Bénin : Patrice Talon limoge le ministre Paulin Akponna après des déclarations explosives sur de présumés détournements


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Paulin Akponna, ministre de l'Energie du Bénin, désormais limogé
Paulin Akponna, ministre de l'Energie du Bénin, désormais limogé

Le Président béninois, Patrice Talon, a démis de ses fonctions Paulin Akponna, ministre de l’Énergie, de l’Eau et des Mines, après des déclarations publiques controversées sur de présumés détournements massifs de fonds publics dans son département ministériel.

Les déclarations de Paulin Akponna, largement diffusées sur les réseaux sociaux depuis le weekend dernier suscitaient une salve de réactions, tant dans le camp des partisans du pouvoir que du côté de l’opposition. Beaucoup s’attendaient à une réaction du chef du gouvernement. Et cela n’a pas raté.

Une éviction officialisée par décret

C’est par le décret n° 2025-327 du 26 juin 2025 que la Présidence béninoise a acté le départ de Paulin Akponna. Le communiqué, signé du Secrétaire général du gouvernement, évoque un « réaménagement technique » décidé « après consultation du Bureau de l’Assemblée nationale », conformément à la Constitution.

Ce léger remaniement se limite au remplacement du ministre Paulin Akponna : José Tonato, déjà ministre du Cadre de vie, des Transports et du Développement durable, prend désormais en charge le portefeuille de l’Énergie, de l’Eau et des Mines, comme il avait pris le portefeuille des Transports venu s’ajouter à celui du Cadre de vie qu’il gérait depuis 2016. Il devient ainsi un ministre aux responsabilités extraordinairement élargies.

Une sortie fracassante à Parakou

Le limogeage de Paulin Akponna survient quelques jours après des propos jugés incendiaires tenus lors d’un déplacement à Parakou, le 21 juin. Constatant les insuffisances en approvisionnement en eau et en électricité, le ministre avait publiquement dénoncé un « siphonnage du budget national » à hauteur de dizaines de milliards de francs CFA.

Il a pointé du doigt des responsables, qualifiés de « délinquants de la République » et accusés d’avoir « détourné les fonds destinés à améliorer les conditions de vie des populations ». Il affirmait que ces agissements, désormais révélés, avaient été dissimulés au chef de l’État. Sans nommer précisément les auteurs, Paulin Akponna s’est attaqué à certains « fils de la localité » qu’il a accusés d’« ambitions démesurées » et de « trahison de la confiance de l’État ». Ces propos semblent de toute évidence viser son prédécesseur, Samou Seïdou Adambi, lui-même éjecté de l’équipe gouvernementale en janvier dernier.

Réactions politiques et demande d’enquête parlementaire

Les déclarations du ministre déchu ont immédiatement enflammé la toile et la scène politique. Douze députés du parti d’opposition, Les Démocrates, ont déposé une résolution au Parlement, le 25 juin, pour réclamer la création d’une commission d’enquête parlementaire sur la gestion des fonds au sein du ministère de l’Énergie, de l’Eau et des Mines.

La résolution, pilotée par Nourénou Atchadé, président du groupe parlementaire d’opposition, demande que des investigations soient menées sur l’ensemble des projets d’accès à l’eau potable et à l’électricité, notamment à Parakou. Les élus souhaitent un travail d’investigation impartial sur une durée de trois mois, avec présentation d’un rapport final en plénière.

Entre courage politique et manquement à la solidarité gouvernementale ?

L’affaire divise l’opinion. Pour certains, Paulin Akponna aurait fait preuve d’un rare courage politique en exposant publiquement des dysfonctionnements internes au pouvoir. D’autres y voient une faute grave de communication et un manquement au devoir de solidarité gouvernementale.

D’autant que Paulin Akponna n’était en poste que depuis janvier 2025. Il avait remplacé Samou Seïdou Adambi, lui-même écarté pour « actes solitaires » contraires au fonctionnement du Bloc républicain, l’un des deux partis présidentiels. Sa sortie spectaculaire à Parakou pourrait donc marquer une rupture politique, voire un début de règlement de comptes au sein de l’élite dirigeante.

Dans tous les cas, cette affaire, à l’approche de la Présidentielle de 2026, pourrait ébranler l’image de rigueur et de bonne gouvernance que le Président Patrice Talon a voulu incarner depuis 2016. Le traitement que le pouvoir réservera à la demande d’enquête parlementaire pourrait en dire long sur sa volonté réelle de faire toute la lumière sur les accusations de détournements. Autant dire qu’il s’agit-là d’un véritable test de transparence pour le régime Talon.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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