Milk Coffee and Sugar : « Le rap, c’est notre manière d’être citoyen »


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Milk Coffee and Sugar
Milk Coffee and Sugar

Sous le nom du groupe Milk Coffee and Sugar, il y a Gaël Faye et Edgar Sekloka. Depuis 6 mois, ils enchaînent les concerts et ont fait la première partie d’Oxmo Puccino la semaine dernière. Leur album vient de sortir.

Leur album au titre éponyme est sorti le 10 mai. Quinze morceaux de rap aux accents jazz, à l’influence slam et à l’énergie communicative, où l’Afrique n’est jamais loin. Des textes ciselés et quelques featurings de choix comme le MC sud-africain de Tumi & the Volume ou encore Beat Assaillant. Pas une rature. Et comme Gaël Faye et Edgar Sekloka ne sont jamais aussi bons que sur scène, ça vaut le coup d’aller les écouter le 12 mai au Nouveau Casino, à Paris. En attendant, Afrik.com les fait réagir sur certains de leurs lyrics…

« Je ne suis pas déçu par ce système, je n’y ai jamais cru » (« Alien »)

Dans cette chanson, on parle du système économique, pas de l’Etat policier, souvent dénoncé dans les chansons de rap. On parle de l’économie de marché et de la société basée sur la recherche immédiate du profit, de l’argent à tout prix, au détriment de l’humain. On ne croit pas au système capitaliste même si certains disent qu’ils veulent le moraliser. Ce système fait aussi écho à la colonisation. On nous parle de ses « bienfaits », les routes, les ponts… Mais les routes étaient construites pour transporter plus vite les matières premières et les hôpitaux pour faire en sorte que les gens ne meurent pas trop vite et qu’on continue à les exploiter…

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« Le rap, produit domestiqué » (« Prévu, pas prévu »)

C’est vrai qu’on lance quelques piques au rap le plus médiatisé, qui conforte ce système, qui ne joue pas son rôle d’opposition. On souhaite ouvrir le débat, on est contre la pensée unique dans le rap ! Sur les scènes slam et underground, on a rencontré plein de rappeurs qui ont un discours différent et on aime ces artistes : Négrissime, Apkass, Tumi, Duval MC… On s’interroge aussi artistiquement sur cette schizophrénie : quand tu développes un projet artistique, tu cherches forcément une audience et tu rentres dans le système… mais il faut en même temps conserver ses valeurs. Le système, on vit dedans. C’est ce qu’on dit dans « Un peu de musique », qui est un morceau avec une vision cynique, presque nihiliste. Mais le rap reste un vrai espace d’expression. Il y a un côté subversif, un peu « anti ». Quand tu es gamin, cette musique est une claque : des types te parlent avec tes propres mots, se mettent à ta place et te donnent des références auxquelles tu n’as pas accès, comme la colonisation justement ou l’esclavage. Le rap, c’est notre madeleine de Proust !

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« Si la France m’aime pas, je vais pas me gêner pour la quitter » (« Un peu de musique »)

C’est une réponse directe à la phrase de Sarkozy. C’est comme une relation amoureuse. Si tu m’aimes, tu acceptes mes origines et ma culture… Dans ce morceau, il y a plusieurs facettes : un côté « ne plus croire en rien, remettre tout en question », mais on n’est pas aussi nihilistes que ça. On se retrouve dans le refrain, plus positif, qui dit que la musique peut te ramener à des valeurs dont le système t’écarte.

« Laissez-moi être une graine de café affranchie » (« Café zèbre »)

Ce titre parle d’une graine de café qui vient d’Afrique. Ça parle de l’exploitation des pays du Sud via les matières premières mais ça parle aussi de nous, de nos racines. Il y a une fausse légèreté dans ce morceau. On glisse de l’humour car on veut que les gens écoutent l’album sans se sentir accablés à la fin ! Idem pour nos concerts, qu’on vit comme des moments de partage et de fête, même si on aborde des thèmes lourds.

« Vivre, c’est être funambule. Je vis comme sur un fil en équilibre entre l’Afrique et l’exil (« Je vis »)

Edgar est né en France, il est d’origine camerounaise et béninoise. « Je n’ai été que deux fois au Cameroun, le pays de ma mère. Mais, plus je vieillis, plus je me sens bamiléké. Le pays me manque. Je le connais par ma famille et par les livres mais je ne le « suinte » pas. Je l’ai en moi, naturellement, mais je suis toujours en quête de moi-même. « Edgar n’a pas vécu là-bas et pourtant, il a un regard juste sur le Cameroun, ça prouve que quand les parents font bien leur boulot, tu peux vivre un bout d’Afrique ailleurs… » Gaël, lui, a vécu au Burundi jusqu’à 13 ans : « Pour moi, l’Afrique, c’est mon enfance, mon adolescence. Mon père a toujours vécu là-bas ». Le morceau « Hope Anthem » est une déclaration d’amour à son pays natal.

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« Enflammez-vous ! Ne vous laissez pas étiqueter, détachez-vous de leur esprit étriqué » (« Allumez les briquets »)

C’est un appel à foutre le feu ! Se sortir du confort, du train-train. La phrase qui nous énerve le plus c’est « mais qu’est-ce-que tu veux faire ? » Tant qu’il y a un souffle, il y a un espoir. Le rap, c’est une musique d’engagement. C’est notre manière de faire de la politique, c’est à dire de participer aux débats de société. D’être citoyen. Notre programme c’est de rêver et d’en avoir toujours les moyens.

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