
Depuis plusieurs années, le Maroc est engagé dans une montée en puissance militaire sans précédent, accélérant ses achats d’équipements de guerre dernier cri auprès d’alliés traditionnels comme les États-Unis, mais aussi en diversifiant désormais ses fournisseurs. La dernière étape en date de cette course à l’armement vient de Séoul.
Une délégation marocaine conduite par le ministre de l’Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, a manifesté un vif intérêt pour plusieurs systèmes sud-coréens parmi les plus avancés du moment. Cette frénésie militariste s’inscrit dans un contexte régional de plus en plus tendu, marqué notamment par la montée en puissance de l’armée algérienne, considérée aujourd’hui comme l’une des plus modernes d’Afrique.
Une armée marocaine en quête de puissance régionale
Le Maroc, traditionnellement allié aux États-Unis, à la France et à Israël en matière de défense, multiplie les contrats pour moderniser ses Forces armées royales (FAR). Face à une Algérie dotée d’une armée massive et technologiquement en avance, Rabat adopte une stratégie proactive pour combler l’écart. La récente visite officielle de Ryad Mezzour en Corée du Sud illustre cette volonté claire : diversifier ses sources d’armement pour ne pas dépendre d’un seul bloc géopolitique et accéder aux technologies les plus avancées disponibles sur le marché mondial.
Durant son séjour à Séoul, le ministre a rencontré les géants de l’industrie de défense sud-coréenne, notamment Hyundai Rotem, Hanwha Aerospace et Korea Aerospace Industries (KAI). Trois systèmes majeurs ont retenu l’attention du Maroc : le sous-marin KSS-III, le char K2 Black Panther et le système de défense aérienne Cheongung-II.
Une réponse à l’avance technologique algérienne
L’intérêt du Maroc pour le sous-marin KSS-III, doté d’une propulsion indépendante de l’air (AIP) et de capacités de lancement vertical (VLS), intervient dans un contexte de rivalité maritime accrue en Méditerranée occidentale. L’Algérie possède déjà une flotte sous-marine solide composée notamment de sous-marins russes Kilo de dernière génération. Le Maroc, en retard dans ce domaine, cherche à rééquilibrer les forces, surtout face à une Algérie qui investit massivement dans la dissuasion navale.
Le choix du K2 Black Panther, l’un des chars les plus modernes au monde, n’est pas anodin non plus. Capable d’opérer dans des environnements difficiles, doté de blindages de nouvelle génération et d’un système de tir ultra-précis, ce char pourrait permettre au Maroc de rivaliser avec les blindés russes T-90 et T-72 largement utilisés par l’armée algérienne. L’acquisition potentielle de ce matériel fait donc écho à une volonté assumée de parité militaire avec le grand voisin de l’Est.
Le système Cheongung-II, un bouclier anti-aérien et antimissile de moyenne portée, viendrait renforcer la défense stratégique du royaume, notamment contre d’éventuelles frappes de missiles balistiques. En face, l’Algérie dispose de systèmes russes S-300 et développe activement ses capacités de guerre électronique et de détection à longue portée.
Une inquiétude mal dissimulée face à Alger
L’accélération des achats d’armes par le Maroc ne fait aucun doute : c’est la montée en puissance de l’Algérie qui alimente cette stratégie. Avec un budget de défense qui oscille autour de 20 milliards de dollars sur cinq ans, l’Algérie s’est dotée d’équipements ultra-modernes grâce à ses relations historiques avec la Russie et la Chine. L’armée nationale populaire algérienne (ANP) dispose de drones d’attaque, de chasseurs Su-30, de systèmes de défense aérienne avancés, de satellites militaires et s’investit dans le développement industriel militaire local.
Rabat, bien que disposant d’une armée plus réduite, cherche à compenser cet écart par la qualité et la technologie, quitte à multiplier les fournisseurs. L’accord de coopération militaire avec Israël, les livraisons régulières de F-16 américains modernisés, les chars Abrams, et aujourd’hui les ouvertures vers la Corée du Sud sont autant d’indices d’une militarisation croissante dictée par la peur d’un déséquilibre stratégique durable.
Ces milliards dépensés dans un contexte d’austérité
Cette course effrénée à l’armement a lieu dans un pays marqué par des inégalités sociales persistantes, des tensions régionales (notamment dans le Rif et au Sahara) et une jeunesse confrontée au chômage et à l’émigration. Sans compter que le roi Mohammed VI impose à ses concitoyens une politique d’austérité. Normal que ces milliards dépensés en équipements militaires suscitent des critiques.