Mamadou Diallo (deuxième partie) : « Meilleur joueur ? Diouf est plus technique, Mané plus efficace »


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Henri Camara, Sadio Mané et El Hadj Diouf
Henri Camara, Sadio Mané et El Hadj Diouf

Meilleur buteur de la CAN de beach soccer en 2007, à Durban, en Afrique du Sud, l’ancien international sénégalais Mamadou Diallo est également deux fois vainqueur de cette compétition. Il est aujourd’hui l’un des assistants du sélectionneur national du Sénégal, Ngalla Sylla. Dans cette deuxième et dernière partie de l’entretien, il nous parle d’une discipline qui a déjà valu six titres continentaux au Sénégal et une place de demi-finaliste lors du dernier Mondial en Russie. Il a également évoqué l’épineuse question du meilleur joueur sénégalais de tous les temps, qui se dispute généralement entre El Hadji Diouf et Sadio Mané, même si les plus anciens parlent de Baba Touré ou autres.

Entretien

Vous avez la particularité d’avoir joué en sélection nationale de football, mais aussi de beach soccer, parlez-nous un peu de cette autre discipline sportive ?

Cette discipline, je l’ai vécue depuis longtemps. J’étais déjà là, quand ils venaient de commencer avec la première Coupe d’Afrique, à Durban, en Afrique du Sud, en 2007, et j’ai terminé meilleur buteur. J’ai joué et j’ai eu cette expérience. J’avoue que le beach soccer, c’est autre chose. C’est un jeu difficile, très très dur. Parce que ce n’est pas évident de tout le temps courir dans le sable. D’ailleurs, il arrive des moments où le joueur est tellement fatigué qu’il ne réfléchit plus. Mais aussi, c’est un spectacle extraordinaire. C’est un jeu de spectacle, de technique, d’expérience et très physique. Moi, je l’ai vécu depuis 2007 et j’ai arrêté par la suite. Aujourd’hui, je fais partie des entraîneurs adjoints de Ngalla Sylla, donc j’ai gagné deux Coupe d’Afrique. On a été éliminé en demi-finale de la Coupe du monde 2021 en Russie. On pouvait même aller en finale.

Mamadou Diallo, ancien international
L’ancien international, Mamadou Diallo

Il faut reconnaître que le Sénégal a pris de l’avance par rapport aux autres pays africains. Mais, il y a beaucoup de pays africains qui seront là, cette année, à la Coupe d’Afrique, qui va se dérouler en Angola. Je suis conscient que cette compétition ne sera pas facile, car on a vu leur équipe faire un bon tournoi au dernier Mondial. Donc, on s’est rendu compte que beaucoup de pays africains s’intéressent maintenant au beach soccer. Néanmoins, je sais que le Sénégal a pris l’habitude de gagner, parce qu’on a remporté plusieurs fois la Coupe d’Afrique (6 CAN, un record, ndlr). On gagne alors en expérience. C’est un jeu que j’aime beaucoup. Il faut toujours servir son pays partout. Je suis là pour servir mon pays.

Quand le Sénégal a gagné la Coupe d’Afrique, il y a eu le stade Me Abdoulaye Wade à l’honneur desLions du football, mais le beach soccer n’a toujours pas son stade…

Oui, je pense que le Président Macky Sall en avait parlé, quand il nous a reçus au palais présidentiel. Il avait dit qu’il allait faire quelque chose à Diamniadio pour le beach soccer. Pour faire un terrain de beach soccer, nul besoin de le faire sur une plage. C’est d’ailleurs pour cela qu’on l’appelle maintenant football de sable. Ce qui veut dire qu’on peut construire le stade n’importe où. Je pense que le Sénégal mérite d’avoir un stade de beach soccer de 10 000 places, avec tout ce qu’on a gagné en Afrique et ce qu’on a fait sur le plan mondial. L’année dernière, on est même parti pour la compétition de la Coupe des Coupes et on avait terminé troisième. La Fédération est en train de faire beaucoup de sacrifices pour le beach soccer, parce qu’elle nous a donné énormément de moyens, mais pour construire des stades, c’est le rôle de l’État. Comme ils ont fait à Diamiadio pour le football, je pense qu’ils vont s’atteler maintenant au beach soccer.

Le Sénégal est depuis trois ans à la tête du classement FIFA et vainqueur de la Coupe d’Afrique des nations. Pensez-vous que le football local est à l’image de l’équipe nationale ?

Le football local du Sénégal n’est absolument pas à l’image de son équipe nationale. On est premier en Afrique, mais nos clubs ne passent jamais dans les compétitions africaines. Teungueth FC  est passé cette fois-ci au deuxième tour. Je pense qu’on doit faire beaucoup de choses pour le football local. Les stades qu’ils ont construits, ils doivent en faire encore plus, pour que les joueurs puissent avoir plus de motivation. Je pense que la place de l’équipe nationale est bien méritée, mais les clubs doivent travailler davantage. Il faut qu’on parvienne à mettre les jeunes joueurs dans de bonnes conditions.

Est-ce que cela n’est pas aussi lié à la fuite des talents, car plusieurs joueurs de l’équipe nationale A ont été formés sur le plan local, à l’image de Sadio Mané, Ismaëla Sarr, Bamba Dieng, Idrissa Gana Guèye, Saliou Ciss ou encore le jeune Pape Matar Sarr…

Je pense que le problème est ailleurs. Il faut valoriser les joueurs qui sont là. Regardez par exemple Bamba Dieng, il jouait à Diambars et il était le meilleur buteur du championnat, pourtant on ne l’avait jamais sélectionné. Personnellement, j’ai remarqué qu’il faut quitter le Sénégal pour prétendre à la sélection. Quand tu évolues sur le plan local, on ne te sélectionne pas. Je pense qu’on doit valoriser notre championnat. Normalement, le Sénégal doit avoir trois ou quatre joueurs locaux, au moins, dans son effectif pour les Coupes d’Afrique. Il y a des talents, mais on ne les valorise pas.

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Il y a le Championnat d’Afrique auquel le Sénégal ne participe plus depuis longtemps. Pensez-vous que la Fédération prend au sérieux cette sélection locale ?

Bien sûr qu’elle est prise au sérieux par la Fédération. Elle met tous les moyens, mais il faut qu’on valorise nos joueurs sur le plan local. Le joueur doit être un vrai professionnel. On dit qu’on a un championnat professionnel, mais il ne l’est pas à 100%, parce que les salaires que je vois et les conditions, cela n’a rien à voir avec du professionnalisme. Le cahier de charges n’est pas respecté, il faut qu’on soit sans complaisance sur ce plan. Si on applique la rigueur qu’il faut, on produira de très bons joueurs sur le plan local pour pouvoir s’affirmer dans les compétitions de clubs sur le continent.

Ne pensez-vous pas que les éliminatoires du Championnat d’Afrique des nations sont monotones avec les mêmes adversaires tout le temps : la Guinée ou la Mauritanie. La CAF ne devait-elle pas étendre cela sur l’ensemble du continent, comme les éliminatoires de la CAN ?

Tout à fait. Parce que ça ne sert à rien de se maintenir dans son coin. Je suis d’accord avec vous qu’il va falloir élargir les éliminatoires du Championnat d’Afrique des nations, à l’image de ceux de la Coupe d’Afrique. Seulement, il ne faut pas perdre de vue que les matchs avec la Guinée, le Mali, la Mauritanie, c’est toujours des derbys. Oui, il faut étendre cette compétition à l’ensemble du continent.

Qui est le meilleur joueur de l’histoire du football sénégalais, selon vous ?

Je disais un moment que c’était El Hadji Diouf, mais c’est Sadio Mané, par rapport à tout ce qu’il a gagné. Pour être honnête, je pense que Sadio Mané sera, pour la deuxième fois, « meilleur joueur de l’année en Afrique ». Il va l’être, c’est clair. Regardez tous les trophées qu’il a gagnés. Si on me parle de meilleur joueur sénégalais de tous les temps, je vais désigner Sadio Mané. À l’époque, je disais El Hadj Diouf, mais aujourd’hui pour être honnête, je dirai que le meilleur joueur sénégalais est Sadio Mané. Maintenant, ce sont deux joueurs différents. El Hadji Diouf est plus technique, mais Sadio Mané est plus efficace.

Édouard Mendy, avec tout ce qu’il a gagné cette saison avec Chelsea, la Ligue des Champions, la Coupe du monde des clubs…, en plus de la CAN avec le Sénégal, ne devrait-il pas être le premier gardien de but de l’histoire à être désigné « meilleur joueur de l’année » en Afrique ?

Je ne sais pas, mais je pense que je vais désigner Sadio Mané, parce que pour valoriser nos joueurs en Afrique, c’est la Coupe d’Afrique d’abord. Je ne juge pas le meilleur joueur africain, par rapport à la Ligue des Champions européenne, il faut gagner la Coupe d’Afrique. Si on dit meilleur joueur africain, c’est la Coupe d’Afrique et Sadio Mané l’a prouvé. Bien qu’Edouard Mendy ait aussi fait une grande compétition au Cameroun. Mais, un attaquant et un gardien, c’est toujours différent. Qui a marqué le but qui nous a permis de remporter la Coupe d’Afrique qu’on attendait depuis des années ? C’est Sadio Mané. Qui a marqué le but pour qu’on se qualifie pour les demi-finales ? C’est Sadio Mané. Regardez tout ce schéma !

Si vous regardez aujourd’hui les qualités des gardiens de but du Sénégal, notamment Edouard Mendy, Alfred Gomis, Seny Thimothy Dieng. Ce qui était la pièce manquante du puzzle pour le Sénégal à la dernière Coupe du monde, vous pouvez dire que votre génération a manqué quelque chose ?

Il faut le comprendre, maintenant les joueurs sont devenus plus professionnels. Nous, on était des professionnels, mais ces jeunes le sont plus encore. Les formations sont différentes. A notre époque, on avait le talent, mais il n’y avait pas cette formation. La formation est très importante.

Après avoir décoré ses champions d’Afrique, est-ce que l’Etat a prévu quelque chose pour les joueurs qui ont marqué l’histoire du football sénégalais ?

Je n’ai jamais entendu parler de ça. Je ne peux pas répondre à cette question. Je crois qu’en tant qu’anciens international, je ne vois que ce que je peux faire pour mon pays, mais je n’attends rien en retour.

Pape Bouba Diop est le seul ancien à l’honneur au stade Me Abdoulaye Wade, avec un musée en son nom. Les morts ont-ils plus de valeur aux yeux des Sénégalais que les vivants ?

Je pense qu’au stade Me Abdoulaye Wade, il faudrait qu’on prenne des places pour mettre les noms des anciens internationaux. Nous, on doit avoir le droit d’accès à ce stade sans payer les billets et je vais me battre pour ça. On n’a pas besoin qu’on mette notre nom, il y Me Abdoulaye Wade et un musée au nom de Pape Bouba Diop, c’est normal, il est décédé. Il y a un centre Jules François Bocandé qui a été érigé. Maintenant, ils nous doivent plus de considération, parce que nous aussi, nous avons fait quelque chose pour le football sénégalais. Je pense qu’ils doivent prendre un espace et le dédier aux anciens internationaux.

Y a-t-il une association qui défend les intérêts des anciens internationaux, d’autant plus que certains vivent dans des situations précaires après leur carrière ?

Il y a une association qui est là pour aider, mais elle n’a pas les moyens nécessaires pour le faire. Il y a un président qui est là, qui donne parfois de l’argent entre 50 et 100 000 FCFA pour les évènements. Pour moi, cela ne règle pas les problèmes. Il faut créer quelque chose comme une mutuelle, des événementiels… Aujourd’hui, quand vous regardez la caisse des anciens internationaux, il n y a pas plus de 20 millions FCFA. Ce qui n’est pas normal. Normalement , il devrait y avoir entre 1 à 2 milliards FCFA au minimum. C’est possible de le faire, en allant voir le Président Macky Sall. Il peut nous aider à renflouer cette caisse, avec des évènementiels. Qu’on se dise la vérité, les anciens internationaux ne font absolument rien pour l’association. C’est la réalité.

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Il y a des anciens professionnels qui sont aujourd’hui dans des difficultés, parce qu’ils n’ont pas su gérer l’après carrière. Ce ne sont pas tous les joueurs qui se sont fait de l’argent dans le milieu du football, mais il y a des gens qui ont gagné et qui ont réussi à réaliser. Par contre, il y a des joueurs qui ont gagné de l’argent, mais qui l’ont dilapidé. Pour moi, ceux qui en ont gagné et qui n’ont rien réalisé, c’est leur problème. Par contre, les autres qui n’ont pas eu cette chance, l’association pouvait bien leur venir en aide.

Un conseil pour la nouvelle génération ?

Il faut réaliser des choses, acheter le maximum de biens, créer des entreprises et investir dans un secteur qui ne comporte pas beaucoup de risques. Ce qui permet, en fin de carrière, de pouvoir rentrer tranquillement au bercail et continuer à vivre normalement de son business.

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