Marie-Elise Gbédo : « L’Amazone candidate » de Sanvi Panou


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Sanvi Panou
Sanvi Panou

Marie-Elise Gbédo ou une femme dans l’arène présidentielle béninoise. Dans L’Amazone candidate, documentaire sorti en France ce mercredi, le réalisateur Sanvi Panou suit les traces de cette pionnière lors des élections présidentielles de 2006 au Bénin. Entretien avec le cinéaste.

sanvi_panou_1.jpgSanvi Panou est acteur, réalisateur, producteur et distributeur. Il est notamment le directeur fondateur de la salle Images d’ailleurs, l’unique vitrine parisienne pour le cinéma d’Afrique et de sa diaspora. Béninois, Français et Togolais, Sanvi Panou se veut panafricain. Un qualificatif que mérite bien l’ardent défenseur du cinéma africain qu’il est.

Afrik.com : Qu’est-ce qui a motivé ce documentaire sur Marie-Elise Gbédo ? Est-ce le fait qu’elle soit la première femme qui se soit risquée en politique au Bénin, qui ait souhaité accéder à la magistrature suprême ?

Sanvi Panou : J’ai décidé de faire une série de films sur le thème du combat des femmes, l’objectif étant de mettre en lumière différentes femmes dans le monde à travers leurs prises de position politiques. De passage à Cotonou en 2001, j’ai découvert les affiches de Marie-Elise Gbédo qui se présentait aux élections présidentielles. Je me suis dit que cette femme pouvait inaugurer cette série. Les images que j’ai visionnées d’elle m’ont conforté dans mon idée qu’elle incarnait la volonté de changement d’un certain nombre de femmes africaines à travers son implication politique. Un portrait d’elle allait donc de soi. Je l’ai rencontrée et c’est ainsi que ce documentaire est né. Je l’ai suivie pendant sa campagne en 2006, la deuxième fois qu’elle se présentait à des élections présidentielles.

Afrik.com : En quels termes définiriez-vous Marie-Elise Gbédo ?

Sanvi Panou : Son franc-parler, sa capacité d’analyser la politique actuelle qui prévaut en Afrique, les problèmes des Africains et à dénoncer ce laisser-aller que connaît le continent, notamment la corruption, m’ont impressionnés. Elle ne laisse pas indifférente parce qu’elle a une exigence forte. En sillonnant le Bénin avec elle pour réaliser ce documentaire, j’ai découvert qu’elle faisait l’unanimité auprès de toutes les femmes, toutes catégories sociales confondues. Il y a beaucoup de femmes qui se retrouvent en elle, dans ce qu’elle dit, elle répond a leurs aspirations et à leurs besoins. Marie-Elise Gbédo a aussi une très forte autorité sur son entourage. Avocate de profession, elle a été ministre du gouvernement de Mathieu Kérékou (ancien président béninois, ndlr) qu’elle a quitté parce qu’elle était en désaccord avec sa politique.

Afrik.com : L’Amazone candidate ouvre aussi une fenêtre sur la vie politique au Bénin…

Sanvi Panou : Il était également intéressant de montrer que le Bénin a une immense tradition démocratique. C’est le premier pays africain à avoir organisé une conférence nationale qui a mis fin à 18 ans d’un régime marxiste-léniniste, imposé par le président Mathieu Kérékou en 1972, et qui s’était retrouvé dans l’impasse. Les Béninois ont préféré la conférence nationale à une guerre civile en 1990. Le fait est unique dans la vie démocratique africaine. Je trouvais qu’il était important de montrer qu’il y a des pays africains qui ont une maturité politique, où les élections se déroulent sans effusion de sang.

Afrik.com : Vous étiez au Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) qui a consacré pour sa 20e édition une place de choix au documentaire en créant une catégorie qui lui est exclusivement consacrée. Le documentaire représente-il une opportunité pour le cinéma africain ?
_ Sanvi Panou :
Le documentaire a été, depuis quelques années, réhabilité même en Europe avec la multiplication des chaînes thématiques qui diffusent des documentaires. Ce genre permet au cinéaste de faire du cinéma direct, de mettre en lumière la réalité afin que les gens puissent se faire une idée par eux-mêmes. Les images appellent le spectateur à s’impliquer. Cela reste un genre de dénonciation politique qui reflète la société telle qu’elle est. C’est une façon de faire du cinéma assez intéressante.

Afrik.com : Pour continuer de parler de cinéma africain, vous en êtes un fervent défenseur avec votre salle Images d’ailleurs…

Sanvi Panou : J’ai crée en 1990 la salle Images d’ailleurs avec des amis pour promouvoir les films africains et de culture noire, en général, en partant du constat qu’ils ne vivaient et n’étaient vus que lors des festivals. Notre identité s’est construite autour du fait que nous proposons un cinéma peu diffusé, des films de la diversité. Si le mot est à la mode aujourd’hui, il fait partie du vocabulaire Images d’ailleurs depuis ses origines. J’ai donc quitté le théâtre après 15 ans pour m’investir dans le cinéma. Sur dix films africains qui sortent chaque année, à peine la moitié est diffusée ou vue en France. C’est un gâchis ! De un à deux films diffusés par mois à nos débuts, nous sommes passées de quinze à vingt films par semaine. Nous essayons de programmer un maximum de films pour donner l’opportunité au plus grand nombre d’être vu.

L’Amazone candidate, documentaire de Sanvi Panou avec
Marie-Elise Gbedo – Durée : 1h30

Distribution : Cinéma Images d’ailleurs
21, rue de la Clef 75005 Paris – Metro Censier-Daubenton

La projection de ce vendredi 20h, tout comme la première mercredi, aura lieu en présence de Marie Elise Gbedo et sera suivi d’un débat.

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