Mali : on n’écrit pas impunément sur « la maîtresse du président »


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La justice malienne a condamné un enseignant et un journaliste à de la prison ferme, mardi, à Bamako, dans l’affaire de « la maîtresse du président ». Quatre autres journalistes écopent de peines avec sursis pour « complicité d’offense au chef de l’Etat ». La défense compte interjeter appel de la décision, vivement critiquée par des associations de défense de la liberté de la presse.

Le Tribunal correctionnel de la commune III du district de Bamako a délivré, mardi, son verdict dans la désormais fameuse affaire de « la maîtresse du président ». Du nom de l’exercice littéraire, non basé sur des faits réels, que l’enseignant Bassirou Kassim Minta avait donné à ses lycéens. Seydina Oumar Diarra avait repris l’anecdote dans les colonnes d’Info-Matin, avant d’être suivi par les directeurs de publication du Scorpion, des Echos et du Républicain.

Prison ferme et amendes salées

Les deux premiers, poursuivis pour « offense au chef de l’Etat », écopent des plus lourdes peines. Le censeur du lycée Nanaïssa Santara a été condamné à deux mois fermes, une amende de 100 000 FCFA (environ 150 euros) et une interdiction d’exercer pendant la durée de sa détention. Le journaliste et secrétaire de rédaction d’Info-Matin prend treize jours fermes. Cependant, comme il était incarcéré depuis le 14 juin, comme ses co-accusés, il doit recouvrer la liberté ce mercredi.

Comparaissant pour « complicité d’offense au chef de l’Etat », Hamèye Cissé (Scorpion), Alexis Kalambry (Les Echos) et Birama Fall (Républicain) s’en sortent chacun avec quatre mois de prison avec sursis et 200 000 FCFA d’amende. Quant à Sambi Touré, le directeur de publication d’Info-Matin, il a été condamné à huit mois de prison avec sursis et 200 000 FCFA d’amende.

« Précédent dangereux pour la démocratie »

Les réactions ne se sont pas faites attendre. « Ce verdict est un accommodement décevant. Le tribunal a puni, envers et contre tout, un crime de lèse-majesté digne d’un autre âge », dénonce Reporters sans frontières dans un communiqué. Et d’ajouter que ces sanctions donnent « un exemple navrant aux gouvernements autoritaires ». Le Comité pour la protection des journalistes, basé aux Etats-Unis, « condamne fermement » les condamnations, qui constituent « un précédent dangereux pour l’avenir de la démocratie et de la liberté de la presse dans le pays ».

Les avocats de la défense vont interjeter appel, a confié au site d’information Bamanet le président de la Maison de la presse et directeur de publication de Nouvelle Libération. « Le procès était à huit clos, nos confrères n’avaient même pas d’avocat, dénonce Makan Koné, précisant que l’appel est destiné à blanchir ses confrères. La porte était fermée sans avocat ni rien. Les informations que nous avons reçues, étant dehors, sont que les confrères n’ont même pas eu la parole pour se défendre. (…) Nous nous sommes dit qu’il y a quelque chose en dessous de tout ça, qu’ils ne voulaient pas qu’on le sache. » Affaire à suivre.

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