Mormeck-Haye : la chute d’un titan


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Olivier Bonine à l'oeuvre

Foule des grands jours samedi 10 novembre 2007 au Palais des Sports Marcel Cerdan de Levallois, dans la périphérie de Paris. Jean-Marc Mormeck y remettait en jeu ses deux ceintures de champion du monde WBC et WBA des lourds-légers. L’anglais David Haye, tout en puissance et en élégance, les lui a prises en 7 rounds.

Tout avait pourtant bien commencé, dans un Palais des Sports Marcel Cerdan archi-comble, après une série de combats intéressants, et pour certains émouvants : Olivier Bonine avait d’abord eu raison de Nuno Cruz dans la catégorie des poids légers, au terme d’un beau combat à la fois noble et disputé…

La détermination entêtée d’Ali Chebah

Puis on avait assisté par exemple à un combat très déterminé où le français Ali Chebah avait eu raison à l’endurance du brésilien Wellington de Jesus, les frappes d’Ali faisaient mouche, il était sans cesse en mouvement, à la fois impossible à atteindre pour Wellington de Jesus et suffisamment mombile pour décocher des coups efficaces…

Le talent de Souleymane Mbaye

En demi-finale mondiale WBC des poids super-légers, Souleymane Mbaye et le panaméen Ameth Diaz venait de se livrer un combat à la fois intelligent en engagé, stratégique et physique à la fois. Une belle boxe, animée, bourrée de talent et de réussite. A la quatrième reprise, alors qu’il dominait progressivement son adversaire, Souleymane Mbaye l’avait emporté, sur arrêt de l’arbitre, après blessure à l’arcade sourcillière d’Ameth Diaz, sonné.

Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes pour un public comblé où Levallois voyait triompher ses enfants, ou ses idoles.

Enfin Mormeck vint

Le combat suprême, ce samedi soir, à Levallois, c’était Mormeck-Haye. Jean-Marc Mormeck contre David Haye. Du côté de Jean-Marc Mormeck, 35 ans, 33 victoires (dont 22 avant la limite), 3 défaites seulement. Afrik.com avait suivi et raconté son dernier combat, à Levallois déjà, contre le Jamaïcain O’Neil Bell : un long combat, longtemps indécis, où la pression était montée jusqu’à la dernière seconde. Boxeur puissant, massif, endurant, Mormeck avait finalement eu raison des rodomontades impudentes de son adversaire. Non sans encaisser aussi.

Face à lui David « Hayemaker » Haye, 26 ans seulement, 19 victoires, dont 18 avant la limite, et 14 dans les trois premiers rounds. Une défaite seulement. Lors de son dernier combat, le 27 avril 2007, il a battu le polonais Tomasz Bonin par KO technique au 1er round. Plus grand que Mormeck, moins massif mais aussi puissant, plus véloce mais probablement moins capable d’encaisser, David Haye est aussi un beau gosse souriant que les photographes britanniques aiment à prendre pour mannequin. Le combat contre Mormeck est pour David Haye le plus grand défi de sa carrière : il peut devenir le double champion WBA-WBC des lourds-légers.

Deux rounds d’observation

Les deux premiers rounds sont équilibrés. Mormeck se couvre bien, il tourne beaucoup, il attaque par des actions précises qui portent à plein, Haye est surtout actif en contre, mais il réussit également certaines frappes. Il se dégage de Mormeck une impression de puissance tranquille, on sent qu’il va dérouler une rencontre au long cours avec régularité, et le camp de Mormeck prend de l’assurance. L’adversaire est à sa portée.

Un troisième round offensif

Le troisième round est celui de l’assaut. Même si Mormeck n’en fait pas trop et ne se fatigue pas, chaque frappe est efficace, et les grandes enjambées de Haye se font plus nerveuses. Même s’il garde son apparence flegmatique, on sent dans quelques regards qu’il est accroché, qu’il doute, que les choses ne se déorulent pas tout à fait comme il s’y attendait. Il ne parvient pas à fatiguer Mormeck, au contraire c’est lui qui est contraint d’encaisser.

Le quatrième round aurait pu être le dernier

Le rouleau-compresseur Mormeck s’est mis en marche : les coups pleuvent sur Haye, qui prend successivement un crochet gauche, puis droit. David Haye vacille, Mormeck poursuit, l’Anglais rebondit dans les cordes et tombe à terre. L’arbitre le compte… Mais il repart. Dans les instants qui suivent, Mormeck est prudent, ne se précipite pas pour profiter de son avantage… Il ne peut le savoir, mais il laisse filer en cet instant le sort du match.

Le cinquième round reste à l’avantage de Mormeck, c’est lui le plus audacieux, le plus engagé, il va chercher les points, il déstabilise Haye, il reste protégé et contre efficacement avec sa droite. A plusieurs occasions il tente d’enchaîner les coups, mais Haye se protège et réplique. Imperceptiblement, même si Mormeck domine le ring, le rapport de forces s’inverse…

Un sixième round de récupération

Les deux titans sont fatigués, le sixième round marque une forme de repli pour chacun d’eux, ils restent très couverts, calment leurs offensives, ne prennent aucun risque. Mormeck donne le sentiment de s’économiser afin de porter les coups décisifs lorsqu’il aura retrouvé sa pleine puissance de tir, en même temps il semble moins concentré. Haye est toujours flegmatique, attentif, mobile. Lui aussi attend son heure.

Fauché au septième round

Le septième round va apporter la victoire à Haye. Mormeck a décidé d’emporter vite la décision, il entame une attaque, se retire, revient à l’assaut… Et Haye le contre violemment d’un uppercut du droit. Le coup est brutal, à assommer un taureau. Mormeck encaisse. Mais Haye sent la faille, ne rate pas l’ouverture, il enchaîne les coups et une large droite atteint Mormeck sur le côté du crâne alors qu’il est baissé. Comme un titan soudain déstabilisé, il s’effondre au sol de tout son long. Péniblement, il se relève, l’arbitre l’observe, réfléchit quelques secondes, et arrête le combat. Haye triomphe.

La double ceinture de champion du monde WBA et WBC a changé de propriétaire. David Haye reste alors longuement sur le ring, après le départ de Mormeck, qui répond encore aux questions des commentateurs sportifs de CANAL+. C’est la BBC qui interviewe le champion anglais. Le public, pendant ce temps, vide lentement les tribunes, comme s’il était lui-même sonné par le choc que vient d’encaisser son héros.

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