Ousman Danedjo, l’Afrique en bandoulière


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Ousman Danedjo
Ousman Danedjo

Ousman Danedjo a sorti son premier album, Enelmedio, dont il est l’arrangeur, le compositeur et le parolier. Ses textes, chantés en peul, wolof, bambara, espagnol, rendent compte de la richesse des cultures de l’Afrique de l’Ouest et disent son amour pour un continent qui a bouleversé sa vie. Interview.

Ousman Djanego, de son vrai nom François Glowinski, est un modèle d’intégration à l’envers. Au Sénégal, où il s’est rendu pour la première fois en 1994, à l’âge de 18 ans, sur une impulsion soudaine, il est chez lui. Il parle toutes les langues du pays, et même au-delà. Il joue aussi bien de la kora, l’instrument des griots, que du ngoni ou du Kalemngoni (la kora populaire). Il connaît les rythmes de la région sur le bout des doigts. Et cela fait déjà 12 ans qu’il s’est converti à l’Islam.

Dans un coin de terrasse parisienne, bien calé sur sa chaise, un casque collé aux oreilles, le voici penché sur l’écran de son iPod, en train de faire défiler les noms qui l’inspirent : Mohamed Niang, un mystique soufi, Sekouba Bambino, un virtuose de la musique mandingue, Salif Keïta, bien sûr, Baba Maal, le chanteur engagé, Sara Tavrez, une voix en or venue de Lisbonne. C’est que cet adepte du mélange des rythmes et des langues est sans cesse à la recherche du « ton juste ».

Afrik.com : Qu’est qui vous a poussé à vous immerger de la sorte dans la musique africaine ?

Ousman Danedjo : Le groupe Touré Kunda que j’ai découvert en 1994. Ça a été ma première fenêtre sur l’Afrique. Quelque chose d’inexplicable s’est passé en moi. Ça ma bouleversé. Je suis alors parti au Sénégal… Humainement j’ai senti des choses très fortes. J’y ai fait des expériences, des rencontres avec des gens qui sont devenus très proches de moi.

En même temps, pour moi, la musique est quelque chose de tellement universel. J’aurais très bien pu être Black en France, et avoir fait ce que j’ai fait. Je ne pense que les gens s’en seraient autant étonnés. Pour moi, la couleur de peau et quelque chose d’annexe. J’ai juste envie de toucher les gens avec la musique. Envie de faire passer de l’émotion.

Peut-on définir votre album comme une déclaration d’amour au contient ?

Je pense que Neneh Africa, le titre d’ouverture, résume assez bien ma volonté d’exprimer ma gratitude envers une terre qui m’a accueilli et « rééduqué ». Mais il y a des morceaux qui parlent de la foi, d’espoir, d’amitiés difficiles. Je dédie aussi le titre Sabou Nyumaya beaucoup d’artistes africains qui m’ont influencé. Quant à Enelmedio, c’est plus intimiste. Il parle de désillusion et d’amour.

Vous chantez aussi bien en Wolof, en Peul qu’en Bambara. Vous maitrisez les instruments et les rythmes africains comme un natif. C’est impressionnant.

C’est d’abord le résultat de 14 ans entre ici et le Sénégal. Pour moi, la langue va de pair avec la musique. J’avais envie de parler et de chanter ces langues. C’est le Wolof que je maîtrise le mieux. J’ai étudié le Bambara, ici en France, à la fac. Mais j’avoue que j’ai encore du mal avec le Peul, c’est une langue difficile.

Apprendre ces langues était pour moi quelque chose de très important, parce que ça me permettait de passer à une autre dimension dans mes rapports avec les gens. Et en tant que musicien, je suis quelqu’un qui travaille beaucoup avec l’oreille. C’est pour cela que cette musique me convenait, parce qu’elle se transmet oralement. Il n’y a pas de solfège.

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Dans le même temps vous revendiquez d’autres influences ? Pour votre album, vous avez choisi un titre en espagnol, plaqué des sonorités brésiliennes sur des rythmes Wolof, le jazz y est aussi présent. Est-ce une façon de vous émanciper de la musique africaine ?

J’avais envie d’en faire quelque chose d’autre, quelque chose de personnel. Je ne voulais pas m’enfermer, je voulais m’ouvrir sur le monde. C’est pour cela que j’ai volontairement fait cohabiter des sons et des rythmes différents. Pour le titre de l’album, c’est la même démarche. Je ne voulais pas donner un titre africain. Je n’avais pas envie d’être enfermé là-dedans.

Alors pourquoi utilisez-vous un pseudo africain, Ousmane Danedjo ?

C’est venu comme ça. Quand j’étais au Sénégal, les gens m’ont donné le surnom d’Ousmane. Et puis un copain sénégalais avec qui je faisais de la scène en France s’est mis à me présenter en tant qu’Ousmane. Je n’ai rien contre, ça me convient.

Ousmane, un prénom qui sied bien à un musulman. Comme vous. Parlez-nous de votre cheminement spirituel.

Je suis de père juif et de mère chrétienne. Mes parents n’étaient pas du tout portés sur la religion. Je me suis converti à l’islam parce qu’il se trouvait sur mon chemin. Cette religion m’a ému. Je me suis converti officiellement il y a déjà quelques années, en 1996, dans une ville sainte qui s’appelle Touba.

Un deuxième album en chantier ?

Oui, quelque chose de plus live cette fois-ci, avec moins d’instruments et moins d’arrangements. Un son brut, plus épuré quoique toujours avec les mêmes influences. Quelque chose de plus incisif.

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