Présidentielle en Guinée : la diaspora guinéenne de France entre peur et espoir


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Neuf jours après le premier tour de la Présidentielle en Guinée, les Guinéens de France craignent le pire, particulièrement depuis que la Commission électorale nationale indépendante (Céni) a annoncé la victoire du Président Alpha Condé et que l’opposition appelle à des manifestations, dénonçant des fraudes. AFRIK.COM est allé à la rencontre des Guinéens en France préoccupés par l’avenir de leur pays. Reportage

Les Guinéens de France s’inquiètent de l’issue du scrutin dans leurs pays d’origine et craignent de nouvelles violences. D’autant que quelques jours avant les élections, de violents combats ont éclaté à Conakry et ont fait une dizaine de morts.

Kina, étudiante habitant à Saint-Denis en banlieue parisienne , mariée depuis à peine un an, à la silhouette longiligne, se préparant à accueillir des invités, elle confie qu’elle redoute une nouvelle vague de violences. « Je crains de nouvelles violences en Guinée depuis belle lurette? A chaque élection présidentielle, il y a eu des victimes. Je pense que les candidats devraient dissuader la population à utiliser la violence et prôner la paix de même que l’unité nationale ». Même son de cloche pour Yamoussa Camara, jeune Sénégalo-Guinéen marié et père de trois enfants, bien habillé, qui travaille dans la communication. Pour lui, « peu importe l’issue des élections, des violences sont toujours à craindre en Guinée, en marge d’un scrutin ».

Craintes de nouvelles violences

« Durant ce scrutin, les hommes politiques utilisent l’appartenance ethnique et divisent une nation qui était une et indivisible; une élection au cours de laquelle les programmes mis en place par les candidats ont été bafoués au profit de l’appartenance ethnique, ce qui est regrettable pour un pays qui se dit vouloir être démocratique », précise Kina Doumbouya Diallo, surveillant la cuisson de son mafé (plat à base de pâte d’arachide). Elle a suivi la campagne et le premier tour des élections dont le Président sortant Alpha Condé est sorti vainqueur.

Déjà l’opposition a boycotté les résultats et a dénoncé des fraudes. « Boycotter ou pas !!! Il faut bien une personne à la tête du pays. En Guinée, nous sommes habitués au boycott. Ce qui est encore plus grave est que lorsqu’un Président arrive au pouvoir, il use de tous les moyens pour s’y éterniser et cela, quel qu’en soit les moyens : de force ou par la fraude ». Yamoussa Camara ainsi que sa femme vivant en France après un long séjour aux Etats-Unis ne comprennent pas « la décision de Cellou Dalein Diallo de se retirer du processus électoral bien avant la proclamation des résultats. Si le Président Alpha Condé est réélu, il y aura forcément deux mouvements : d’une part, ceux du système c’est-à-dire qui sont avec le pouvoir en place et d’autres parts les opposants, s’exclament-ils en cœur, leurs visages marqués par l’inquiétude. « Vu la situation actuelle du pays avec les clivages sociaux, je ne crains pas une révolte populaire à la burkinabé et un coup d’Etat par la suite; ce que je crains le plus en Guinée, c’est la révolte entre communautés ethniques. Car aujourd’hui, le problème ethnique a atteint un tel degré que je suis personnellement écœurée par les lectures, et les propos de certaines personnes qui se réclament Guinéens », déclare Kina affairée à ranger son salon avant l’arrivée de ses invités.

« Je pense qu’être Guinéen c’est d’abord aimer son pays; être Guinéen c’est aimer son peuple, peu importe la communauté ethnique; être Guinéen, c’est avoir le respect pour sa patrie, pour les communautés, pour le droit de vote; être Guinéen, c’est soutenir la démocratie. Or, sans peuple uni, pour moi, il ne peut y avoir de démocratie », s’exclame Kiné, le visage fermé par la colère.

Espoir d’une vie meilleure

La Guinée a organisé cette élection dans un climat politico-social particulier, notamment avec le virus Ebola qui a fait des milliers de morts dans le pays depuis son apparition en décembre 2013. Et cette pandémie est encore fraîche dans les mémoires. « J’attends du nouveau Président qu’il prenne ses responsabilités C’est-à-dire faire en sorte d’avoir les moyens nécessaires pour lutter contre cette maladie. Informer et sensibiliser la population sur les dangers et les précautions à prendre; organiser des sessions d’informations dans toutes les dialectes du pays pour que chacun comprenne enfin que nous devons tous lutter contre cette maladie ».

Malgré tout, les Guinéens de France gardent espoir. « Les choses vont s’arranger, le virus Ebola est en voie d’extinction en dépit des deux cas recensés la semaine dernière », martèle Moussa Kadouno, étudiant en droit à l’université de Saint-Denis, qui participait à un débat sur l’avenir de la Guinée à l’issue de la Présidentielle. Pour lui, les attentes sont grandes pour les Guinéens de France qui estiment que « peu importe le Président élu, il ne se souciera pas de la diaspora ». « J’attends du nouveau Président plusieurs choses : d’abord qu’il revoie la situation socio-économique du pays; transmette des messages de paix et de réconciliation nationale ; pour cela, il doit mettre en place un gouvernement d’unité nationale mettant en exergue les compétences de chacun »

Pour sa part, Khady Diallo, vendeuse dans un magasin de prêt-à-porter, souhaite avant toute chose une réconciliation nationale. « J’attends du président de la République qu’il soit le Président de tous les Guinéens car nous avanceront vers une véritable démocratie qu’en étant un peuple indivisible, une Guinée sans ethnie, dans l’amour, la paix et la quiétude sociale. Mais j’attends également de l’opposition qu’elle fasse preuve d’une certaine maturité politique et qu’elle transmettre également des messages de paix à leurs partisans, qu’elle dissuade les jeunes de sortir manifester dans les rues de Conakry à leur risque et péril », précise Khady Diallo qui n’est pas allé votée, car elle estime qu’en votant,« on accorde sa confiance à la personne à qui on souhaite confier l’avenir de son pays, l’avenir de la jeunesse et l’avenir de nos enfants. Je ne vote que lorsque j’ai la conviction que le programme du candidat correspond objectivement à mes attentes. Je ne vote pas par influence, ou par appartenance ethnique ».

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