Moussa Yoro Bathily et la jeunesse du Sénégal


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Avenue des sables

Le touche à tout de la littérature sénégalaise raconte dans  » l’Avenue des sables « , la jeunesse des quartiers défavorisés de Dakar. Epopée sociale des gosses de rue, entre humour canaille et tragédie.

Moussa Yoro Bathily est journaliste et cinéaste, il est aussi romancier. Dans ces trois disciplines, il pratique le même talent : l’attention au réel, à la vie des sociétés africaines contemporaines, la description, d’après nature, du quotidien des habitants de Dakar ou des campagnes d’Afrique de l’Ouest. Son roman «  l’Avenue des Sables « , publié en 1998, s’est attiré le Premier Prix Unesco-ACCT-Aschberg, décerné par le Comité artistique international de l’Unesco, avec le concours de l’Agence de la Francophonie.

Il y a des lecteurs avisés qui fuient les livres qui reçoivent des prix littéraires, tant les lauréats sont suspects de banalité et de conformisme. Le roman de Moussa Yoro Bathily vient heureusement démentir toutes les préventions de ce type : il nous présente au contraire une perfusion de vie, avec la franche brutalité et la joyeuse débauche d’énergie que peut représenter l’existence d’une bande de jeunes dans les quartiers populaires de Dakar…

Le livre est une course, en même temps qu’un destin, joué entre des personnages hauts en couleurs : « Je cours, je ne sais plus depuis combien de temps. Je cours pour enlacer les images du passé. Grand-père, Mère, mes soeurs, les gars, les images tourbillonnent dans ma tête… On ne naît pas impunément dans un bidonville. La vie, dans un raccourci saisissant, vous force à choisir… Voyou ou larbin… »

Ainsi lancée, l’aventure n’est plus seulement une galopade de galopins. C’est une chevauchée existentielle, l’épuisante et exaltante tentative de construire un destin personnel, sur du sable, et dans la boue, avec le groupe et grâce au groupe, derrière le chef, le Grand Ndiaga, qui tranche quand la bande se divise. Théâtre familier et indulgent des dérives successives du héros, l’Avenue des Sables est son quartier et son domaine : « L’Avenue des Sables nous appartient. Rien de ce qui s’y passe ne nous est étranger… Si j’en avais les moyens, je circonscrirais le périmètre de miradors, de fils électrifiés, de chiens de garde… »

Echec du vol du train postal, vols réussis de voitures, courses poursuites avec la police et fessées maternelles, films qui passent dans les salles obscures, héroïsme sportif au sein de l’équipe de football, aventures de la Mère, dont les amants ne veulent pas d’enfant, et sagesse musulmane et tolérante du Grand-Père… Tout passe comme une cavalcade, et le verbe court aussi vite que les jambes des jeunes insoumis, avec la même vélocité et la même brutalité souvent.

Et puis, fin de la course, la police, l’arrestation de la bande… Le sentiment d’abandon et d’être abandonné. L’histoire s’achève… Et laisse son lecteur le souffle coupé, aussi égaré et désorienté que le héros. Y avait-il un sens à cette équipée sauvage ? Peut-être pas : il suffit qu’elle ait été. Cela s’appelle la vie.

Edition 1998

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