Mauritanie : Human Rights Watch dénonce des abus graves contre les migrants


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Des migrants africains
Des migrants africains

Human Rights Watch accuse la Mauritanie de graves violations des droits des migrants entre 2020 et 2025. Le rapport dénonce tortures, violences sexuelles, détentions arbitraires et expulsions collectives vers des zones dangereuses. Ces pratiques s’inscrivent dans le cadre de la coopération migratoire avec l’Union européenne et l’Espagne, accusées de fermer les yeux. Nouakchott rejette les accusations et promet des réformes, mais les ONG doutent de leur application réelle.

La Mauritanie est de nouveau sous les projecteurs des organisations de défense des droits humains. Dans un rapport accablant publié le 27 août, Human Rights Watch (HRW) accuse les autorités mauritaniennes d’avoir commis de « graves violations » des droits des migrants et demandeurs d’asile entre 2020 et 2025. Tortures, détentions arbitraires, expulsions collectives : les témoignages recueillis dressent un tableau sombre de la gestion migratoire du pays, soutenue par l’Union européenne et l’Espagne.

Une route migratoire sous haute tension

Située sur la façade atlantique, la Mauritanie est devenue un point de départ majeur pour les migrants ouest-africains et centrafricains cherchant à rejoindre les îles Canaries, porte d’entrée vers l’Europe. En 2024, plus de 46 000 personnes ont tenté la traversée depuis le nord-ouest de l’Afrique. Mais cette route maritime, l’une des plus périlleuses, a coûté la vie à des milliers de personnes.

L’ONG Caminando Fronteras estime que plus de 10 000 migrants sont morts ou disparus en mer en 2024, la plupart en tentant de rallier l’archipel espagnol depuis les côtes africaines, dont celles de Mauritanie.

Arrestations, violences et expulsions massives

Le rapport de HRW, basé sur plus de 200 témoignages, accuse la police, la gendarmerie, les gardes-côtes et l’armée mauritanienne d’exactions répétées : coups, humiliations, viols, harcèlement sexuel, extorsions et détentions dans des conditions inhumaines.

Les migrants arrêtés sont souvent refoulés vers des zones désertiques situées le long des frontières avec le Sénégal et le Mali. Depuis le début de l’année 2025, plus de 28 000 personnes auraient ainsi été expulsées, parfois sans procédure légale ni possibilité de recours. Plusieurs témoins évoquent des renvois vers la région malienne de Kayes, marquée par l’insécurité, exposant les expulsés à des risques graves.

L’ombre de l’Union européenne et de l’Espagne

Ces abus s’inscrivent dans le cadre de la politique d’externalisation migratoire menée par l’Union européenne et l’Espagne. Bruxelles a signé en 2024 un accord de 210 millions d’euros avec Nouakchott pour freiner les départs, tandis que Madrid déploie encore ses forces de sécurité sur place.

Pour HRW, ce soutien logistique et financier a contribué à renforcer des pratiques répressives, sans garanties suffisantes pour la protection des droits humains. Dans certains cas, des agents espagnols auraient même été présents lors d’interpellations violentes de migrants.

Des réformes annoncées, mais des doutes persistants

Face aux critiques, les autorités mauritaniennes rejettent fermement les accusations de torture ou de discriminations systématiques. Elles mettent en avant de nouvelles mesures, comme l’interdiction des expulsions collectives et l’adoption en mai 2025 de procédures plus protectrices pour les migrants interceptés.

L’Union européenne, de son côté, assure que son partenariat avec Nouakchott repose sur le respect des droits fondamentaux. HRW reconnaît ces avancées mais insiste : seule une rupture claire avec les pratiques abusives permettra d’améliorer durablement la situation des migrants.

Une gestion migratoire à la croisée des chemins

Le rapport met en lumière le dilemme auquel fait face la Mauritanie : maintenir sa coopération sécuritaire avec l’Europe pour contenir les flux migratoires ou engager une véritable réforme qui respecte la dignité des personnes. Pour l’ONG, le choix est crucial : « La Mauritanie peut devenir un modèle en Afrique du Nord, si elle met réellement fin aux abus », souligne Lauren Seibert, chercheuse chez HRW.

Derrière les chiffres et les accords diplomatiques, des milliers de vies restent suspendues aux politiques migratoires. Entre pressions européennes et réalités locales, la Mauritanie est désormais sommée de concilier contrôle des frontières et respect des droits humains.

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Fidèle K est journaliste et rédactrice spécialisée, passionné par l'Afrique et ses dynamiques politiques, culturelles et sociales. A travers ses articles pour Afrik, elle met en lumière les enjeux et les réalités du continent avec précision et engagement.
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