Ordonnances béninoises cherchent médicaments


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Médicaments
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Médicaments trop chers, peu disponibles, concentrés dans les villes… Se soigner au Bénin est un vrai problème, que la politique pharmaceutique nationale n’a pas résolu. Pas plus qu’elle n’a éradiqué le marché parallèle de vente de médicaments qui se taille la part du lion.

85% des Béninois s’approvisionnent en médicaments sur le marché parallèle, selon les données de la Direction nationale de la protection sanitaire (DNPS) du Bénin. Un chiffre qui s’explique en partie par l’échec de la Politique pharmaceutique nationale (PPN) mise en place par le gouvernement en 1991 et révisée en 2000. Les objectifs de cette politique – assurer l’accessibilité géographique et financière des médicaments génériques sur tout le territoire, contrôler l’efficacité et la qualité des médicaments fournis et surveiller leur usage rationnel – sont malheureusement restés un peu grippés.

Une politique pharmaceutique grippée

« La plupart des résultats que nous nous étions fixés en 1991 n’ont pas été atteints en 2000. Notamment, la répartition géographique des médicaments. Les structures de distribution se trouvent en majorité dans les grandes villes », explique Jean de Matha Anani, directeur adjoint des Pharmacies et Laboratoires du Bénin (dépendant du ministère de la Santé publique).

Même constatation au syndicat des pharmaciens privés du Bénin. « Les médicaments ne sont pas suffisamment disponibles et la production locale est trop faible. Un prix passe du simple au double lorsqu’un médicament doit atteindre les zones reculées du pays. C’est intenable pour la population », analyse Ismahinl Onifadé, pharmacien-biologiste, vice-président du syndicat.

Prix à géographie variable

Une plaquette de paracétamol qui coûte dans les 85 FCFA à Cotonou passerait à 150 FCFA à 50 km de là et à 300 FCFA 300 ou 400 km plus loin. Le syndicat dénonce cette situation. « Les centres de santé publics sont devenus des centres d’affaires et de commerce. » La nouvelle politique pharmaceutique 2000-2004 met l’accent sur l’harmonisation des prix. Le ministère a notamment décidé d’afficher les prix réels des médicaments dans tous les centres de santé, afin d’éviter les dérapages de certains agents médicaux.

« Les médicaments reviennent toujours cher. Ils sont à 90% importés d’Europe », regrette Jean de Matha Anani. L’Etat passe ses commandes de médicaments par la Centrale d’achat des médicaments essentiels et des consommables médicaux (CAME) qui lance des appels d’offres internationaux et ravitaille les hôpitaux et les centres de santé. Les pharmaciens, eux, se sont regroupés en associations et importent les médicaments de différents pays (France, Italie, Belgique, Maroc).

« Nous offrons des médicaments moins chers et de bonne qualité mais nous ne recevons pas de subventions pour ouvrir des officines », se plaint Ismahinl Onifadé. Résultat : les pharmacies ne sont pas très répandues. On en trouve quatre-vingt environ à Cotonou et pas plus de deux ou trois dans les autres villes.

La solution pour que la population s’y retrouve : une coopération accrue entre le secteur public et le secteur privé. Depuis février dernier, les pharmaciens peuvent se ravitailler à la Centrale d’achat. « La CAME n’arrive même pas à couvrir 50% des besoins du pays. Il faut que les pharmacies prennent le relais », explique le vice-président du syndicat.

Médicaments inactifs

Seule une baisse du prix des médicaments pourra enrayer l’ampleur du marché parallèle. Une partie du marché Dantokpa de Cotonou est réservée au commerce de médicaments et engrange chaque année deux fois le chiffre d’affaires de toutes les pharmacies du Bénin. « Il y a eu complaisance du gouvernement pendant longtemps. Les marchands de médicaments viennent pour la plupart de Porto-Novo, la ville qui fait et défait les présidents. Personne n’a bougé mais aujourd’hui, nous travaillons avec le gouvernement pour éradiquer ce marché parallèle », explique Ismahinl Onifadé.

Une loi permet à présent de saisir la marchandise illicite et d’arrêter les vendeurs pris en flagrant délit. Ces derniers sont donc contraints à la clandestinité mais continuent leur commerce. Ils s’approvisionnent de diverses manières : vols d’officines, de centres de santé, d’hôpitaux – certains vont même jusqu’au Gabon pour subtiliser certaines préparations -, détournements de dons d’ONG, récupération d’échantillons gratuits offerts aux médecins. Les laboratoires clandestins nigérians fabriquent des médicaments inactifs qu’ils déversent sur le marché béninois par cet intermédiaire. « Ils vont jusqu’à copier les boîtes pour tromper les gens », note Ismahinl Onifadé

Les marchands de Dantokpa vendent au détail des médicaments souvent périmés. Des spots publicitaires montrant leur danger passent régulièrement à la télévision mais, au vu des prix pratiqués, la population continue de se servir chez eux…

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