Pour les pays du Golfe, l’Afrique ne se limite plus au Maghreb


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Les entreprises du Golfe arrivent en force sur le continent africain. Après avoir déferlé sur l’Afrique du Nord, elles sont de plus en plus nombreuses à se tourner vers le Sud.

Dubaï Ports World (DP World), l’un des leaders mondiaux de la gestion portuaire serait sur le point d’acquérir le port de Dakar, selon une information publiée au début du mois de juin dans la presse sénégalaise et relayée par la presse internationale. L’opération, dont le montant est évalué à 382 millions d’euros, porte sur la concession du terminal à conteneurs du port de la capitale, ainsi que sur sa modernisation. Deux autres candidats étaient en lice : le Danois Maersk, numéro un mondial des porte-conteneurs, et un consortium formé de l’association de CMA-CGM et du groupe Bolloré. Pour ce dernier, présent au Sénégal depuis 80 ans, il s’agirait d’un véritable revers.

Au-delà de l’anecdote, cet épisode est révélateur de deux tendances lourdes. La première, c’est la perte d’influence de la France en Afrique francophone. Le fait qu’une des compagnies françaises les plus « africaines » – Bolloré – se voit souffler un marché public stratégique – les concessions portuaires – dans un pays qui jadis fut le siège de l’AOF – le Sénégal – n’est pas anodin. La deuxième, c’est l’arrivée en force sur le continent des entreprises du Golfe.

Après avoir déferlé sur l’Afrique du Nord, celles-ci se tournent de plus en plus vers le Sud. Quel que soit le secteur considéré, les exemples ne manquent pas :

 Dans la téléphonie mobile : mégacession de Celtel, achetée en avril 2005, pour 3,36 milliards de dollars par le koweitien MTC ; rachat de la moitié du capital d’Atlantique Telecom par le groupe des Emirats Arabes Unis Etisalat ;

 Dans l’immobilier : cession en septembre 2006 du quartier commerçant situé en bord de mer au Cap (Afrique du Sud) au groupe de Dubaï Istithmar, allié pour l’occasion à un partenaire britannique (montant de l’opération : un milliard de dollars) ; réalisation de la future capitale sénégalaise confiée aux sociétés dubaïotes Damag et Limitless ;

 Dans la finance : le prince saoudien Al-Walid a constitué en novembre 2004 le fonds Kingdom Zephyr Africa (dotés de 100 millions de dollars, investis notamment dans des banques au Ghana, au Nigéria, ainsi que dans le groupe de télécommunications Sonatel) et en juillet 2005, en partenariat avec HSBC, le HSBC Kingdom Africa Investments qui réunira jusqu’à 400 millions de dollars pour l’Afrique subsaharienne ;

 Dans les médias : l’investissement de 25 millions de dollars nécessaire au lancement de CNBC Africa a été financé à 70 % par un consortium de Dubaï ;

 Etc.

Les pays du Golfe, il est vrai, exercent un véritable pouvoir d’attraction en Afrique auprès :

 des pays musulmans (c’est le cas au Sénégal, par exemple, qui accueillera en mars 2008 le 11ème sommet de l’Organisation de la Conférence islamique) ;

 des pays sahéliens (Dubaï et Abu Dhabi démontrent, chacun à leur façon, qu’un pays désertique n’est pas condamné au sous-développement économique) ;

 des pays pétroliers (les pays du Golfe mettent en place des mécanismes de bonne gestion de la manne pétrolière que certains rêveraient de voir être mis en œuvre en Afrique) ;

 des pays africains en général qui cherchent des modèles de développement alternatifs à ceux proposés par l’Occident ou par la Chine.

L’arrivée d’un nouveau challenger est une bonne nouvelle pour l’économie africaine, la concurrence se trouvant stimulée dans certains secteurs et suscitée dans d’autres. Mais au-delà de cet aspect général, deux éléments positifs, propres aux pays du Golfe, méritent d’être soulignés :

 ils ont une approche essentiellement « business » de l’Afrique : ils sont plus soucieux d’investissement que d’aide au développement (signe, si besoin en est, que l’Afrique est une terre d’opportunité économique) ;

 ils ne sont pas, contrairement à d’autres, focalisés sur le secteur des matières premières. Et pour cause, 1) ils disposent des réserves de pétrole les plus abondantes de la planète et 2) leurs économies [hors pétrole], fondées sur les services, sont peu consommatrices en matières premières de toutes sortes. Du coup, présents dans des secteurs tels que la finance, l’immobilier, la téléphonie mobile, les médias, etc., ils contribuent à une plus grande diversification des économies subsahariennes.

Au moins deux bonnes raisons de voir d’un bon œil l’arrivée des entreprises du Golfe sur le continent africain.

Michaël Cheylan, pour Cap Afrique

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