Mauritanie : la junte face aux pressions


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La libération, lundi, du premier ministre mauritanien ainsi que de trois de ses collègues intervient dans un contexte tendu pour la junte au pouvoir. La communauté internationale a condamné et sanctionné le régime militaire. Quant aux Mauritaniens, ils demeurent très partagés.

Le premier ministre mauritanien, Yahya Ould Ahmed Waghf, a été libéré ce lundi en fin d’après-midi par la junte militaire. Avec lui, trois autres otages ont recouvré la liberté : le ministre de l’Intérieur Mohamed Ould R’zeizim, le président du conseil économique Ahmed Ould Sidi Baba et le directeur national de l’Agence chargée du rapatriement des réfugiés Moussa Fall. Le porte-parole de Sidi Ould Cheikh Abdallahi, le chef d’Etat renversé le 6 août, a confirmé lundi la libération de ces quatre responsables. Mamadou Ba a saisi l’occasion pour qualifier leur prise d’otages de « séquestration arbitraire » et a précisé que l’ancien président était toujours assigné à résidence, sous étroite surveillance de la junte.

Au sujet des ex-détenus, le général Ould Abdel Aziz, qui a pris la tête du Haut conseil d’Etat à la suite du putsch, avait déclaré dimanche : « Nous n’avons pas de sort particulier à leur réserver. Ils sont dans une situation de résidence surveillée, pour leur sécurité et la sécurité du pays ». Si les putschistes sont revenus à de meilleurs sentiments, c’est peut-être à cause de la pression croissante imposée par la communauté internationale.

La junte sous pression

Vendredi soir, l’Union Africaine a pris la décision de suspendre la Mauritanie tant que le pays ne retrouverait pas un système de gouvernement conforme à la Constitution. Dimanche, une rencontre diplomatique a eu lieu à Nouakchott, rassemblant les ambassadeurs français, allemand, espagnol et américain, le délégué de la Commission Européenne ainsi qu’un envoyé du Programme des Nations Unies pour le Développement. Dans une déclaration commune, ces représentants ont rejeté le projet de la junte d’organiser des élections présidentielles, un projet qu’ils jugent illégitime.

Au lendemain du coup d’Etat déjà, les Etats-Unis avaient gelé leur aide à la Mauritanie, exclusion faite de l’aide alimentaire et humanitaire. La libération des otages, lundi, est intervenue quelques heures après que la France, ex-puissance coloniale, a décidé de suspendre également une partie de ses projets d’aide publique au développement. Le président français a par ailleurs déclaré que « la France se tient prête à examiner avec ses partenaires de l’Union Européenne de nouvelles mesures de sanction ».

Le pays divisé

Si la communauté internationale fait bloc, les Mauritaniens sont, eux, partagés. Certains soutiennent la rébellion et d’autres demeurent fidèles à l’ancien président et à son entourage.

Peu après sa libération lundi, le premier ministre a d’ailleurs été acclamé lors d’un meeting organisé dans un stade par des milliers de sympathisants du régime. Yahya Ould Ahmed Waghf leur a transmis un message du président renversé qui les encourageait à poursuivre la lutte contre les putschistes afin de rétablir le pouvoir initial.

Dans le même temps, plusieurs milliers de Mauritaniens manifestaient dans un autre quartier de la capitale. Ces partisans du général Ould Abdel Aziz défilaient lors d’une marche de soutien au Haut conseil d’Etat. Partis du Nord de la ville, des centaines de véhicules encadrant un millier de marcheurs se sont arrêtés pour lire une motion de soutien aux militaires dissidents.

Dans les plus hautes sphères politiques également, les opinions sont partagées. Le président de l’Assemblée nationale a reçu les critiques de certains députés. Ceux-ci, favorables au putsch, n’ont pas apprécié que leur représentant condamne le renversement du pouvoir par la junte. Ils se sont désolidarisés de ses déclarations et ont affirmé qu’il ne parlait pas au nom de l’Assemblée, mais à titre personnel. « La majorité des membres [de l’Assemblée] a jugé que ce qui s’est passé le 6 août était le résultat des agissements de l’ex-chef de l’Etat », avaient-ils déclaré dimanche, à l’issue d’une réunion.

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