Plaidoyer pour les filles domestiques


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Le travail des filles domestiques est chose courante au Burkina Faso malgré tous les risques qu’il comporte. Un collectif d’associations et d’Ong, la Cobufade, a décidé d’en faire son cheval de bataille. Interview de Téné Kinda, coordonnatrice.

La Cobufade, Coalition au Burkina Faso pour les droits de l’enfant, est un collectif d’associations et d’Ong, nationales et internationales, dont la mission est centrée sur la promotion et la protection des intérêts des enfants. En ce moment, elle se bat contre ce qu’on appelle  » les pires formes de travail  » et plus particulièrement celui des filles domestiques. Téné Kinda, coordonnatrice de la Cobufade, revient sur les effets pervers de telles pratiques.

Afrik : Quel est l’âge moyen d’une fille domestique?

Téné Kinda : La majorité des filles domestiques se recrutent parmi les plus de 10 ans. Mais 2,6% des filles qui effectuent des travaux ménagers au Burkina ont moins de 7 ans. Certaines petites de 5 ans sont même recrutées pour garder les enfants, voire s’occuper des bébés.

Afrik : Combien d’heures travaillent ces  » employées  » et quelle est leur rémunération ?

Téné Kinda : Cela dépend des cas. Les filles qui vivent encore chez leurs parents, et donc qui y retournent à la fin de la journée, travaillent 10 heures par jour au minimum. En revanche, celles qui dorment chez leur patron travaillent environ 18 heures par jour. Il n’est pas rare qu’elles se lèvent à 5 heures du matin et se couchent vers minuit ou 1 heure. Quant au salaire mensuel, il varie généralement entre 4 000 et 6 000 francs CFA. Pour certaines filles qui ont de réelles qualifications, il peut aller jusqu’à 7 500 voire 10 000 francs CFA. Mais c’est extrêmement rare.

Afrik : Quels sont les risques qu’encourent ces  » petites bonnes « ?

Téné Kinda : Tout d’abord des risques liés au travail qu’elle accomplissent, à savoir des brûlures et des blessures diverses. Ensuite, beaucoup de ces filles subissent des violences morales. Elles sont soumises à une forte pression psychologique et sont régulièrement injuriées. La violence physique est aussi présente. Récemment, une fillette de 10 ans a été battue jusqu’au sang et a failli devenir handicapée. Il y a enfin les abus sexuels dont sont souvent victimes ces employées, surtout celles qui dorment chez un patron célibataire.

Afrik : Quelle est la position des parents ?

Téné Kinda : Les parents sont peu conscients des risques d’envoyer leur fille travailler dans une famille. De plus, ils sont contraints par la pauvreté. Le plus grave est que les fillettes sont souvent placées chez des parents censés les protéger mais qui, au contraire, leur font subir des violences. Par contre, une fois qu’on leur a exposé les risques, certains parents deviennent plus attentifs et assurent un suivi. Mais tous ne le font pas. Certaines enfin n’ont personne pour prendre soin d’elles. Beaucoup de filles domestiques sont seules, issues de l’exode rural. Ce sont les plus exposées.

Afrik : Quelle est le rôle de votre collectif dans le combat contre le travail des enfants?

Téné Kinda : Le groupe des enfants travailleurs est actuellement une cible privilégiée de notre programme d’action. Notre rôle est de pousser l’Etat à prendre des mesures adaptées en faveur de ces enfants. Nous allons d’ailleurs faire un plaidoyer pour les filles domestiques. C’est un sujet sensible car ici, tout le monde possède une petite bonne.

Afrik : Qu’attendez-vous de l’Etat ?

Téné Kinda : Qu’il agisse. Nous allons demander que le travail des plus jeunes soit tout simplement interdit. Et qu’il y ait des mesures d’accompagnement, que l’Etat propose des alternatives économiques et éducatives. D’autant plus qu’au Burkina l’école est obligatoire et gratuite jusqu’à 16 ans. Pour les plus âgées, à partir de 14 ans, nous réclamons des mesures de protection. Nous voudrions aussi que le gouvernement prenne des mesures pour permettre à l’enfant d’être écouté et qu’il propose un accompagnement juridique.

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