Nadège Beausson-Diagne : du jeu et des actes


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Jeune fille aux mœurs légères, journaliste maltraitée ou encore officier de police, toutes ces femmes ont une chose en commun. En la personne de celle qui leur donne vie. Elle, c’est Nadège Beausson-Diagne. Rencontre avec une jeune actrice qui n’a pas sa langue dans la poche.

La demoiselle était en rose, ce samedi après-midi là, pour parler d’elle. De la femme, de l’actrice noire de peau qu’elle est. Mais surtout de l’actrice, qui des autres ne cesse de s’inspirer. Jouer pour Nadège Beausson-Diagne, est une vocation. « Depuis l’âge de 10 ans, je savais que je voulais être actrice. C’était très clair, le cinéma est une passion. Ce que je relisais d’ailleurs tout récemment dans mon journal intime. J’ai vraiment une culture de cinéphile ». Mademoiselle Beausson-Diagne sèche même les cours pour se livrer toute entière à son plaisir, tendue vers une carrière artistique, qui semble-t-il, est inexorable. Elle commence la danse à 4 ans, la musique à 9 et le théâtre à 15. Elle obtient d’ailleurs le second prix au Conservatoire national d’Art dramatique de Créteil. Avec le soutien sans faille d’une mère et d’une famille, qui partagent avec elle sa joie d’exercer son métier de comédienne.

Théâtre donc, mais cinéma aussi. En 1997, elle joue dans Saraka Bô, sa première véritable expérience au cinéma, sous la direction de Denis Amar. Entre le théâtre et le cinéma, son cœur ne se balance pas, il se partage. « Pour moi, c’est le même travail ! C’est le même métier, et c’est le même plaisir de jouer. Néanmoins au théâtre, il y a le contact avec le public, il y a un retour ! ». Et le théâtre lui réussit bien. En lui offrant, par exemple, en 2003, un rôle magnifique avec La Femme fantôme, mis en scène par l’Anglais Michael Batz. Elle incarne une journaliste persécutée dans un pays africain et maltraitée en Angleterre où elle demande l’asile. Dans cette pièce, la comédienne campe au total 35 personnages, à savoir la journaliste traquée et ses multiples bourreaux et rares bienfaiteurs. Sa performance est unanimement saluée.

Se créer des opportunités

Comme elle le fût à la sortie en 2002, en France et en Afrique, du film du jeune réalisateur gabonais Henri-Joseph Kumba Bididi. Une révélation. Dans les Les couilles de l’éléphant, où le monde politique gabonais est passé au vitriol, elle incarne Wissi. La jeune donzelle vit de ses charmes qu’elle monnaie au plus offrant. « C’est hallucinant !, se souvient-elle. Quand je suis arrivée au casting, j’ai senti que pour le producteur, c’était moi et que de mon côté j’étais faite pour ce rôle ». Le film va changer sa vie d’actrice. « Il m’a donné la légitimité d’une Africaine en Afrique, m’a ouvert de nouvelles portes. » Mais Nadège travaille en France, son pays, en dépit de ses origines ivoiro-sénégalaises.

Quelle est sa place d’actrice noire dans cette industrie française du cinéma ? C’est parfois un double handicap pour Nadège Beausson-Diagne. Femme, déjà, et noire en plus. « C’est difficilement que l’on vous attribue un rôle…disons « normal ». A quelques exceptions près, il doit toujours être justifié (exemple dans L’un reste, l’autre part, le dernier film de Claude Berri, la comédienne Aïssa Maïga interprète le rôle d’une jeune femme noire qui travaille dans une galerie spécialisée dans l’art africain, ndlr). J’en ai marre d’attendre des rôles ! Et donc je me suis mis à l’écriture avec Samuel Tajinage et je travaille sur plusieurs autres projets avec notamment Kadie Bah. Il faut que nous écrivions et réalisions des films nous-mêmes, même avec des petits moyens. Des projets dans lesquels nous prendrons l’initiative de mélanger des stars et des jeunes talents d’horizons différents. Autrement, c’est trop de déprime, trop énergie gâchée parce qu’on a l’impression que, d’une certaine manière, l’esclavage continue ». Dans cette optique, les quotas constituent pour la comédienne une véritable opportunité, à condition d’en profiter. « C’est maintenant ou jamais ! ».

Impertupable Nadège

Ce n’est pas de la revendication, c’est un simple constat, selon Nadège Beausson-Diagne. Elle qui ne serait pas, paradoxalement, assez « typée africaine » pour certains directeurs de casting. « Ce que je ne comprends pas, affirme-t-elle amusée, c’est que je ne sois pas assez typée pour ces derniers alors que des réalisateurs africains font appel à moi. Mais non ! Pour les directeurs de casting en France, je suis Antillaise, Américaine, tout sauf Africaine… Heureusement pour moi, les rencontres se font autrement et j’ai surtout un bon agent ». Entre des directeurs de casting, aux critères quelque peu rigides, et des réalisateurs africains qui n’osent pas faire appel aux acteurs de l’Hexagone de peur d’être snobés, Mademoiselle Nadège poursuit donc son petit bonhomme de chemin. Apparaissant ainsi dans Podium(2004) de Yann Moix, où dans une sérié télévisée, P.J, diffusée sur la chaîne publique France 2.

Et, elle joue actuellement (jusqu’au 26 mars, ndlr) dans la pièce Fragments d’humanité, toujours sous la direction de Michael Batz. En avril, elle se retrouvera sous le ciel gabonais pour terminer des épisodes de la première série policière africaine, Inspecteur Sori. Elle y retrouvera son partenaire dans Le silence de la forêt, Eriq Ebouaney. Aussi, avec tout ceci, Nadège Beausson-Diagne ne pourra pas dire, le 18 juin prochain, lorsqu’elle soufflera ses trente-trois bougies, qu’elle n’a rien fait pour assouvir sa passion du cinéma. Et heureuse, elle continuera de jouer – on n’en doute pas un seul instant – le rôle titre de sa vie en rose.

 Fragments d’humanités se joue au TILF

TILF : 211, avenue Jean Jaurès

75019 Paris

Jusqu’au 26 mars

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