MALIKA AGUEZNAY A AGORA SAMEDI 5 NOVEMBRE


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Pour sa première exposition de la saison la galerie Agora ouvre ses portes à l’une des premières femmes peintres au Maroc du 5 novembre au 4 décembre. Malika Agueznay est l’une des premières artistes-peintres marocaines dont le travail a été exposé dans un certain nombre de galeries et musées dans le Moyen-Orient, l’Europe et les États-Unis. Son travail est transversal tant dans la conception que dans l’exécution incorporant sa vaste formation de la peinture et de la gravure.

Ce qui caractérise l’œuvre de Malika Agueznay, c’est la présence, chez elle, de compositions en pattern. Ceci signifie qu’elle procède à la répétition systématique d’un même motif qu’elle nomme « l’algue ». Il y a toutefois une différence entre l’algue qui change sans cesse de forme. La « forme algique », apparaît, chez Malika Agueznay en 1968 et se répète depuis plus de quarante ans dans la série des tableaux de l’artiste, puis dans ses gravures, enfin, en trois dimensions, dans ses bijoux ou sculptures avec des développements possibles dans la céramique. Cette permanence est effectivement exceptionnelle chez un peintre.

De très nombreuses questions se posent : cette « algue » de Malika Agueznay, réduite à ses stipes, frondes et limbes et dépourvue de crampons, est-elle bien une algue et sa peinture est-elle réellement abstraite ? Ces questions n’ont jamais été posées jusqu’à présent. Si on regarde bien, « l’algue » en question a bien évolué dans le temps et pas seulement en taille ou en complexité. « L’algue » renvoie, en principe, à un végétal marin et à la diversité d’une énergie vitale s’exprimant dans l’infinité de ses formes. Elle a aussi, et c’est plus important, connu deux métamorphoses, deux transsubstantiations où le patron, le pattern, est devenu un antipatron. D’un côté, le motif s’est transmué en être humain, par exemple en corps d’homme priant. De l’autre côté, il est devenu lettres arabes, « l’écriture alguée », et particulièrement corpus coranique. Plus rarement, l’algue s’est changée en d’autres plantes.

Mais si l’algue n’existe que dans ce qui unit le corps au corpus, elle change radicalement de sens dans un contexte qui est celui, d’une part, de l’homme en prière et, d’autre part, du texte révélé qu’est le Coran. On entre dans le champ de l’art islamique qui fut aussi un art du pattern avec ses pavages périodiques de plans de l’espace essentiellement composé de polygones réguliers. Mais Malika Agueznay est aussi celle qui refuse à la fois l’art urbain marocain ancien et les formes géométriques linéaires des artisanes de l’art rural. Son usage du pattern est très particulier puisqu’elle produit, en réalité, des pavages quasi-périodiques. De plus, elle récuse la ligne droite, systématiquement remplacée par des courbes, ce qui donne une infinie douceur toute mystique à ses compositions. Enfin, pour ce qui est des couleurs, elle se réfère de plus en plus, mais ce n’est pas explicite, à la fois aux règles d’Hans Hoffman d’association de couleurs qui s’attirent avec une augmentation des contrastes d’intensité et aux règles du contraste simultané. Malika Agueznay est moderne parce qu’elle rompt avec la notion de récurrence, avec la linéarité et avec les plans uniformes de couleurs dans une évolution qui est interne à l’art marocain.

Choisir comme motif la végétal le plus humble, car dépourvu de racines et de feuilles, en faire un équivalent iconographique de l’être humain et du Coran. Le contenu de son œuvre contient une force et une énergie les illustrations de Malika réfèrent plus largement à la culture qui résonne avec ses spécificités locales, notamment en ce qui concerne son traitement des lignes calligraphiques des couleurs et des formes.
Rien ne limite les métamorphoses, sérieuses ou ludiques, de l’algue. Au fond, l’algue est sans essence. Elle ne fait qu’exprimer l’infinité des formes. Non pas imaginairement, imaginalement. On ne va pas vers le rien. On en part. Il faut dire que l’algue ne se contente pas d’être puisqu’elle pourrait tout être.

Galerie Agora, 9, Bd. Mansour Dahbi, Résidence Jaâfar, RC Immeuble C,

Guéliz/Marrakech (Derrière l’Hôtel Agdal)

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