Mali : l’immigration clandestine racontée par les Africains


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Le Forum des migrants, organisé en hommage aux candidats à l’immigration morts il y a un an à Ceuta et Mellila, a pris fin samedi soir à Bamako. D’anciens émigrants clandestins ont partagé leur parcours avec l’assistance. Certains souhaitent rester travailler au pays, d’autres sont toujours déterminés à rallier l’Europe.

Lors du Forum des migrants, au Centre national des conférences de Bamako, des clandestins rapatriés échaudés ou déterminés à s’exiler ont livré à l’assistance leur expérience. La manifestation, qui s’est déroulée du 29 septembre au 7 octobre, tombait symboliquement un an après les assauts meurtriers de Ceuta et Mellila. Quatorze Sub-Sahariens avaient alors péri en tentant de passer sur ces enclaves espagnoles, certains ayant été abattus par les forces de sécurité espagnoles, qui avaient fait usage de balles réelles. Juste avant son intervention, Aminata Dramane Traoré, fondatrice du Forum pour l’autre Mali et ancienne ministre de la Culture, avait d’ailleurs fait observer une minute de silence en mémoire des victimes des assauts, estimées par les organisateurs à environ 4 000.

Des Africains prêts à repartir

Depuis les épisodes de Ceuta et Mellila, l’Europe intensifie ses mesures anti-immigration. Mais rien n’y fait : des embarcations de fortune quittent toujours le continent noir pour rallier l’archipel espagnol des Canaries ou encore l’île italienne de Lampedusa. Certains ont tenté plusieurs fois la traversée au péril de leur vie. « Les politiques européenne et africaine obligent les jeunes à emprunter la voie la plus risquée. Ils doivent se rendre à l’évidence que la lutte contre l’immigration clandestine est une lutte contre l’emploi des jeunes en Afrique », dénonçait Aminata Dramane Traoré, selon les propos rapportés par le journal malien L’Essor. C’est pour empêcher d’autres drames que les participants ont exigé, dans une motion, que les gouvernements africains et les partenaires occidentaux créent des conditions d’emploi pour les jeunes.

On comptait parmi les rescapés présents lors de la rencontre, organisée par la coalition d’ONG Forum pour l’autre Mali, des Maliens, des Sénégalais, des Ivoiriens, des Camerounais ou des Guinéens. « Moi, je veux repartir, même si c’est pour mourir », expliquait à l’agence Reuters un homme refoulé de Ceuta et Mellila ». Pour beaucoup, il est question de trouver hors du continent ce que leur pays ne leur offre pas : du travail.

Associations de réinsertion de clandestins

A l’inverse, des anciens candidats à l’immigration clandestine ont fait le choix de rester. « Il vaut mieux vivre dans son pays en paix au lieu d’aller mourir en Europe bêtement comme ça. On est mieux chez soi. On peut être pauvre et vivre tranquillement chez soi », indiquait à Reuters l’un d’entre eux. Pour les aider à se réinsérer, des associations se sont créées. A l’image de l’organisation non gouvernementale Aide ou de Retour-Travail-Dignité. « Moi, je reste prudent. Le discours altermondialiste, c’est bien, mais il faut regarder la réalité en face et insister sur la sensibilisation, l’organisation du retour de milliers de migrants qui sont actuellement en situation très difficile dans plusieurs pays africains de transit », commentait pour l’agence AFP Mamadou Diakité, de l’association Aide.

Il ajoute : « Aujourd’hui, il y a des milliers de Subsahariens bloqués entre le Niger, le Mali, l’Algérie, le Maroc, la Mauritanie et le Sénégal. Ce sont des gens qui veulent partir clandestinement en Europe. Ils risquent de s’éterniser dans ces pays. (…) Ils ne pourront pas tenir. Par ailleurs, ils n’ont pas les moyens de retourner chez eux. L’urgence, c’est de leur porter secours, de les aider à se réinsérer dans leur pays d’origine ». Mamadou Keita, secrétaire général de Retour-Travail-Dignité, a confié à L’Essor : « Il y a un an, nous revenions de l’enfer, le coeur meurtri, le corps martyrisé, parfois mutilé, partis de nos familles et de nos pays la rage au coeur avec l’envie de nous battre. (…) Il y a un an, nous avions honte, nous avions mal ; mais grâce à cette association, nous avons décidé de travailler dans notre pays ». A quelque chose, malheur est bon.

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