Mali, les ruines d’un business agricole


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La ruée vers les terres agricoles au Mali est à la fois une aubaine pour l’économie du pays et un drame pour les populations rurales de la région de l’Office du Niger, dans le centre. Un Webdocumentaire retrace les étapes d’un projet censé enrichir le Mali et appauvrir les paysans de l’Office du Niger. « Ruée sur les terres agricoles au Mali », un document poignant signé Le Monde Diplomatique.

Soucieux de moderniser son agriculture, le Mali lance en 2008 un appel aux investissements étrangers. Et c’est la Libye qui est la première à proposer ses services. Le projet Malibya voit alors le jour dans la même année. A l’époque, les dirigeants libyen, Mouammar Kadhafi, et malien, Amadou Toumani Touré, s’entendent sur les clauses de ce qui est censé réduire la dépendance alimentaire du Mali et moderniser ses champs d’exploitation. Un projet ambitieux qui toutefois a causé de graves préjudices aux populations locales de la région de l’Office, épicentre du projet Malibya. Le Monde Diplomatique a publié un webdocumentaire à ce sujet avec pour illustration une série d’images inédites en noir et blanc.

Pour mettre sur pied 90 000 hectares de terres agricoles il a en effet fallu déplacer des villages entiers, parfois avec la force. Habituée à l’agriculture pluviale, le maréchage et l’élevage, la population rurale de l’Office du Niger n’arrive toujours pas à concevoir que l’on puisse détruire des terres agricoles traditionnelles pour en faire de vastes champs « à fric ». Pour elle, « la terre c’est la vie ». Tout juste consultée, la population subit aujourd’hui les conséquences des grandes manœuvres foncières.

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Le Journal du Mali écrivait le 25 septembre 2009 : « Pour les notabilités de Kolongo, à Ségou, le projet Malibya a conquis l’adhésion de presque tous les paysans. Au début des opérations, on n’avait rien compris. Il a fallu des échanges nombreux afin de faire comprendre l’utilité du projet. Aujourd’hui, chacune des familles touchées par le projet a eu son lot. Pour cela 13 ha nous ont été donnés sur lesquels nous avons prévu 130 lots à usage d’habitation. Mieux, la bagatelle de 116 millions de FCFA a été gracieusement distribuée aux recasés. »

« Presque », précisait-il alors. En réalité, nombreux sont les paysans qui contestaient et contestent toujours cette décision. Ils ont dû être délocalisés, malgré eux. L’armée serait même intervenue pour expulser les plus coriaces. Quant aux dédommagements, un habitant de Kolongo, région de Ségou, affirme qu’ils ont été, contrairement à ce qu’avance le Journal du Mali, « très mal dédommagés ». La plupart des populations expulsées vivaient sur ces terres depuis « des cinquantaines d’années ». Aujourd’hui, ils dénoncent une expropriation.

Un projet au point mort

A Kolongo, la première étape du projet a été d’élargir un canal d’irrigation de 40 km et de construire une route. L’arrivée de machines agricoles a provoqué une levée de boucliers chez les habitants. « Aujourd’hui, le projet n’avance plus ». Quelques centaines d’hectares d’arachides et de tournesols ont été plantés.

Alors que l’irrigation n’a pas encore débuté, les maraîchers de la zone se plaignent déjà de la pénurie d’eau consécutive à l’élargissement du canal. De toute manière, le contrat signé entre les deux Etats stipule que Malibya a la priorité sur l’accès à l’eau durant la saison sèche et dégage la société de ses responsabilités dans tout conflit pouvant surgir avec la population. En plus d’avoir déplacé des villages entiers, les deux gouvernements n’ont pas trouvé gênant de priver des centaines de villageois d’eau en cas de sécheresse, et ce, au profit du projet d’irrigation. Comme dirait Seydou Dembé du Syndicat des exploitants agricoles de l’Office du Niger : « Si tu souhaites que la terre t’appartienne il faut avoir l’argent, si tu n’en as pas alors tu es un animal. Nous sommes donc devenus des animaux. »

Pour les habitants de l’Office du Niger, le combat continue. En novembre 2011, ils participaient à la conférence Paysanne Internationale organisée à Nyéléni, sous l’égide de Via Campesina, mouvement international des paysans et des paysannes. Le rendez-vous avait rassemblé plus de 200 représentants d’organisations paysannes et d’ONG, venus du monde entier et de l’Office du Niger pour protester contre l’accaparement des terres agricoles.

Accès au Webdocumentaire sur le site de Le Monde Diplomatique

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