Miss Soninké France 2005 reçoit le prix Sia Yatabaré


Lecture 5 min.
Monsieur Magassy

La deuxième édition du concours de beauté Miss soninké France se tiendra ce samedi à Paris. Le jury de l’événement remettra à la lauréate le Prix Sia Yatabaré, du nom du personnage central d’une des grandes légendes soninké. Afrik.com, avec l’aide des griots maliens M. Magassy et Tuntu Diabaté, est remonté aux origines de cette histoire.

Par Sandrine Desroses

Le concours Miss Soninké 2005 remettra, ce samedi à Paris, à l’heureuse lauréate le prix Sia Yatabaré, référence à une légende ancrée dans l’imaginaire collectif soninké. Une des grandes communautés ouest-africaines, s’étalant sur trois pays du bassin du fleuve Sénégal ( Mauritanie, Mali et Sénégal), dont l’histoire remonte au IIième siècle de notre ère.

Selon la version la plus moderne de la légende, l’Empire du Ghana (ou Wagadou selon l’appellation d’origine, ndlr) était marqué par son allégeance au dieu serpent ou Bida auquel on sacrifiait, une fois par an, la plus belle vierge de l’empire. « La jeune fille devait être la plus belle des plus belles pour avoir l’honneur de porter, par son offrande, la prospérité annoncée d’une nouvelle année ». Sia Yatabaré, reine de beauté de l’empire Wagadou, serait la seule à avoir échappé à son destin. Sauvée in extremis par son fiancé de l’emprise du serpent en en coupant les 7 têtes. La survie de la jeune fille a plongé l’empire dans la pauvreté et la sécheresse. Le concours s’inspire de cette trame en attribuant un prix du nom de la rescapée, en lui ôtant son côté sacrificiel. Mais retour sur les détails de l’histoire…

L’histoire de l’empire Wagadou remonte au IIème siècle de notre ère. En ce temps là, l’Empire était en grande partie peuplé par les Soninkés. Son côté particulièrement fertile lui a valu le surnom de « Terre d’Or ». A l’origine, le nom de Sia Yatabaré est en fait Kaïra. C’est à la suite de cette histoire que la jeune fille prendra le nom de Sia Yatabaré.

Offrande au dieu serpent

A l’époque, l’Empire de Wagadou devait sa prospérité à un pacte passé entre l’Empereur et l’esprit malin, qui apparaissait aux humains, la nuit, sous la forme d’un serpent à sept têtes du nom de Bida. C’était lui le gardien du puits. Pour obtenir de l’eau et garantir la prospérité de son empire, c’est à lui que l’Empereur devait offrir la plus belle d’entre les jeunes filles vierges de la région, et ce tous les sept ans. Selon les ancêtres, Bida était à la fois pourvoyeur d’eau et d’or.

Ainsi, l’empereur envoyait ses hommes, « les prêtres de la forêt », à la recherche de la perle rare, celle qui ferait aussi bien le festin du serpent que la prospérité du pays. Une quête de sept longues années au cours desquelles ces hommes ont parcouru d’innombrables kilomètres pour finalement trouver Sia Kherenté Kaïra, fille de Tapissi Magkandillé Kaïra. (Pour la petite histoire, cet homme doit son nom à son tempérament particulièrement audacieux. « Tapissi Magkandillé Kaïra » signifie « celui qui s’assied sur la peau du lion ». C’est lui qui est parvenu à abattre les sept lions qui barraient la route entre Kombi et Wagadou.). C’était un grand honneur pour les familles que de pouvoir donner un de ses membres en offrande au serpent du puits, et d’être par la même occasion associées au bien-être du pays.

Honneur du sacrifice

Tout le monde s’affaire autour de l’élue dont il s’agit de sublimer les atouts, comme lors des préparatifs d’une cérémonie de mariage. Il en va de l’honneur de la famille de mettre les formes pour que la jeune fille convienne au serpent. Car, selon la légende, si le serpent ne trouvait pas la jeune fille à son goût, il serait capable de maudire sa famille et de faire sombrer le pays tout entier dans la sécheresse et la pauvreté.

Arrive la nuit du sacrifice. On amène la jeune fille devant le puits sur le dos d’un chameau blanc. L’élue est parée des plus beaux bijoux, entièrement vêtue de blanc, déjà symbole de pureté. Les griots Guesséré assurent l’accompagnement musical et jouent des percussions, les chanteurs chantent à la gloire de la famille qui vient offrir son enfant au serpent Bida.

Soudain le serpent sort sa tête du puits. Il s’apprête à dévorer la jeune Sia lorsque surgit le fiancé de la jeune fille, armé d’un coutelas. Opposé au sacrifice de sa bien-aimée, il tranche le cou de l’animal. Bida sort une autre de ses têtes, que le jeune téméraire s’empresse de découper avec la même dextérité. Puis une troisième tête, une quatrième…jusqu’à la dernière devant laquelle notre héros ne tremble pas. C’est finalement « Mamadi le taciturne », comme le surnomme la légende, qui a raison du dieu sanguinaire.

Déclin de l’Empire et dispersion de la population

Les suites de ce sauvetage ne se sont pas faites attendre. Mamadi, maudit par le serpent, est contraint à l’exil. Par chance, sa mère était une femme nantie. C’est elle qui, pendant les sept années qui ont suivi le sauvetage de Sia, a pu subvenir aux besoins de l’Empire et a su faire face à la malédiction du serpent. Mais au-delà de ces sept ans, que on assista au morcellement de l’Empire Wagadou dont la survie de la jeune fille a engendré le déclin, le laissant en proie à la pauvreté et à la sécheresse, ainsi que la dispersion de la civilisation soninké dans toute la sous-région de l’Afrique de l’Ouest.

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News