Mali : qui sont les Forces de libération de Macina, soupçonnées d’avoir perpétré l’attaque de Sévaré ?


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L’enquête sur l’attaque de l’hôtel Le Byblos, à Sévaré, dans le centre du Mali, progresse, alors qu’un nouveau bilan de la Minusma fait état de 13 morts. Les Forces de libération de Macina sont de plus en plus suspectées comme étant à l’initiative de l’assaut. Allié à Ansar Dine dirigé par le Touareg Iyad Ag Ghali, l’organisation multiplie les attaques depuis janvier dernier.

Un nouveau bilan fait état de 13 morts au cours de l’assaut contre l’hôtel de Sévaré au Mali, vendredi, où résidait des soldats occidentaux de la mission de l’Organisation des Nations unies au Mali (Minusma). Le groupe extrémiste des Forces de libération de Macina est de plus en plus suspecté d’être à l’origine de l’attaque. Plusieurs numéros de téléphone et adresses ont été retrouvés sur le corps des assaillants. « Une carte d’identité trouvée sur un d’entre eux mentionne (le nom de) Tamboura qui serait né à Téninkou, un village dans la zone géographique du Macina », a déclaré une source proche de l’enquête. L’organisation se serait alliée à Ansar Dine contre le gouvernement malien, selon plusieurs sources.

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Délaissés par le pouvoir central

Les Forces de libération du Macina sont un groupe de peuls, créé par Hamadoun Koufa. Ce prédicateur veut restaurer le califat de Macina, un empire peul du XIXème siècle. Il est considéré comme très proche du touareg Iyad Ag Ghali, à la tête de l’organisation Ansar Dine qui avait pris le contrôle de large zone dans le nord du Mali, à partir de 2012. Ces deux personnalités auraient contribué à l’implantation de la secte Dawa, d’obédience pakistanaise, sur le territoire malien, il y a une dizaine d’années.

Les peuls, un peuple à l’origine nomade, ont été largement délaissés par le pouvoir central depuis des dizaines d’années. Leur exclusion des infrastructures étatiques de santé et d’éducation notamment a alimenté une frustration à l’égard du pouvoir central. Ce sentiment a été renforcé par les différents programmes mis en place pour développer le centre du pays, notamment les projets de culture du riz, qui n’ont profité qu’à une minorité. Lors de l’intervention Serval en 2013, dizaines de peuls à Sévaré, à Kona et Djabali auraient également été tué par l’armée malienne. Sans-papiers pour beaucoup, ils ont été considérés comme des combattants islamistes étrangers.

Très engagé pour la guerre sainte, avec la volonté d’étendre la charia dans tout le Mali, le créateur du groupe Macina a fait plusieurs voyages « notamment au Pakistan et en Mauritanie où il a multiplié les contacts qui lui permettent d’alimenter son réseau aujourd’hui », selon le sociologue malien Mamoud Dialla qui a beaucoup travaillé sur ces différents groupes dans le nord du Mali.

La coopération militaire avec Ansar Dine a débuté en janvier 2013, quand pour aider l’organisation de Iyad Ag Ghali à s’emparer de Mopti, ville stratégique vers le sud du pays, Hamadoun Koufa attaque la ville de Konna où des dizaines de personnes sont tuées. Tout le nord du pays est alors déjà sous le contrôle de différents groupes rebelles : le MNLA, Al Qaïda au Maghreb islamisque (AQMI), et le MUJAO, issu d’une scission avec AQMI et dont plusieurs de ses membres ont rejoint cette année les Forces de libération de Macina. L’organisation refait parler d’elle en janvier 2015 en perpétuant des attaques notamment à Nampala dans le sud et Ténékou, au centre du Mali.

Diviser pour régner

Sept semaines après la signature d’un « accord de paix et de réconciliation » qui a été négocié pendant près d’un an sous la médiation algérienne, l’attaque de l’hôtel de Sévaré vendredi démontre que la situation est loin d’être stabilisée. La stratégie de Bamako de diviser certaines groupes rebelles à son profit a largement contribué à brouiller les cartes, rendant le jeu des alliances encore plus complexe entre la multitude des groupes rebelles présents essentiellement au nord du pays.

Le gouvernement a organisé la création du Groupe autodéfense touareg imghad et alliés (Gatia) et a agi pour la scission du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) en deux entités : MAA-Bamako favorable à l’unité du Mali qui se battait avec le Gatia et MAA-MNLA qui combattait pour l’autonomie de l’Azawad aux côtés des touaregs. En face, la Coordination des mouvements de l’Azawad réunit le MNLA, le MAA-MNLA et le Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), composé d’anciens membres d’Ansar Dine.

Cette tactique mise en place par le Président Ibrahim Boubacar Keïta avait été largement reprochée à son prédécesseur Amadou Toumani Touré pour avoir créé un ressentiment tenace des groupes rebelles vis à vis du pouvoir central. Entre allégeance, collusion et alliance d’intérêts, les motivations de ces différentes entités sont multiples et souvent alimentées par les différents trafiques à l’œuvre dans le nord du pays.

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