Mamane malmène les maux


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Mamane de nouveau sur les planches. L’humoriste nigérien est actuellement à l’affiche du Lavoir Moderne Parisien pour Mamane Malmène les mots. Le spectacle, largement inspiré de son One Mamane show, parle beaucoup d’immigration, d’intégration et de colonisation, des maux qui minent toujours nos sociétés. Une subtile leçon d’histoire et d’actualité qui fait rire et cogiter.

19h. Au Lavoir Moderne Parisien, une ribambelle d’adolescents des Lilas (Est de Paris) chahute et se taquine. « Hé ! Regarde, y’a Mamane qui arrive ! », crie l’un à son camarade, lequel se met à chercher l’humoriste dans la pénombre. En vain : c’était une blague…

Entre deux rappels à l’ordre, peu suivis d’effet, Sarah explique la présence des jeunes au show. « Le spectacle du Jamel Comedy Club les intéressait. Et comme Mamane l’a fait, nous avons choisi celui-là », confie l’employée de la mairie des Lilas. « Le prix était accessible, ajoute son confrère Abdel. Et comme la majorité de nos enfants sont d’origine étrangère, ils vont se sentir concernés. »

19h20. Les spectateurs s’installent. Face à eux, une scène dépouillée. Une table, une chaise, un casier, un banc. Mamane arrive en tenue de « technicien de surface ». D’entrée de jeu, le comique nigérien crée une relation chaleureuse et interactive avec le public, calme gentiment les élèves dissipés et en « affiche » un ou deux : « Ton papa, il travaille avec moi : il balaie métro ! ».

« Blind-test de fromage »

Eclats de rire nourris mais, derrière la vanne, se cache un message militant. « Dans l’imaginaire, le balayeur (ou le technicien de surface) c’est Mamadou. Depuis les années 50, 60, 70 jusqu’à aujourd’hui, ce sont toujours les Noirs et les Arabes qui sont éboueurs ici. Ce sont les immigrés qui font les professions les plus dures, les moins bien payées et les moins valorisées », dénonce Mamane.

Avec finesse et fraîcheur, il conte combien l’intégration est difficile en France. A cause des subtilités de la langue, du « blind-test de fromage à la préfecture » et de la désormais célèbre « La France, tu l’aimes ou tu la quittes » du président français Nicolas Sarkozy. Une phrase culte qui pousserait à l’hypocrisie ou à accepter tous les mauvais coups pour ne pas se retrouver dans un charter.

L’immigration. Ce thème jalonne Mamane malmène les mots, largement inspiré de son One Mamane Show. Le chroniqueur taquin de RFI moque ainsi l’immigration choisie à travers le premier ministre d’Italie Silvio Berlusconi, qui pourrait bien régulariser tous les clandestins arrivés à la nage pour remporter les épreuves de natation des prochains Jeux Olympiques.

Marre de l’Obamania ?

Immigration, donc, et colonisation. Exemple avec les Indiens d’Amérique « qui ont fini empaillés au Buffalo Grill » alors qu’ils avaient ouvert leur porte aux colons sans leur « envoyer la police de l’air et des frontières ». Autre exemple avec l’envoi de tirailleurs sénégalais « en chair à canon » pendant la guerre.

L’humoriste évoque aussi l’Obamania et la « Yes we can » attitude. Il tourne notamment en dérision la couverture de l’élection de Barack Obama à la tête des Etats-Unis. Il explique en substance : « On dit que c’est le premier président noir, mais dis-donc : des présidents noirs, il n’y a que ça en Afrique ! ».

Un vrai ras-le-bol ? « Je suis le premier à avoir croisé les doigts pour qu’il gagne mais restons lucide, comme lui-même doit l’être, et ne tombons pas dans un aveuglement qui à la moindre erreur va se transformer en désillusion. Et puis… cette élection ne change rien en Afrique : on a toujours des Bongo et des Eyadéma ! », souligne Mamane.

« Spectacle subtil, très riche »

Après environ 1h30 de spectacle, les Blacks, les Blancs et les Beurs en ont tous pris pour leur grade. Et dans la joie et la bonne humeur : les zygomatiques ont travaillé dur. « J’ai adoré sa façon de jouer avec les mots. C’est un spectacle dans l’air du temps. Il parle de tout et s’adresse à tout le monde », s’enthousiasme Vickie, 20 ans, dont les rires envoyaient largement plus de décibels que les autres.

« J’ai tout aimé, renchérit Nathalie, 22 ans, venue un peu au hasard avec son amie Naïma. C’était très subtil, très riche au niveau des blagues et de l’humour. Là, je repense à des blagues sur lesquelles je n’ai pas eu le temps de rien parce que ça allait trop vite ! » Même constat pour Naïma, qui salue également la maîtrise des « jeunes assez excités ».

Une version réadaptée de Mamane malmène les mots foulera bientôt le sol africain. Le 26 mars, Mamane jouera à Dakar pour les auditeurs sénégalais de RFI. Pour lui, c’est une étape importante de sa carrière : « Certains rêvent de faire L’Olympia, mais moi je rêve de jouer à Abidjan, à Dakar, à Douala, à Ouaga… ».

« Mamane Malmène les mots »

Jusqu’à fin juin au Lavoir Moderne Parisien

35, rue Léon

75018 Paris

Réservations/informations : 01 42 52 09 14

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