Plus de 2 millions de personnes menacées par l’insécurité alimentaire au Sénégal


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Pas moins de 2,1 millions de Sénégalais sont confrontés à une situation d’insécurité alimentaire imputable aux prix élevés des denrées alimentaires et aux mauvaises récoltes de 2007, selon une évaluation interministérielle.

Plus d’un million de personnes souffrent d’une insécurité alimentaire « grave », selon les définitions du rapport, et la situation risque de s’aggraver. Le Sénégal compte, au total, 11 millions d’habitants.

« La situation en matière de sécurité alimentaire et de nutrition pourrait s’aggraver davantage dans les prochains mois si la dynamique de hausse des prix ne change pas », selon le rapport.

Par conséquent, « les opérations d’urgence doivent se poursuivre et davantage de soutien doit être apporté à long terme aux populations vulnérables ».

L’étude, entreprise conjointement par les ministères de l’Agriculture et du Bétail, le Commissariat à la sécurité alimentaire, l’Agence nationale des statistiques et le centre public d’alerte précoce, couvrait 485 villages dans l’ensemble du pays.

Les plus touchés

À Sédhiou, Bignona et Oussouye, les régions les plus touchées, neuf ménages sur dix ont des difficultés à subvenir à leurs besoins alimentaires pendant la période de soudure ; huit foyers sur dix sont confrontés au même problème à Tivaouane et sept sur dix dans les régions de Rufisque, Tambacounda et Linguère, peut-on lire dans le rapport.

Si les produits alimentaires circulent en quantité suffisante dans les marchés, avec la hausse des prix, la majorité des personnes interrogées ont dit avoir de moins en moins les moyens de se les procurer.

En effet, la production agricole diminue depuis quelques années, d’après le rapport, c’est pourquoi il est « de plus en plus difficile pour la population […] de couvrir ses besoins alimentaires avec sa propre production ».

Le gouvernement attribue le nombre particulièrement élevé des personnes dans le besoin, cette année, aux mauvaises récoltes de 2007 (26 pour cent moins abondantes qu’en 2006), elles-mêmes dues aux pluies brèves et sporadiques observées dans un grand nombre de régions du pays, ainsi qu’aux crues qui ont eu lieu dans les régions de Matam, Kolda et Louaga.

Pas moins de 60 pour cent de la population du Sénégal vit en milieu rural et dépend de l’agriculture de subsistance et de l’élevage de bétail, deux activités qui reposent dans une bonne mesure sur l’abondance des précipitations.

Une vulnérabilité précoce

Selon Thierno Ndiaye, conseiller en moyens de subsistance chez Oxfam, une organisation non-gouvernementale (ONG), la période de soudure a débuté tôt cette année : les banques de céréales ont commencé à s’épuiser dès février, et non en juillet, à l’époque où débute habituellement la période de soudure annuelle.

« Même en mars, la situation commençait à être difficile, et les gens commençaient déjà à réduire leur nombre de repas quotidiens », a-t-il expliqué. Deux foyers interrogés sur cinq ont déclaré qu’ils se contentaient désormais de deux repas par jour, selon le rapport.

Les mesures

Le gouvernement a mis de côté 23,5 millions de dollars américains pour soutenir les communautés rurales touchées par le déficit alimentaire et prévoit de distribuer 50 000 tonnes de nourriture aux comités agricoles des zones rurales sur une période de trois mois, l’objectif étant de fournir trois kilos de riz à chaque habitant.

Néanmoins, bien qu’il ait publié ses conclusions, le gouvernement n’a pas déclaré l’état d’urgence.

Trois chefs de village interrogés sur dix ont dit avoir reçu une aide alimentaire, distribuée par des ONG pour les aider à faire face à leurs problèmes. « S’ils font état d’une insécurité alimentaire grave, ils ont dépassé la ligne rouge », a déclaré M. Ndiaye d’Oxfam, « mais le gouvernement ne veut pas déclarer l’état d’urgence, et cela empêche les ONG de prendre des mesures à grande échelle ».

Malgré tout, le Programme alimentaire mondial (PAM) collabore avec diverses ONG en vue de fournir de la nourriture à 30 000 enfants mal nourris âgés de moins de cinq ans, d’ici au mois de septembre.

L’agence souhaite fournir une aide alimentaire à 540 000 personnes entre septembre et la fin de l’année. Selon Aliou Dia, président d’une association d’agriculteurs ruraux, les rations actuellement distribuées par le gouvernement ne suffisent pas.

« Elles sont insuffisantes. Elles pourront peut-être soulager la faim des populations pendant quelques jours, mais nous avons besoin de réserves plus importantes pour passer la période de soudure ».

Et le gouvernement doit commencer à s’activer, ajoute-t-il, s’il veut achever les distributions d’ici au 20 août, comme prévu.

Les ministères concernés appellent à aider davantage les foyers les plus vulnérables en leur distribuant de la nourriture, en réapprovisionnant les banques de céréales des villages, en assurant de meilleures formations agricoles, et si besoin, en lançant des programmes d’alimentation scolaire.

Ils recommandent également que la situation soit régulièrement contrôlée par le système public d’alerte précoce.

De l’espoir

Le gouvernement a déjà considérablement augmenté ses investissements agricoles, selon M. Dia, puisqu’il a consacré 106 millions de dollars américains au secteur agricole en 2008, contre 58,8 millions l’année précédente.

Jusqu’ici, ces fonds ont servi à acheter et à distribuer des semences, à subventionner les engrais et les pesticides, et à renforcer les programmes de crédit ruraux pour tenter de stimuler la production dans l’ensemble du pays.

Cette mesure s’inscrit dans le cadre d’une initiative plus importante lancée à l’échelle du gouvernement dans son ensemble, baptisée la « Grande Offensive agricole pour la nourriture et l’abondance » (GOANA), et destinée à stimuler l’autonomie du Sénégal en matière de production alimentaire (le Sénégal importe actuellement la grande majorité du riz qu’il consomme).

Mais si la GOANA enthousiasme certains, d’autres sont plus sceptiques. « Théoriquement, il est possible d’atteindre ces objectifs [rizicoles], mais il sera sans aucun doute difficile de passer [d’une autosuffisance à] 20 pour cent à une autosuffisance à 100 pour cent, vu la tendance des 20 dernières années, marquées par une stagnation, voire une diminution des récoltes », a notamment déclaré à IRIN un expert agricole, lorsque l’initiative a été lancée.

À en croire certains, toutefois, l’injection des fonds commence déjà à porter ses fruits. « Le gouvernement a subventionné les semences à 70 pour cent cette année et celles-ci ont été livrées à temps.

Nous espérons même battre des records de production, si les pluies, qui ont commencé tôt cette année, se maintiennent à ce rythme », a indiqué M. Dia à IRIN.

En attendant, il appelle à apporter immédiatement une aide d’urgence accrue aux populations dans le besoin.

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