible des questions d’Afrik.

Le coup d’envoi de la campagne présidentielle sera donné le 22 octobre prochain à minuit. Blaise Compaoré sera-t-il Président du Burkina Faso pour la troisième fois ? C’est ce que semble présager le sondage national du Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) publié vendredi. Mené sur plus de 2 300 personnes, il indique en effet que le chef de l’Etat, qui court pour le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), est crédité de 67,4% des intentions de vote. Contre 3,7% pour son principal challenger : Me Bénéwendé Stanislas Sankara, de l’Union pour la renaissance/Mouvement sankariste (UNIR/MS), proche de feu Thomas Sankara. La présidentielle du 13 novembre, qui inaugurera le quinquenat, est-elle jouée d’avance ? Non, selon la membre du bureau exécutif du CDP chargée des questions d’Education, également responsable des relations extérieures pour la campagne. Kadi Korsaga dresse le bilan du dernier septennat de Blaise Compaoré avant de répondre au feu des questions d’Afrik.

Afrik.com : Quel bilan feriez-vous du septennat ?

Kadi Korsaga :
C’est un bilan très riche. Nous avons surtout développé le volet social en misant sur l’éducation qui, au court de ses dernières années, est devenue une véritable réalité pour les enfants burkinabès. Au commencement du septennat de Blaise Compaoré, le taux de scolarisation était de moins de 25% et, aujourd’hui, ce taux atteint 71%. Nous avons également développé le secteur de la santé, pour que les soins de santé primaire puissent être accessibles aux plus défavorisés. Les centres de soins primaires assurent maintenant une prise en charge systématique des plus démunis. Nous avons aussi mis l’accent sur les productions à travers les vastes chantiers d’hydro-agriculture destinés à accroître la productivité, ce qui est important puisque près de 90% de la population ont pour principale activité l’agriculture. Des progrès ont par ailleurs été réalisés dans les infrastructures, les aménagements urbains… Tout cela constitue des points très positifs pour le septennat du Président Blaise Compaoré.

Afrik.com : Quels sont les axes principaux du nouveau programme présidentiel du CDP ?

Kadi Korsaga :
Il y a six volets dans ce programme. Le premier est de miser sur les ressources humaines. Le Burkina Faso n’a pas de pétrole, ni d’autres ressources naturelles, mais sa grande richesse sont ses ressources humaines. Le Président entend donc mettre l’accent sur l’éducation et la formation professionnelle. Le second volet concerne l’accroissement des investissements dans tous les domaines (énergie, aménagement urbain…) Le troisième volet comprend la valorisation de la culture burkinabè. On peut déjà dire que le Burkina est une plaque tournante dans la sous-région en ce qui concerne la culture de par le Fespaco (Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou, ndlr). Nous avons aussi le Salon international de l’artisanat, qui regroupe tous les artisans de l’Afrique, et même au-delà. Le cinquième volet est de maintenir le leadership du Burkina dans les structures d’intégration, comme la Cedeao (Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest, ndlr) ou l’Uemoa (Union économique et monétaire des Etats d’Afrique de l’Ouest, ndlr), qui siège au Burkina. Dernier volet, les relations internationales. Un exemple, pour défendre le coton africain sur la scène internationale, le Président Compaoré est monté au créneau et a été suivi par un certain nombre de pays africains pour faire un plaidoyer en faveur de cette culture. Cette politique extérieure mérite d’être poursuivie et renforcée afin que le pays soit bien vu sur la scène internationale. Nous comptons par ailleurs nous atteler à la bonne gouvernance et à la modernisation de l’administration. Nous sommes dans une phase de décentralisation afin de mieux responsabiliser les collectivités rurales pour qu’elles se prennent mieux en main la gestion et de développement de leur terroir.

Afrik.com : Dans votre programme, est-il prévu de laisser plus de place aux femmes lors des élections ?

Kadi Korsaga :
Nous avons voté, il y a deux ans environ lors de notre avant-dernier congrès, un quota de 25% pour ce qui est de la représentativité des femmes lors des élections. Toutes les instances du parti sont concernées et elles devront présenter ce pourcentage de femmes à chaque scrutin et dans toutes les localités. Nous attendons la prochaine échéance, les municipales de février 2006, pour voir si ce quota sera respecté ou pas.

Afrik.com : Le sondage du CGD indique que Blaise Compaoré est grand favori de la présidentielle. Il ne semble pas avoir de véritable challenger puisque après lui, c’est Me Bénéwendé Stanislas Sankara qui arrive avec à peine 4% des intentions de vote. Les élections sont-elles gagnées d’avance pour Blaise Compaoré ?

Kadi Korsaga :
Non, pas du tout. En matière d’élections, on ne peut pas présager d’être gagnant à tous les coups. Notre objectif est de gagner, mais on ne peut pas d’emblée affirmer que nous partons gagnants. On ne sait pas quelles circonstances peuvent faire bouger les choses dans l’autre sens.

Afrik.com : Comment expliquez-vous Blaise Compaoré soit crédité d’autant d’intentions de vote ?

Kadi Korsaga :
Les gens sont contents de ce qu’il a fait. Les populations partent du constat sur le terrain : qu’est-ce qui a été fait pour changer positivement leurs conditions de vie ? A partir de là, ils se positionnent par rapport à un candidat. Autant on plébiscite Blaise Compaoré aujourd’hui, autant il aurait été rejeté s’il n’avait rien accompli.

Afrik.com : Le sondage du Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) indique, dans les provinces, qu’environ 60% des Burkinabès interrogés estiment que l’état des routes s’est aggravé, 80% observent une détérioration en ce qui concerne la scolarisation et ce même pourcentage considère que les centres de santé ne se sont pas améliorés. Sont-ils moins favorisés que les autres Burkinabès ?

Kadi Korsaga :
Non, pas du tout. Je suis dans le domaine de l’éducation. La plupart des programmes qui sont mis en œuvre et la priorité des priorités, ce sont d’abord pour les provinces. Pour l’éducation, il y a vingt provinces prioritaires, où les populations sont les plus défavorisées. C’est sur elles que nous mettons l’accent, en envoyant le maximum d’enseignants possible, en construisant des salles de classe et en mobilisant d’avantage les communautés de base à la question de l’école.

Afrik.com : Alors comment expliquez-vous que les gens des provinces ont le sentiment que les choses s’aggravent ?

Kadi Korsaga :
Je vous donne l’exemple d’une province, soit-disant la plus défavorisée du Burkina Faso : la Komondjari. Dans cette province, en 1988, le taux de scolarisation était d’environ 11%. Dans cette localité et les villages environnants, il y avait deux écoles de six classes. Ils ont maintenant 21 écoles de six classes et le taux de scolarisation se situe aux alentours de 46%. Donc vous voyez les progrès…

Afrik.com : La question n’est pas si des progrès ont, ou non, été accomplis, mais comment vous expliquez que les gens ont le sentiment que rien ne change ou, pire, que la situation s’aggrave ?

Kadi Korsaga :
Peut-être ne se réfèrent-ils pas aux statistiques…

Afrik.com : Il n’y a pas besoin de statistiques pour remarquer s’il y a plus d’écoles, de meilleures routes ou de centres de santé…

Kadi Korsaga :
Pour ce qui est des routes, certes, il y a peut-être une certaine lenteur. Mais comme je le disais, le Burkina n’est pas un pays nanti, contrairement aux pays de la sous-région, qui ont du pétrole, du cacao… La richesse du Burkina repose sur les produits agricoles, et notamment le coton. Et compte tenu des difficultés que ce produit a connu au cours de ces dernières décennies, il va sans dire que les petits progrès que nous faisons ne peuvent pas être comparés aux progrès géants de ceux qui sont plus nantis…

Afrik.com : Il ne s’agit pas de comparer le Burkina avec les pays voisins. Mais admettez-vous que les choses ne changent peut-être pas assez vite ?

Kadi Korsaga :
Peut-être que, par rapport à leurs attentes, les populations trouvent que les progrès sont lents. Mais il faut apprécier les efforts faits. Dans la sous-région, le Burkina est l’un des seuls pays où l’éducation dans les écoles publiques est gratuite et obligatoire pour tous les enfants de 7 à 16 ans.

Afrik.com : Y aura-t-il des observateurs internationaux pour le scrutin présidentiel?

Kadi Korsaga :
Pour la fraude électorale, les observateurs internationaux (l’Union européenne, l’Union africaine, le National democratic institute) seront là. Le mouvement des droits de l’Homme au Burkina Faso sera également présent et, dans chaque bureau de vote, il y aura un représentant de chacun des treize candidats. Je ne vois pas comment on pourrait frauder dans ces conditions.

Afrik.com : Quels sont les points forts du CDP dans ce scrutin ?

Kadi Korsaga :
Nous avons un candidat qui fait le consensus de tout le monde au niveau du parti, si je puis dire. Nous sommes même soutenus par des gens qui ne sont pas affiliés à un parti politique car ils savent qu’ils ont à faire à quelqu’un qui a déjà l’expérience et réalisé des actes positifs pour son peuple, comparativement à des gens qui leur sont inconnus. C’est un atout non négligeable.

Afrik.com : Avez-vous des points faibles qui pourraient vous handicaper ?

Kadi Korsaga :
Nous sommes un grand parti et, comme tout grand parti, il peut y avoir des incompréhensions au niveau des militants de base ou de la direction du parti. Les décisions prises ne sont pas toujours comprises par les militants de base. Par exemple, pour ces élections, ils peuvent se poser la question des alliances que nous pouvons faire avec tel ou tel parti. Ce n’est pas facile à gérer.

Afrik.com : Le fait que Blaise Compaoré soit arrivé au pouvoir par un coup d’Etat n’est-il pas aussi un point faible ?

Kadi Korsaga :
Nous avons surtout le regard fixé vers l’avenir. Nous ne regardons plus en arrière. Nous avançons.

Afrik.com : C’est une réponse politiquement correcte…

Kadi Korsaga :
(Rires) Non, nous avançons.

Afrik.com : Le CDP est par ailleurs accusé de soutenir les rebelles en Côte d’Ivoire. Cela ne risque-t-il pas de vous fragiliser ?

Kadi Korsaga :
Le Burkina a souvent été accusé par ceux qui, à un moment donné, ont rencontré des problèmes dans leur pays. Nous avons l’habitude. Mais pour un pays frère comme la Côte d’Ivoire, nous n’avons pas intérêt à ce qu’il y ait des problèmes car des millions de Burkinabès y vivent. Et lorsque l’on voit comment cette communauté a subi les horreurs de ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire, je ne crois pas que le Burkina Faso ait eu une utilité à la déstabiliser.

Afrik.com : L’image du CDP est aussi ternie par le meurtre du journaliste Norbert Zongo, que certains lui imputent…

Kadi Korsaga :
Des structures d’enquête ont été mises en place et le gouvernement a mis à leur disposition les moyens qu’il faut pour mener à bien cette enquête. Mais pensez-vous qu’à l’époque où cet assassinat s’est passé, tout juste après que notre candidat soit brillamment élu (en 1998, ndlr), notre parti avait intérêt à créer une telle situation ? Je ne le pense pas.

Afrik.com : Pensez-vous qu’une véritable alternance soit possible ?

Kadi Korsaga :
Oui car la réforme de l’article 37 stipule que le Président n’est éligible que pour deux mandats de cinq ans. Auparavant, ils étaient illimités et duraient sept ans.
C’est un véritable progrès pour l’alternance.

Afrik.com : Blaise Compaoré peut donc prétendre à cette élection, puis une autre après ?

Kadi Korsaga :
Oui.

Afrik.com : Cette réforme a causé une polémique. Deux groupes de partis de l’opposition ont chacun déposé un recours pour faire annuler la candidature de Blaise Compaoré, estimant qu’elle n’était pas constitutionnelle…

Kadi Korsaga :
Oui, mais la cour constitutionnelle a tranché. Nous nous en remettons aux institutions légales du pays. Nous ne pouvons pas aller contre les décisions de la cour, qui est là pour gérer ce genre de questions.

Afrik.com : Mais certains estiment qu’elle n’est pas un arbitre valable, expliquant qu’elle est composée de nombreux proches du pouvoir…

Kadi Korsaga :
Les membres de la cour constitutionnelle sont de tous les bords. Il y a même des apolitiques. Il peut y avoir des sympathisants de notre parti, mais il y en a aussi des autres. Tous ne disent que la loi ! Et la loi qui a été votée par l’Assemblée nationale n’est pas rétroactive. On s’intéresse à l’avenir et pas à ce qui s’est passé avant.

Afrik.com : Les Burkinabès de l’étranger pourront-ils voter ?

Kadi Korsaga :
Un mécanisme de recensement a été mis en place depuis que la communauté des Burkinabès de l’étranger a élevé la voix pour voter. En Côte d’Ivoire, où les Burkinabès sont nombreux, un recensement pour dénombrer le nombre de nos ressortissants a commencé et devrait permettre aux Burkinabès de voter lors des prochaines élections. Ce ne sera pas pour la présidentielle, mais peut-être pour les municipales.

Afrik.com : Le mot de la fin ?

Kadi Korsaga :
Nous souhaitons que nos élections se déroulent dans la légalité et la transparence les plus absolues. Nous espérons que les perdants vont s’aligner et reconnaîtront leur défaite. Nous ne voulons pas de fraudes, ni de violence.

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