Nous ne prêterons pas serment sur le Coran


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Le conseil constitutionnel nigérien a voté une loi imposant aux magistrats et membres des bureaux de vote de prêter serment sur le Coran, avant de prendre fonction. Une loi qui va à l’encontre de la laïcité qui régit la République, se plaignent les magistrats qui refusent de la signer. Un arrêté qui est consommé d’avance, répond le gouvernement.

Les magistrats nigériens refusent de prêter serment sur le Coran. Ils marquaient leur désapprobation, le 14 avril dernier au Conseil syndical, face aux deux arrêtés sur le serment professionnel, votés par la Cour Constitutionnelle et applicables à partir du 29 mai prochain. Motif : la République nigérienne est régie par la laïcité et dans les faits, une telle pratique serait anticonstitutionnelle. Ce dont se défend le gouvernement pour qui ce motif « ne tient pas la route ».

Les magistrats au Niger ont un pouvoir de surveillance dans la régularité des élections. Or le 29 mai prochain, se dérouleront les élections locales nigériennes. Pour eux, cette loi vise à diminuer leurs prérogatives, parce que le gouvernement les soupçonne « injustement de rouler déjà pour un camp politique ». « Ce qui est archi-faux », ajoute un des hommes de loi qui a requis l’anonymat. Comme preuve de leur bonne foi, un autre magistrat, de la capitale, rappelle « l’honnêteté » dont ils ont toujours fait preuve depuis leurs toutes premières organisations d’élections. Pour Maty El Hadji Moussa, ministre de la Justice, garde des sceaux et chargé des relations avec le parlement, cette loi ne serait là, que pour « prévenir les conflits électoraux ». Et, de poursuivre qu’elle est « impersonnelle et ne vise pas les magistrats ».

Prendre Dieu à témoin

Si les magistrats s’opposent autant à ces arrêtés, c’est aussi parce que, selon eux, la classe politique les obligerait à prêter serment sur un seul livre Saint : le Coran. Alors qu’il y a des non musulmans parmi eux. Ainsi, le symbole de la laïcité qui régit le pays ne serait plus observé. Faux, répond le ministre de la Justice, qui parle d’une «promesse solennelle qui pourra être faite sur le livre Saint de différentes confessions ». Donc théoriquement sur le Coran, la Bible ou la Torah.

Composé à 80% de musulmans, le Niger est un pays où l’islam constitue la religion dominante. D’où ce doute des magistrats. Le but affiché d’une telle loi est de lutter contre les fraudes. Un argument religieux pour placer les magistrats face à leurs responsabilités. Et placer tous ceux qui seraient tentés de mentir à Dieu devant un cas de conscience.

La loi est la loi

Ils rappellent le huis clos qui a entouré la naissance de la loi. Tout a été décidé sans leur accord, « parce que la classe politique croit que nous voulons rentrer dans l’arène politique, ce qui n’est pas du tout le cas », rappellent-ils. Au mois de novembre 2003, mis au courant de l’imminence de ces deux arrêtés qui imposeraient le serment sur un livre Saint, ils décident de faire entendre leur voix en s’y opposant : lettres, mails,… Rien n’y a fait. Ils disent toujours avoir du mal à comprendre pareille décision qui, selon eux, montre le « mépris, la méfiance et l’ingratitude » des dirigeants à leur égard. Du côté du ministre de la Justice : « ces deux arrêtés ne les visaient pas, ils se sont singularisés ».

Le dialogue de sourd n’aura pas lieu. En effet, la victoire va du côté de la loi. La Cour Constitutionnelle, la plus grande instance juridique du pays, a déclaré la loi valide et un arrêté a été rendu en ce sens. Pour Maty El Hadji Moussa, la composition de ce corps formé de gens de greffiers, de juges (…) donc de citoyens représentant le peuple, la rend « non négociable ». Et, d’ailleurs, elle est déjà « publiée au journal officiel », ajoute-il. Comme elle est validée, elle sera appliquée, car, au « non » des 150 magistrats, s’opposerait le « oui » des 11 millions de citoyens.

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