Mali : un convoi de 300 camions arrive à Bamako, mais la crise énergétique persiste


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Une station-service
Des pompes dans une station-service

Après plusieurs semaines de pénurie, un convoi de 300 camions-citernes, escorté par l’armée, est arrivé mardi 7 octobre dans la capitale malienne. Si cette livraison apporte un soulagement temporaire, la situation reste préoccupante : le carburant arrive au compte-goutte, l’électricité est rationnée à six heures par jour, et le gaz butane vient à manquer. Au-delà de cette opération logistique, les autorités font face à un double défi : sécuriser durablement les routes d’approvisionnement et réduire la dépendance du pays envers ses voisins côtiers.

Un soulagement en demi-teinte pour Bamako

Un souffle d’espoir, mais aussi d’inquiétude, traverse Bamako. Après plusieurs jours de pénurie sévère de carburant, un convoi d’environ 300 camions-citernes est arrivé dans la capitale malienne, mardi 7 octobre, sous les applaudissements des habitants. Escorté par l’armée, ce convoi marque une étape importante pour le gouvernement de transition, confronté à un blocus énergétique imposé par les groupes jihadistes sur les routes du pays.

Les images diffusées par la télévision nationale ORTM montrent les camions pénétrant dans Bamako sous haute surveillance militaire. Depuis plusieurs semaines, les stations-service étaient presque toutes à sec, provoquant d’interminables files d’attente et paralysant la circulation. « Je vais enfin pouvoir faire le plein », confiait un habitant, soulagé mais encore inquiet. Beaucoup se demandent combien de temps ces livraisons permettront de stabiliser la situation.

Selon l’Office Malien du Pétrole (OMAP) et la Direction Générale du Commerce, de la Concurrence et de la Consommation (DGCC), l’arrivée de ce convoi permettra une amélioration progressive de l’approvisionnement dès le mercredi 8 octobre. Toutefois, selon le groupement des professionnels du pétrole, « le carburant va arriver au compte-goutte », car les citernes ne peuvent prendre le départ que sur autorisation des escortes militaires, non régulières et toujours menacées d’attaques.

Une route périlleuse depuis la Côte d’Ivoire

Les autorités n’ont pas officiellement précisé la provenance du carburant, mais plusieurs sources concordantes évoquent la Côte d’Ivoire. Le trajet de ces camions n’a pas été de tout repos : depuis un mois et demi, les jihadistes du Jnim (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans) mènent des attaques répétées contre les convois, incendiant régulièrement des camions sur les axes routiers stratégiques.

Ce blocus a été instauré par le JNIM en représailles à l’interdiction par les autorités maliennes de la vente de carburant hors stations en milieu rural, où le carburant était transporté dans des jerricanes pour être vendu ensuite. Cette mesure gouvernementale visait à assécher les moyens d’approvisionnement des jihadistes.

Face à cette menace, l’armée malienne a assuré une escorte militaire tout au long du parcours, symbole d’une « victoire logistique et sécuritaire » pour les autorités de transition.

Une crise énergétique multidimensionnelle

Au-delà de la pénurie d’essence et de gasoil, la situation énergétique du Mali s’est considérablement aggravée ces derniers jours. La pénurie de carburant a entraîné une réduction drastique de l’approvisionnement électrique : de 19 heures par jour, la fourniture d’électricité a été ramenée à seulement six heures dans certains quartiers de Bamako, « pour permettre aux pétroliers de servir en premier les stations essence », selon un responsable d’Énergie du Mali.

Dans plusieurs villes de l’intérieur comme San, l’électricité est coupée depuis plus de deux semaines. « Avant, ma glacière restait froide toute la journée. Maintenant, avec les coupures d’électricité qui peuvent durer 20 heures, mon stock de poissons pourrit… Mon commerce est en train de mourir », déplore une vendeuse à Mopti.

Depuis le lundi 6 octobre, le gaz butane est également devenu difficile à obtenir à Bamako, selon des témoignages sur les réseaux sociaux, aggravant encore la crise énergétique qui touche les ménages.

Les autorités tentent de rassurer, la population reste sceptique

Lors d’une conférence de presse, le directeur adjoint de la DGCC, Soumaïla Djitteye, a estimé que le pays disposait désormais de stocks suffisants pour plusieurs jours. « Ce n’est que passager, dans les prochains jours la situation s’améliorera », a-t-il déclaré. Il a également assuré que des mesures étaient en cours pour éviter le retour d’une crise similaire.

De son côté, le PDG de l’OMAP, Modibo Gouro Diall, affirme même qu’il n’existe « aucune pénurie de carburant » dans les six communes du district de Bamako. Un discours officiel qui peine à convaincre face à la réalité du terrain : stations fermées, files d’attente interminables et prix officieux atteignant jusqu’à 2 500 F CFA le litre dans certains quartiers, contre 775 F CFA habituellement.

Le Premier ministre de transition, le général Abdoulaye Maïga, a quant à lui réuni un Comité interministériel de gestion des crises et des catastrophes. Parmi les décisions annoncées figurent un mécanisme de contrôle des stations-service afin de s’assurer du respect des prix plafonnés, la construction de nouveaux dépôts régionaux pour renforcer la résilience énergétique et la sécurisation systématique des convois de carburant sur tout le territoire.

Pour de nombreux observateurs, la crise du carburant a mis en lumière la fragilité du système d’approvisionnement et la dépendance du Mali vis-à-vis de ses voisins côtiers. Si les habitants de Bamako peuvent espérer voir progressivement revenir le carburant dans les stations, l’incertitude demeure sur la durabilité de cette accalmie. Les coupures d’électricité prolongées, la pénurie de gaz butane et les menaces persistantes sur les routes commerciales rappellent que la crise est loin d’être résolue.

Maceo Ouitona
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Maceo Ouitona est journaliste et chargé de communication, passionné des enjeux politiques, économiques et culturels en Afrique. Il propose sur Afrik des analyses pointues et des articles approfondis mêlant rigueur journalistique et expertise digitale
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