Misère de l’Université camerounaise


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On a envie de rire de ce streap tease permanent auquel se livrent les « professeurs agrégés » qui, au lieu de se consacrer à la tâche extrêmement noble d’éduquer la jeunesse du Cameroun, passent leur temps à faire du charme à la part la plus basse de l’opinion et des politiciens. Mais le sujet est bien trop grave pour en rester là. Il fut une époque où les universitaires se consacraient à la mission magnifique de fournir à la jeunesse les clefs de l’avenir, de donner à la Science et d’enrichir l’environnement moral du pays. En cela, ils poursuivaient la longue route tracée depuis longtemps par les hommes et les femmes qui ont créé l’institution de l’enseignement supérieur et de la recherche. On pourrait citer parmi les fonctions dévolues à l’enseignant-chercheur, à peu près universellement : 1/ Permettre à chaque étudiant d’atteindre son niveau d’excellence ; 2/ faire progresser les connaissances ; 3/ adopter les savoirs d’aujourd’hui à l’esprit et à l’environnement de demain ; 4/ maintenir le savoir en veille ; 5/ faire progresser l’esprit civique ; 6/ accentuer l’ouverture de la société au monde. Si un homme voulait apporter quelque chose à la collectivité, depuis l’Université, il y aurait largement de quoi remplir une carrière et même une vie, tant les défis y sont considérables.

On trouve encore, heureusement, des universitaires qui se consacrent à la Science ; mais ce n’est pas ceux-là qu’on entend le plus. On voit de drôles de choses à l’Université au Cameroun ! C’est la nouvelle donne, qui a tout de même quelques traces structurées dans le passé récent du pays. Cela dit, dans ce théâtre surréaliste, il y a un cas qui mérite qu’on s’y arrête cinq minutes. Il faut imaginer un enseignant de l’université de Douala, plein d’ambition pour lui-même, aucune pour la science et encore moins pour le pays, et qui en guise d’objet de spécialisation choisit la défense et la protection des minorités et des peuples autochtones. Avec une thèse centrale : au Cameroun, il y a des Victimes, les « autochtones » qui sont agressés chez eux ; il y a des Coupables, les « allogènes » qui envahissent les autres chez eux. Et une méthode de travail privilégiée : le tapage, l’invective, la bravade et la courtisanerie. On est d’accord que la trouvaille du chercheur est particulièrement low cost ; mais il faut bien admettre que les retombées symboliques – voire matérielles – de son truc peuvent être d’une certaine ampleur dans l’opinion et chez nombre de pyromanes parmi les élites de ce pays.

On veut bien imaginer un professeur qui aurait une grande sensibilité sur les questions de développement de sa communauté d’origine, se battre – en toute légitimité – pour la valorisation des biens ou des faits culturels de celle-ci, dont les avantages comparatifs sur les autres seraient sûrs. Les Douala ont pour eux la plus belle langue du Cameroun, une créativité musicale admirée et enviée de tous, la côte et l’accès à la mer, une histoire romantique, un art de vivre secrètement jalousée par beaucoup ; ce peuple n’a certainement pas besoin d’être victimisé, donc insulté ! Voir un juriste, donc un homme disposant a priori d’un peu de culture générale, fanfaronner avec le soutien que les Nations-Unies accorderaient à sa cause de « protéger » des minorités – notion restée floue, malgré le tapage du « chercheur » –, fait songer à ce proxénète qui irait toquer à la porte des dames de sa connaissance, pour leur demander l’autorisation d’embaucher leurs filles dans sa nouvelle maison close, au motif que son activité serait légale. Il y a quelque chose d’irréel dans cette démarche qui tourne le dos au bon sens. Il ne faut tout de même pas avoir passé son Agrégation de droit quelque part là-bas à Cotonou ou à Lomé, pour savoir que l’ENERGIE qui aide au développement vient essentiellement de cette confrontation, de cette compétition bien ordonnée entre les nombreuses forces vives d’une nation.

La science n’a jamais suffi à arracher un homme au fanatisme ; mais lire un ou deux livres d’histoire, particulièrement de l’histoire économique, permettra à ce monsieur qui dispense – hélas ! – des cours à de jeunes Camerounais, de mettre au moins la forme à son propos insignifiant. Qui sait, peut-être apprendra-t-il que, c’est à cause de la très grande tranquillité des anciens habitants du Rio dos Camaroes, qui vivaient paisiblement dans des villages d’autochtones, que les Colons avaient facilement pénétré les terres du futur Cameroun. Mais peut-être est-ce de cet envahissement-là dont rêve le professeur. Parce que ces allogènes (européens) qui venaient de très loin, et contrairement à ceux qui descendent de Garoua, de Bafoussam ou de Bertoua, eux au moins ils respectaient les autochtones Duala ! Il s’agit là d’une bêtise profonde au plan intellectuel, et d’une folie pour ce qui est de la construction politique du Cameroun.

Voilà un professeur d’université nostalgique de l’époque où personne ne venait déranger personne dans son village. Il est consternant de voir un tel niveau de vulgarité endosser des responsabilités sur la jeunesse du pays. Le professeur n’a pas digéré la rupture qu’a constitué le passage à la société politique, c’est-à-dire à la république. Pour faire comme ce responsable de département (sic), et écrire au Chef de l’Etat dans le but de désigner les coupables du problème camerounais, voici une missive courte. Monsieur le Président, veuillez combattre cette mauvaise plaisanterie qui court au Cameroun : « Je suis agrégé, donc je suis. »

Raoul Nkuitchou Nkouatchet

Conseil en relations industrielles

Président honoraire du Cercle Mont Cameroun, Paris

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