Maroc : Deux ans de prison ferme pour avoir dénoncé un trafic de cèdre


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Mohamed Attaoui, correspondant du quotidien arabophone « Al-Monataf », président de l’Association avenir pour le cèdre et le mouflon et fonctionnaire dans la commune rurale de Tounfite, a été condamné le 22 mars 2010 à deux ans de prison ferme par le tribunal de Midelt (Atlas oriental, au sud-est de Rabat) officiellement pour avoir extorqué la somme de 1000 dirhams (environ 90 euros).

Il semble évident que l’arrestation de Mohamed Attaoui le 8 mars 2010 est le résultat d’un coup monté. Son interpellation coïncide avec la publication d’un article dans le quotidien arabophone Al-Monataf, le 16 février 2010, et d’un communiqué de presse, le 14 janvier, dans lesquels il dénonçait la « mafia du cèdre ». Son arrestation intervient également trois jours avant que son association se porte partie civile dans un procès contre des responsables de cette mafia.

Mohamed Attaoui paie aujourd’hui son engagement militant pour l’environnement. Il a entamé une grève de la faim le 29 mars pour dénoncer son arrestation.

L’Association avenir pour le cèdre et le mouflon, fondée en 2006, organise des colloques et publie des communiqués de presse « pour dénoncer et sensibiliser l’opinion publique face au gaspillage de la richesse que représente le cèdre », a déclaré Mohamed Attaoui à Reporters sans frontières, depuis sa prison de Midelt.

Dans ses écrits récents, le journaliste et militant a décrit de manière précise et détaillée la contrebande du bois du cèdre par des responsables des communes rurales de la région de Midelt, avec la complicité de la gendarmerie et de l’Office national des Eaux et Forêts. Le cèdre est une espèce protégée au Maroc.

« Les mafieux coupent ces arbres centenaires pour leur valeur : un mètre cube de ce bois peut aller jusqu’à 20 000 dirhams (1790 euros). Et généralement, le trafic se fait de nuit. Les camions transportent jusqu’à 20 m3 chacun », a expliqué Mohamed Attaoui. « Dans la nuit du 11 au 12 février 2010, sept camions sont passés. Avec chacun 20 m3 de bois. Vers quatre heures du matin, un faux barrage composé de trois gendarmes de Tounfite, le capitaine des Eaux et Forêts de Tounfite et le chef du district de Tounfite a arrêté le septième camion transportant 20m3 de bois, histoire de camoufler le trafic et montrer un semblant de répression à l’égard des trafiquants. Seul le chauffeur a été arrêté, les autres trafiquants se sont évaporés. Le chauffeur a versé la somme de 50 000 dirhams (4470 euros) pour que la gendarmerie et les Eaux et Forêts modifient leurs procès-verbaux, qui aujourd’hui mentionnent que le camion ne transportait que 1,5m3 de bois. Et une partie du bois a été transférée, le 12 février au matin, à Taghouchet, situé à 7km de Tounfite par deux gendarmes et le responsable des Eaux et Forêts du district de Bouadine. Or à Taghouchet, des ouvriers ont vu les gendarmes décharger le camion. Ils ont pris des photos et m’ont appelé. A 10 heures, j’étais sur place. J’ai aussitôt appelé mon journal et d’autres journalistes pour qu’ils viennent constater le détournement de bois. Le 16, mon article est sorti. »

« Le 8 mars, j’ai été arrêté, quasiment kidnappé par trois gendarmes, m’accusant d’avoir voulu extorquer de l’argent au responsable des Eaux et Forêts de Bouadine. L’explication est simple : je suis technicien spécialisé, troisième grade, dans la commune de Tounfite. J’ai passé un examen professionnel pour changer de grade. J’avais réussi les écrits, mais il me fallait encore passer l’oral. J’ai dit au responsable des Eaux et Forêts de Bouadine qui m’avait donné des infos sur le trafic que ma situation était difficile pour le moment, d’autant que j’avais reçu une convocation le 6 mars pour un oral le 19 mars à Meknès ou à Rabat. Il m’a donné 1000 dirhams pour me rendre à l’examen. Mais il a ensuite porté plainte contre moi pour extorsion auprès du procureur le lundi 8 à 16 heures 30. La gendarmerie m’a arrêté deux heures plus tard. »

« L’Association avenir pour le cèdre et le mouflon avait rédigé un rapport sur le trafic de bois. Elle s’était constituée partie civile dans le procès du chauffeur, qui devait être entendu par le procureur le 11 mars. Etrange coïncidence, j’ai été arrêté le 8, avant. Heureusement que j’avais reçu la convocation pour l’oral. C’était bien la preuve qu’ils ont voulu me tendre un piège. Sans compter les enregistrements que j’avais réalisés de mes conversations avec le responsable des Eaux et Forêts de Bouadine. »

Mohamed Attaoui a exprimé son intention de faire appel de cette condamnation à deux ans de prison ferme. Il devrait être transféré à la prison de Meknès le 1er ou le 5 avril. Une fois à Meknès, il sera informé de la date de son procès en appel.

Par sa grève de la faim, il réclame le droit à un procès équitable. Il demande aussi que soit ouverte une enquête sur ce qu’il qualifie d’enlèvement par la gendarmerie. Il exhorte les autorités également à enquêter sur le trafic de cèdre qu’il a maintes fois dénoncé.

« A la fin de chacun de ses communiqués, l’Association avenir pour le cèdre et le mouflon fait référence au travail de la Fondation Mohammed VI pour la Protection de l’Environnement. Aujourd’hui, nous demandons son soutien dans cette affaire », a conclu Mohamed Attaoui.

Pour tout renseignement complémentaire:

Reporters sans frontières

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